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Des manifs massives contre la réforme des retraites

L'imagination des grévistes a fleuri sur les banderoles. [AFP - JOEL SAGET]
L'imagination des grévistes a fleuri sur les banderoles. - [AFP - JOEL SAGET]
La contestation de la réforme des retraites s'est durcie en France mardi avec des niveaux de manifestation record et l'entrée des lycéens dans un mouvement. Les autorités ont parlé de 1,2 million de manifestants et les organisateurs de 3,5 millions. Le gouvernement exclut toujours toute concession.

C'est "la plus forte journée qu'on ait faite depuis le début" de la protestation contre le report de l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans, a affirmé le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault. Les manifestations "sont sensiblement plus importantes que les dernières fois", a renchéri François Chérèque, le patron de l'autre grand syndicat, la CFDT.

Les syndicats avaient annoncé 2,9 millions de manifestants pour les deux précédentes journées d'action. C'est 600'000 de plus ce mardi, se sont-ils félicités. "Gouvernement et parlement ont une lourde responsabilité: ils ne peuvent ignorer les manifestations", écrit la CFDT dans un communiqué. Selon le ministère de l'Intérieur toutefois, seulement 1,2 million de personnes sont descendues dans les rues.

La guerre des chiffres

Sous la bannière "Retraites solidaires, emplois, salaires: un enjeu de société", la manifestation parisienne contre la réforme des retraites a elle réuni 330'000 personnes selon les syndicats et 89'000 selon la préfecture de police. Lors du précédent défilé, le samedi 2 octobre, la police avait dénombré au total 63'000 personnes dans les rues de la capitale et les organisations syndicales 310'000.

En province, les chiffres ont atteint des niveaux record comme à Toulouse, où 145'000 personnes ont manifesté selon les syndicats et 30'000 selon la police.

Lycéens dans la rue

Quelque 300 lycées sur 4300 participaient au mouvement.
Quelque 300 lycées sur 4300 participaient au mouvement.

L'un des enjeux de la journée résidait dans le niveau de mobilisation des jeunes, qui ont commencé à manifester en fin de semaine, et est redouté par l'exécutif. Mardi matin, 300 lycées (sur 4300 en France) étaient touchés à des degrés divers, dont 90 bloqués, selon le ministère. Dans la rue à Toulouse, des centaines de jeunes scandaient: "Sarko t'es foutu, la jeunesse est dans la rue".

Pour la première fois mardi, des lycéens se sont joints aux cortèges, ce qui a poussé le Premier ministre François Fillon à accuser l'opposition de gauche d'être "irresponsable" en mettant "des jeunes de 15 ans dans la rue".

Selon le ministère de l'Education, le mouvement de grève a été suivi par 19,56% des enseignants du second degré, ce que conteste le Syndicat national des enseignements du second degré qui parle de 45% de grévistes.

Grève jusqu'à samedi?

Cette journée pourrait marquer un tournant dans le bras de fer entre le pouvoir et les syndicats car la poursuite des grèves est à l'ordre du jour bien que les directions des centrales syndicales soient réservées. Les grévistes des transports parisiens et la SNCF ont déjà voté la reconduction pour mercredi.

Ces grèves reconductibles pourraient durer jusqu'à la nouvelle journée de manifestations prévue samedi, sachant que deux tiers des Français sont favorables à un durcissement des actions selon un sondage. "On est un des rares pays où il peut y avoir quatre manifestations avec deux ou trois millions de personnes dans les rues sans que le gouvernement ne dise rien", a commenté François Chérèque (CFDT).

Gouvernement inflexible

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté en France (ici à Marseille).
Des centaines de milliers de personnes ont manifesté en France (ici à Marseille).

Le Premier ministre François Fillon a répété mardi que le gouvernement était "au bout de ce qui est possible" en terme de concessions. S'il a consenti des aménagements en faveur de certaines mères de famille, pour les carrières longues ou des emplois pénibles, le gouvernement reste inflexible sur le fond de la réforme, dont Nicolas Sarkozy a fait un chantier phare de la fin de son mandat.

Très impopulaire, le président espère capitaliser dans l'électorat de droite sur un succès avant de remanier son gouvernement en vue de la présidentielle de 2012. Pour désamorcer la contestation, le pouvoir parie surtout sur l'accélération du calendrier parlementaire.

afp/sbo

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Ce que prévoit la réforme des retraites

Le projet français de réforme des retraites s'appuie essentiellement sur un recul de l'âge minimal de départ en retraite, à l'image de réformes conduites ailleurs en Europe.

Le recul de l'âge légal de départ à la retraite est la pierre angulaire du projet du gouvernement. Il veut le porter de 60 ans à 62 ans en 2018, en l'augmentant à partir de 2011 de 4 mois par an. La première génération concernée est celle née en 1951.

L'âge légal est celui à partir duquel on peut prétendre à toucher une retraite pleine, à condition d'avoir une durée de cotisation suffisante au système de pension. La durée de cotisation pour une retraite à taux plein est actuellement de 40,5 ans et aura atteint 41 ans en 2012. Il est prévu dans le projet qu'elle passe à 41 ans et trois mois à partir de 2013.

Le gouvernement veut aussi faire passer de 65 à 67 ans l'âge auquel il sera possible de percevoir une retraite pleine, même si cette durée de cotisation n'est pas atteinte.

Selon lui, ces mesures sont indispensables à la préservation du système de retraites par répartition, dans lequel les pensions sont financées par les actifs, car l'allongement de la durée de la vie oblige à travailler plus longtemps. Les besoins de financement du système en l'absence de réforme seraient de près de 44 milliards d'euros en 2018, selon les experts.

Le projet gouvernemental prévoit aussi des impôts et taxes supplémentaires d'un montant de près de 5 milliards d'euros par an, frappant les contribuables les plus riches. Il s'agit surtout d'une hausse de l'impôt sur le revenu et d'une taxation de certains produits financiers.

Malgré ces prélèvements, les syndicats et l'opposition de gauche jugent le dispositif injuste car, selon eux, il fait peser l'essentiel de la charge du financement futur des retraites sur les salariés les plus modestes.

Mesure phare adoptée au Sénat

Le Sénat a voté lundi soir l'une des mesures phares de la réforme, le report de l'âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Il prévoit d'achever à la fin de la semaine l'examen du texte, qui devrait être adopté définitivement par le Parlement d'ici à la fin du mois.