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L'armée américaine fustigée par WikiLeaks

Le comportement de l'armée américaine en Irak est une nouvelle fois décrié.
Le comportement de l'armée américaine en Irak est une nouvelle fois décrié.
La coalition internationale a torturé des prisonniers irakiens et fermé les yeux sur des exactions commises par les forces irakiennes, affirme le site WikiLeaks. Ce dernier a publié près de 400'000 documents secrets de l'armée américaine sur la guerre en Irak.

Après des semaines de suspense, le site spécialisé dans le renseignement a commencé à diffuser vendredi soir 391'831 documents qu'il a présentés comme "la plus grosse fuite de documents militaires secrets de l'Histoire".

Les pièces publiées mettent en évidence "de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre", accuse le site dans un communiqué. WikiLeaks évoque aussi le comportement de soldats américains "faisant sauter des bâtiments entiers parce qu'un tireur se trouve sur le toit".

Torture généralisée

Les documents révèlent "plus de 300 cas de torture et de violences commis par les forces de la coalition sur des prisonniers", ajoute WikiLeaks, qui a aussi dénombré plus d'un millier d'exactions de la part des forces irakiennes.

Le fondateur de Wikileaks Julian Assange a affirmé que les documents publiés étaient authentifiés. [REUTERS - � Scanpix Sweden / Reuters]
Le fondateur de Wikileaks Julian Assange a affirmé que les documents publiés étaient authentifiés. [REUTERS - � Scanpix Sweden / Reuters]

"On parle de cinq fois plus de morts en Irak, un vrai bain de sang comparé à l'Afghanistan", a déclaré sur CNN le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, jugeant que "le message de ces dossiers est puissant et peut-être un peu plus facile à comprendre que la complexe situation en Afghanistan".

L'AFP a pu consulter une partie des documents à Londres avant leur diffusion sur internet. Une grande partie des textes sont expurgés des noms pouvant mettre en danger des personnes, a expliqué WikiLeaks.

Conventions de Genève violées?

WikiLeaks a également remis à l'avance ses documents à plusieurs médias internationaux comme le "New York Times", le "Guardian", "Der Spiegel" et la chaîne Al-Jazira, qui a la première révélé leur contenu.

Selon la chaîne de télévision du Qatar, l'armée américaine a "couvert" des cas de torture de détenus par les autorités en Irak, où des centaines de civils ont en outre été tués à des barrages tenus par les alliés.

Au vu des documents, "les autorités américaines n'ont pas enquêté sur les centaines de cas de violences, tortures, viols et mêmes des meurtres commis par des policiers et des militaires

L'armée américains est accusée de fermer les yeux sur la torture systématique pratiquée par les forces de l'ordre irakiennes. [AFP - MARWAN IBRAHIM]
L'armée américains est accusée de fermer les yeux sur la torture systématique pratiquée par les forces de l'ordre irakiennes. [AFP - MARWAN IBRAHIM]

irakiens", écrit le "Guardian".

Pour l'organisation Amnesty International, la divulgation de ces documents conduit à se demander si les autorités américaines ont respecté les conventions internationales sur la guerre en transférant la garde de détenus aux forces irakiennes, connues pour commettre des sévices "d'une ampleur véritablement choquante".

Majorité de victimes civiles

Selon le communiqué de WikiLeaks, les documents secrets couvrent la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009, après l'invasion américaine de mars 2003 qui a renversé le régime de Saddam Hussein.

Les documents révèlent que le conflit a fait 109'032 morts en Irak, selon le communiqué, qui précise que plus de 60% sont des civils, soit 66'081 personnes.

Sur ce total, 15'000 décès de civils n'avaient jusqu'à présent pas été révélés, selon WikiLeaks. Ces chiffres montrent "que les forces américaines disposaient d'un bilan recensant morts et blessés irakiens même si elles le niaient publiquement", a relevé Al-Jazira.

Un bilan américain publié officiellement fin juillet faisait état de près de 77'000 civils et militaires irakiens tués de 2004 à août 2008.

Escadrons de la mort

Selon Al-Jazira, les documents font également état de liens entre le Premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki et des "escadrons de la mort" qui semaient la terreur au début du conflit. D'autres documents "révèlent de nouveaux cas impliquant (l'ancienne société de sécurité américaine privée) Blackwater dans des tirs contre des civils", sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elle.

agences/os

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Hillary Clinton condamne fermement

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a condamné vendredi "en termes très clairs" la fuite de tout document pouvant mettre en danger la vie d'Américains, au moment où la chaîne Al-Jazira rendait compte de révélations du site internet WikiLeaks sur l'Irak.

Hillary Clinton a refusé d'entrer dans les détails concernant ces révélations annoncées par la chaîne satellitaire du Qatar, selon lesquelles l'armée américaine a "couvert" la torture de détenus par l'Etat irakien et tué des centaines de civils aux barrages tenus par ses soldats.

"Mais j'ai la ferme conviction que nous devons condamner en termes très clairs la diffusion de toute information, que ce soit par des individus ou des organisations, faisant peser un risque sur la vie des soldats et des civils des Etats-Unis et de leurs alliés", a-t-elle dit à la presse.

S'exprimant lors d'une conférence de presse conjointe avec le ministre pakistanais des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi, Hillary Clinton a déclaré qu'elle s'opposait à toute diffusion "menaçant notre sécurité et la sécurité nationale de ceux avec qui nous travaillons".

L'ONU appelle Washington à enquêter

Le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Manfred Nowak, a appelé le président américain Barack Obama à lancer une enquête sur les cas de torture révélés dans une série de documents de l'armée américaine publiés vendredi par le site WikiLeaks.

"L'administration Obama a l'obligation, quand surgit des accusations sérieuses de torture contre un responsable américain, d'enquêter et d'en tirer les conséquences... Cette personne devrait être traduit en justice", a déclaré Manfred Novak sur la radio BBC 4. "Je me serais attendu à ce que (ce genre d'enquête) soit lancée depuis déjà longtemps car le président Obama est arrivé au pouvoir en promettant le changement.

Le président Obama a l'obligation de traiter les cas passés. C'est une obligation d'enquêter", a poursuivi le rapporteur. Manfred Nowak a cependant reconnu qu'il ne pourrait s'agir que d'une enquête américaine. Des poursuites par la Cour pénale internationale (CPI) ne sont pas possibles car les Etats-Unis ne reconnaissent pas la cour, a-t-il admis.

"En vertu des statuts de la Cour pénale internationale (CPI), toute forme de torture répandue ou systématique est une crime contre l'humanité, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre.
Les Etats-Unis n'ont pas ratifié ce statut. En conséquent, aucun soldat américain ne peut être traduit devant la CPI, sauf si le crime a été commis sur le territoire d'un Etat qui a ratifié le statut", a-t-il expliqué, précisant que l'Irak n'avait pas non plus reconnu la création de la CPI.