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Ambiance de guérilla urbaine en Haïti

Casques bleus ou sorciers: certains Haïtiens cherchent des responsables à la propagation du choléra dans leur pays. [Emilio Morenatti]
Les rues de Port-au-Prince ont été le théâtre de violentes émeutes. - [Emilio Morenatti]
Plusieurs centaines de jeunes ont pris pour cible jeudi les soldats de l'ONU dans le centre la capitale haïtienne Port-au-Prince. Ils ont lancé des pierres et érigé des barricades lors d'une manifestation suscitée par l'épidémie de choléra.

Une ambiance de guérilla urbaine régnait aux abords du Champ de Mars, tout près du Palais présidentiel: des coups de feu étaient entendus, sans que l'on puisse dire d'où ils provenaient, tandis que des gaz lacrymogènes rendaient l'air irrespirable.

Des pneus en feu et des bennes à ordure bloquaient plusieurs carrefours de la capitale, où les Casques bleus n'avaient jusqu'à présent jamais été pris pour cible depuis le tremblement de terre de janvier. Les jeunes s'en sont pris à une petite dizaine de soldats de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) qui se trouvaient à l'arrière d'une camionnette découverte. Un des soldats, qui avaient mis en joue les manifestants sans toutefois les freiner dans leur élan, est tombé du véhicule. Il a été la cible de tirs de pierres avant de réussir à y remonter.

"Minustah allez-vous-en"

"Le choléra, c'est la Minustah qui nous a donné ça" ou "Minustah allez-vous-en", criaient en créole les manifestants rassemblés tout près d'un vaste camp de réfugiés du séisme, qui a fait plus de 250'000 morts. "La Minustah répand des excréments dans la rue", pouvait-on lire sur une pancarte, alors que des rumeurs démenties par l'ONU accusent des Casques bleus népalais d'avoir apporté le choléra dans l'île.

Les jeunes, qui ont cherché dans un premier temps à se rendre au siège de la Mission de l'ONU, tournaient dans le centre de la capitale à la recherche de forces de l'ordre à caillasser.

L'épidémie de choléra, qui sévit depuis la mi-octobre dans le pays, le plus pauvre du continent américain, a déjà fait 1110 morts et touché quelque 18'000 personnes. La maladie a franchi cette semaine les frontières, avec un cas en République dominicaine et un autre en Floride (sud-est des Etats-Unis).

"Population oubliée"

"Le président ne dit mot" "On manifeste contre le pouvoir et la Minustah qui ne fait rien. La Minustah devait pacifier le pays et partout où elle est, c'est pire. La Minustah tue des Haïtiens", assure Ladiou Novembre, un professeur de l'enseignement secondaire de 38 ans. "Les dirigeants haïtiens ont oublié la population", ajoute Ladiou Novembre, à dix jours des élections législatives et présidentielle du 28 novembre.

Mercredi, un homme a été tué par balles et plusieurs personnes ont été blessées, après des heurts également entre Casques bleus et manifestants au Cap-Haïtien, deuxième ville du pays située à quelque 300 km au nord de la capitale, selon un source policière. En début de semaine, des heurts avaient déjà fait deux morts et 14 blessés dans la même ville, ainsi que six blessés parmi les soldats de l'ONU à Hinche (centre).

afp/cab

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Une souche de choléra très virulente

La souche de choléra en cause dans l'épidémie en cours en Haïti paraît "plus virulente que la normale", et pourrait rester présente à l'état endémique pendant des années, ont estimé jeudi des responsables américains de santé publique.

Thomas Adams, coordonnateur spécial pour Haïti au sein de l'administration Obama, a observé que le choléra avait été absent d'Haïti depuis "au moins cinquante ans, et peut-être un siècle", ce qui pourrait expliquer en partie la rapidité de sa diffusion actuelle.

L'étude de la corrélation entre le taux de mortalité infantile et la vitesse de propagation de la maladie, considérée comme un indicateur de la force de l'épidémie, donne à penser que "la transmission va continuer pendant un certain nombre d'années", a indiqué de son côté Manoj Menon, chargé de la liaison entre le Centres de contrôle des maladies (CDC) et USAID, l'agence américaine de l'aide publique au développement.

"Le fardeau le plus lourd se fera sentir tôt dans l'épidémie --et c'est ce que l'on voit maintenant--, mais nous nous attendons à ce que les cas continuent et à ce que l'organisme soit présent dans l'environnement pendant plusieurs années", a-t-il expliqué.

Des manifestations violentes ont éclaté sur l'île, une partie de la population accusant les Casques bleus de l'ONU d'être à l'origine de la catastrophe. Mais selon Manoj Menon, il est impossible de retracer l'origine de la souche. "Nous ne saurons probablement jamais d'où ceci est venu", a-t-il insisté en réponse à une question.