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France: bras de fer autour des dépôts de carburants

Fos-sur-mer, dépôt de carburant, intervention de la police
La police est intervenue notamment à Fos-sur-Mer.
La mobilisation en France contre la réforme des retraites tourne au bras de fer entre gouvernement et syndicats autour du secteur stratégique des carburants. Toutes les raffineries du pays sont touchées par des grèves et le blocage de dépôts pétroliers et des centaines de stations-service sont à sec.

Les 12 raffineries françaises étaient en grève vendredi, parfois temporairement, avec l'entrée dans le mouvement des deux dernières qui n'étaient pas encore touchées. Des centaines de stations-service étaient à sec à travers le pays (lire ci-contre).

Aéroports parisiens plus approvisionnés

Les autorités assurent que la pénurie est encore loin, mais l'oléoduc approvisionnant les aéroports parisiens ne fonctionnait plus vendredi matin, faute de produits pétroliers, a indiqué la société Trapil gérant le pipeline. "L'aéroport d'Orly a 17 jours de stocks et Roissy a des stocks au moins jusqu'à la fin de ce week-end", a précisé une porte-parole de Trapil.

Le gouvernement avait autorisé jeudi soir la mise à disposition d'une partie des réserves de carburant, pour pallier tout risque de pénurie alors que 10 des 12 raffineries du pays étaient à l'arrêt ou en cours d'arrêt.

Vendredi matin, les unités anti-émeute de la police ont pénétré sans incident dans cinq dépôts de carburant qui avaient été bloqués par des grévistes. Au moins cinq autres dépôts étaient encore bloqués vendredi, parfois de manière temporaire.

Bloquer les dépôts pour faire pression

Ces actions sont devenues le principal moyen de pression dans le conflit sur les retraites, depuis que la production de carburants est affectée par le blocage de terminaux pétroliers dans les ports et les mouvements de grève dans les raffineries.

La décision de faire intervenir les forces de l'ordre a été prise par Nicolas Sarkozy, a indiqué la présidence. "On ne peut pas se permettre une pénurie d'essence, il faut penser à toutes celles et tous ceux d'entre nous qui ont besoin de se déplacer (...), aux entreprises, aux transporteurs routiers, tout ce qui fait la vie de notre pays", a expliqué vendredi le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau. La France compte quelque 220 dépôts de carburant.

Pour le dirigeant du syndicat CGT, Bernard Thibault, "ce n'est pas la méthode qui permettra de sortir de l'impasse" sur le conflit des retraites. "Ce mouvement est durablement ancré dans le pays", a-t-il prévenu, soulignant que "même les chiffres de la police montrent que depuis plus de 15 ans il n'y a jamais eu autant de manifestants dans notre pays".

Centaines de stations-service à sec

Plusieurs centaines de stations-service étaient, par conséquent, dépourvues de carburant vendredi en France. "On a énormément de stations qui sont fermées parce qu'elles n'ont plus d'approvisionnement", a déclaré Alexandre de Benoist, délégué général de l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP), qui représente la grande distribution.

Selon lui, le nombre de stations touchées se compte "en centaines" mais représente "moins de 10%" des quelque 12'500 établissements français. Le groupe pétrolier Total, qui gère le plus grand réseau de stations-service en France, a fait état de "150 à 160 stations-service fermées ou en rupture d'un produit ou de plusieurs produits" à la date de jeudi.

L'UIP, tout comme l'Union française des industries pétrolières (Ufip), font cependant état d'une "amélioration" de la situation. "La possibilité de recourir aux 'stocks de réserve' nous donne plus de flexibilité pour alimenter les automobilistes. Globalement, cela repousse le risque de pénurie de plusieurs jours", a estimé le président de l'Ufip, Jean-Louis Schilansky.

Les lycéens dans la rue

Manifestation estudiantine à Paris contre la réforme des retraites. 15 octobre 2010 [AFP - LIONEL BONAVENTURE]
Manifestation estudiantine à Paris contre la réforme des retraites. 15 octobre 2010 [AFP - LIONEL BONAVENTURE]

Les lycéens, désormais au coeur de la contestation, sont redescendus dans la rue vendredi avec plus de 300 établissements perturbés selon le ministère (7% des lycées).

Une centaine d'entre eux se sont rassemblés dans le calme aux abords de l'Hôtel Matignon, résidence du Premier ministre François Fillon, au lendemain d'affrontements en région parisienne.

A Lyon, la situation était tendue (lire ci-dessous). Du côté des transports, le trafic ferroviaire s'est amélioré, mais la SNCF conseille le report des voyages vers le sud ce week-end.

Face à un gouvernement qui a réaffirmé son inflexibilité sur les mesures phares de la réforme (le report de l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans pour l'âge minimal, de 65 à 67 ans pour une retraite à taux plein), les leaders syndicaux ont appelé jeudi à une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 19 octobre.

Ils espèrent renouveler le succès record de mardi, quatrième journée de mobilisation depuis la rentrée qui a rassemblé entre 1,2 et 3,5 millions de manifestants. Entre-temps, une journée de manifestations est prévue samedi.

Une renégociation du projet, comme le demandent syndicats et opposition, semble exclue, comme l'a réaffirmé vendredi le ministre du Travail Eric Woerth, même s'il précise que des "modifications" restent possibles au Parlement, qui a déjà adopté les dispositions essentielles de la réforme.

agences/hof


MANIFESTATIONS EMAILLEES D'INCIDENTS A LYON

La mobilisation contre la réforme des retraites se poursuivait vendredi à Lyon avec des manifestations de lycéens confuses et émaillées d'incidents. Au cours de la matinée, le port Edouard-Herriot, où sont installés des dépôts d'hydrocarbures, a été bloqué quelques heures.

