L’accusation est grave. D'après un article du Canard enchaîné paru mercredi et signé de son rédacteur en chef, Claude Angeli, "depuis le début de l'année, au moins, dès qu'un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens", Nicolas Sarkozy demanderait au patron des services de renseignements français, Bernard Squarcini, de s'y "intéresser". C'est-à-dire de "le mettre sous surveillance, de recenser ses relations et, surtout, ses informateurs".
Une équipe spécialisée
Ce rôle ne plairait d'ailleurs guère à Bernard Squarcini, affirme l'hebdomadaire satirique, qui cite "plusieurs de ses subordonnés". Toujours selon le journal, un "groupe monté à cet effet au sein de la DCRI" et composé de plusieurs anciens policiers des Renseignements généraux, serait chargé de ces enquêtes, qui commenceraient par l'étude des factures détaillées des téléphones fixes et mobiles des journalistes concernés. "Les opérateurs téléphoniques sont d’une grande complicité avec nous", aurait expliqué une source à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).
Le journal satirique affirme que "dans l’équipe élyséenne certains ne font pas mystère de ces mauvaises manières". Il cite notamment Henri Guaino, conseiller spécial du président, qui aurait affirmé devant des diplomates au printemps dernier: "Les journalistes, on les cadre."
Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a dénoncé mercredi les "allégations grotesques" du Canard enchaîné. Cependant, l'opposition réclame des explications au chef de l'Etat.
agences/mre
Le précédent du journal "Le Monde"
A la mi-septembre, le quotidien Le Monde avait déjà accusé l'Elysée d'avoir utilisé les services du contre-espionnage pour identifier l'informateur de l'un de ses journalistes dans le cadre de l'affaire Woerth-Bettencourt. La présidence de la République avait totalement démenti les accusations du journal du soir, assurant n'avoir "jamais donné la moindre instruction à quelque service que ce soit".
Fin septembre, le parquet de Paris a demandé au Ministère de l'intérieur de lever le secret sur l'enquête de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ayant désigné un conseiller de la ministre de la Justice comme l'auteur des fuites au Monde dans l'affaire Woerth-Bettencourt, selon des sources proches de l'enquête.
Plusieurs médias français ayant enquêté sur l'affaire Bettencourt ont également dénoncé avoir été victimes de vols d'ordinateurs et de matériel électronique.
Bernard Squarcini dément
Dans un entretien publié par Libération, Bernard Squarcini, patron des services de renseignements français, a démenti l'existence d'une équipe spéciale dédié à la surveillance les journalistes. "Je n'ai pas de cabinet noir", a-t-il déclaré.
Bernard Squarcini a affirmé dans un entretien à l'AFP qu'il étudiait avec son avocat "la possibilité de déposer plainte pour diffamation". "Je m'inscris en faux contre les allégations mensongères contenues dans cet article" (du Canard enchaîné), et "j'en ai informé dès mardi soir Claude Angeli, (directeur du journal satirique), immédiatement et personnellement", a-t-il ajouté.