"On peut penser que sur les 4000 stations de la grande distribution qui distribue 60% du carburant en France, il y en a quelque 1500 en rupture d'un produit ou totalement à sec", a fait savoir l'Union des importateurs indépendants pétroliers, qui représente la grande distribution. Selon l'organisation, "20 à 25% de son potentiel de distribution est soit arrêté, soit en difficulté. Certaines régions sont plus touchées que d'autres, comme l'Ouest et la Bretagne.
Un peu plus tôt, les salariés des douze raffineries du pays avaient décidé de reconduire le mouvement de grève. Plusieurs dépôts pétroliers, notamment en Normandie et en Bretagne, ont à nouveau été bloqués par des opposants à la réforme des retraites.
Des barrages filtrants, des blocages de sites et des opérations escargot ont été signalés dans plusieurs régions de France, aux abords des grandes villes, provoquant des bouchons sur plusieurs kilomètres aux abords de Paris, Lyon, Avignon ou Lille.
Augmenter la pression
La CGT et la CFDT sont toujours déterminés à augmenter la pression avant le vote prévu mercredi par les sénateurs du texte déjà voté par l'Assemblée nationale. La question étant de savoir si les plus radicaux sont en mesure de paralyser le pays.
Après avoir réussi à mobiliser un nombre record de manifestants mardi (1,2 à 3 millions), à faire encore descendre dans la rue un nombre conséquent de personnes samedi (825'000 à 3 millions), à étendre la grève aux 12 raffineries de France, les organisations syndicales ont appelé à intensifier le mouvement dans le secteur stratégique des transports.
Les transports ferroviaires sont aussi toujours perturbés. La SNCF a prévu prévoyant en moyenne un TGV sur deux et un trafic difficile à l'international, en dehors des liaisons vers l'Allemagne ou des Eurostar vers Londres, quasi-normales ou normales. La situation est encore aggravée par une grève dans les transports ferroviaires belges.
Au moment-même où le bras de fer se cristallise dans le secteur stratégique des transports, plusieurs incidents violents ont éclaté aux abords de lycées. Quelque 196 "casseurs" ont été interpellés en marge des manifestations lycéennes, selon le ministère de l'Intérieur, qui a fait état de quatre policiers blessés au cours d'incidents, dans la banlieue parisienne, au cours d'affrontements entre forces de l'ordre et jeunes au visage dissimulé, qui ont renversé et brûlé des voitures.
Le gouvernement inflexible
Après une semaine de mobilisation sans précédent depuis le début de la protestation contre cette réforme qui prévoit de reculer l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, le gouvernement campe lui sur ses positions. Le président français Nicolas Sarkozy l'a dit, son Premier ministre François Fillon l'a répété dimanche soir à la télévision TF1: le débat "ira à son terme au Sénat" et la réforme sera "votée".
"Je ne laisserai pas l'économie française étouffer par un blocage de l'approvisionnement en carburant", a prévenu François Fillon. "Il n'y aura pas de pénurie", a-t-il martelé. La Première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a qualifié François Fillon de "plus obtus et fermé que jamais". Elle a une nouvelle fois demandé au président Sarkozy "de suspendre l'examen du texte au Sénat" et "d'ouvrir le dialogue" avec les syndicats.
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a averti que les autorités feraient "débloquer les dépôts" pétroliers si nécessaire (lire encadré). Dimanche, le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau a affirmé qu'il n'y avait "aucune station sans essence" et appelé les automobilistes à ne pas paniquer.
agences/boi
Des conséquences en Suisse
La grève des terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer a des répercussions en Suisse. La raffinerie du groupe zougois Petroplus ne reçoit plus de pétrole brut du Sud de la France.
Son activité demeure assurée par ses propres réserves de brut. Elle a également fait appel aux stocks obligatoires que le gouvernement français a constitués en cas de crise.
La production se poursuit, mais à un rythme réduit.
La direction exclut que cette baisse de production entraîne une hausse des prix.
Si la grève devait se prolonger et la raffinerie stopper sa production, l'approvisionnement de la Suisse ne serait pas menacé, car "il est diversifié", explique Petroplus.
"Si l'un des points d'entrée fait défaut, d'autres canaux peuvent pallier la situation", ajoute-t-il.
L'autre raffinerie de Suisse, celle de Tamoil sise à Collombey (VS), reçoit son pétrole brut via un oléoduc qui prend sa source à Gênes.
Un centre de crise mis sur pied
Le ministère français de l'Intérieur Brice Hortefeux a annoncé l'activation lundi après-midi "du centre interministériel de crise" pour assurer "la pérennité du ravitaillement en carburant".
Ce centre "aura pour mission de coordonner l'action des différents services de l'Etat visant à assurer la pérennité du ravitaillement en carburant", a indiqué le ministère.
Chacun des ministères concernés, notamment l'Economie, l'Energie, l'Ecologie et l'Intérieur sera représenté dans ce centre, activé dès lors qu'une crise, de quelque caractère que ce soit, appelle la mobilisation de plusieurs des services de l'Etat.