Manifestations à Lyon contre la réforme des retraites [AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK]
Manifestations à Lyon contre la réforme des retraites [AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK]

Vingt-sept personnes ont été interpellées vendredi pendant des manifestations lycéennes, notamment dans le centre de Lyon, pour des dégradations sur des abribus et des jets de pierres sur les forces de l'ordre, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Au total, environ un millier de jeunes répartis dans différents cortèges, ont manifesté dans une certaine confusion, sans trajet préétabli, dans le courant de la matinée. Des piles de journaux gratuits ont été brûlées sur l'emblématique place Bellecour, de très nombreuses poubelles ont été jetées par terre.

Les commerçants de boutiques chics avaient fermé leurs portes à clés ou baissé leurs rideaux de fer au passage des cortèges, et des stations de métro avaient été fermées dans le centre-ville.

Quelques syndicats étudiants, complètement dépassés, tentaient de calmer les esprits échauffés et de rappeler les raisons du mouvement. Les manifestations, toujours sous haute tension, continuaient en début d'après-midi, notamment dans le centre-ville.

Le maire de Lyon Gérard Collomb a qualifié ces débordements d'"intolérables" et "inacceptables" dans un communiqué. Il a également appelé à "un retour rapide à l'ordre et à la tranquillité publique".

Par ailleurs, le port Edouard-Herriot où se trouvent des dépôts de carburant, a été bloqué pendant une partie de la matinée, par une centaine de personnes, a-t-on constaté sur place. Des personnes syndiquées, des personnels de l'entreprise Rhodia, des enseignants et quelques anarchistes ont empêché, dans le calme, les camions d'entrer et de sortir du port pendant plus d'une heure.

Enfin, les grévistes de la raffinerie Total de Feyzin ont reconduit leur mouvement vendredi matin, au moins jusqu'à lundi. La raffinerie est à larrêt depuis mercredi matin.

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Paris: limitation des flashballs

Le préfet de police de Paris a limité vendredi l'utilisation de flashballs par la police. Cette décision est intervenue après un incident jeudi à Montreuil, prés de Paris, où un lycéen qui manifestait contre le projet de réforme des retraites a été gravement blessé au visage.

"Nous demandons depuis hier aux forces de l'ordre de s'en tenir aux gaz lacrymogènes lorsqu'il faut se dégager. Mais l'utilisation du flashball reste possible en cas de légitime défense", a-t-on expliqué vendredi à la préfecture.

Le jeune homme de seize ans, qui souffre de fractures au visage, devait être opéré vendredi afin de tenter de sauver son oeil, a dit la maire de Montreuil, Dominique Voynet. Le flashball, appelé aussi "lanceur de balles de défense", projette à forte vitesse des balles en caoutchouc. Il est censé permettre de maitriser des personnes sans provoquer de blessures.

Fourni par Nicolas Sarkozy aux forces de sécurité lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, il a déjà donné lieu à des incidents, et des recommandations avaient été émises par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

Après un incident le 8 juillet 2009 au cours duquel un homme de 34 ans avait perdu l'usage d'un oeil après par un tir policier de flashball, la CNDS avait recommandé de s'en tenir aux recommandations officielles et d'éviter son usage dans des manifestations sur la voie publique.

Selon les ordres officiels, la police ne peut en principe utiliser l'arme qu'en légitime défense ou en "état de nécessité", à une distance d'au moins sept mètres. Il est interdit de tirer "au-dessus de la ligne des épaules ou dans la région du triangle génital".

Des répercussions en Suisse

La grève des terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer a des répercussions en Suisse. La raffinerie du groupe zougois Petroplus ne reçoit plus de pétrole brut du Sud de la France. Elle a pu faire appel à des réserves pour continuer à fonctionner, mais sa production est réduite.

L'oléoduc qui relie la raffinerie de Cressier (NE) au terminal de Fos-sur-mer (près de Marseille) ne transporte plus de pétrole brut "depuis le début de la grève", a indiqué Fredrik Olsson, porte-parole de Petroplus.

La grève entre dans son 19e jour. L'activité de la raffinerie de Petroplus demeure assurée par ses propres réserves de brut. Elle a également fait appel aux stocks obligatoires que le gouvernement français a constitués en cas de crise. La production se poursuit, mais à un rythme réduit.

Fredrik Olsson n'a pas voulu indiquer l'ampleur de cette diminution. Philippe Cordonier, porte-parole de l'Union pétrolière, exclut que cette baisse de production entraîne une hausse des prix.

Si la grève devait se prolonger et la raffinerie stopper sa production, l'approvisionnement de la Suisse ne serait pas menacé, car "il est diversifié", explique Philippe Cordonier.

L'autre raffinerie de Suisse, celle de Tamoil sise à Collombey (VS), reçoit son pétrole brut via un oléoduc qui prend sa source à Gênes. Une éventuelle fermeture de la raffinerie de Cressier n'aurait que peu de conséquences pour le consommateur suisse, selon l'Union pétrolière.

Les installations de Collombey et Cressier ne transforment que 40% des produits raffinés disponibles en Suisse. Le reste est importé, a précisé Philippe Cordonier.

L'approvisionnement de la raffinerie de Cressier n'est pas le seul souci posé par les grèves françaises à Petroplus. Ses raffineries de Reichstett (Bas-Rhin) et de Petit-Couronne (SeineMaritime) ont suivi le mouvement de contestation nationale au projet de réforme des retraites.

L'installation alsacienne ne fonctionne plus depuis vendredi. Outre la question des retraites, les ouvriers veulent une réponse claire quant au futur du site. Dans le Nord de la France, la grève a débuté jeudi.