L'ancien vice-président de RDC, inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, est la personnalité la plus éminente jugée à ce jour par la CPI. "M.Bemba a assurément compris cette inculpation et plaide non coupable par mon intermédiaire", a déclaré son avocat Nkwebe Liriss, après lecture de l'acte d'accusation.
Selon la défense de l'ancien vice-président de RDC, les troupes du MLC ont combattu "avec l'uniforme et sous le drapeau centrafricain". "Ce sont les autorités centrafricaines qui avaient en charge le commandement effectif et la discipline" (lire ci-contre), affirme l'un des avocats de Jean-Pierre Bemba, Aimé Kilolo.
Centaines de Viols organisés
Le procureur ne l'entendait pas de cette oreille. "Jean-Pierre Bemba a sciemment permis aux 1500 hommes qu'il commandait de commettre des centaines de viols, des centaines de pillages" en Centrafrique en 2002 et 2003, a déclaré l'Argentin Luis MorenoOcampo, dans sa déclaration liminaire.
"Des groupes de deux à trois soldats se sont introduits dans une maison après l'autre", a déclaré le procureur: "ils ont violé les femmes (...) indépendamment de leur âge. Quand les civils résistaient, ils étaient tués". "Les viols massifs n'étaient pas seulement sexuellement motivés, c'étaient des crimes de domination et d'humiliation contre les femmes mais aussi contre les hommes qui avaient de l'autorité", a-t-il asséné.
La Cour pénale internationale (CPI) a autorisé la participation à la procédure contre Jean-Pierre Bemba de 135 victimes et doit encore examiner les demandes déposées par 1200 personnes environ.
Un procès à valeur d'exemple
Jean-Pierre Bemba, arrêté à Bruxelles en 2008, qui risque la réclusion à perpétuité, est poursuivi par la CPI en tant que "chef militaire": il lui est reproché d'avoir su que ses troupes commettaient des crimes et de ne pas avoir pris toutes les mesures pour les en empêcher.
"Ce procès a une valeur d'exemple: il faut que les chefs militaires qui laissent leurs hommes violer, sachent qu'ils peuvent être poursuivis", souligne un membre du bureau du procureur de la CPI.
Battu par Joseph Kabila lors de l'élection présidentielle de 2006, Jean-Pierre Bemba, âgé de 47 ans, était devenu une des principales figures de l'opposition en RDC avant de fuir le pays en 2007, disant craindre pour sa vie. Il avait été arrêté le 24 mai 2008 à Bruxelles en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI, saisie en 2004 par François Bozizé, au pouvoir en Centrafrique depuis 2003.
En détention provisoire depuis son arrestation, Jean-Pierre Bemba n'a pas été reconnu indigent par la CPI. Ses avoirs et ses biens ont été gelés à la demande de la Cour qui avance l'argent nécessaire à sa défense, 30'150 euros par mois.
Jugements en série
Les deux premiers procès de la CPI, entrée en fonction en 2002, sont en cours. Deux chefs de milice congolais Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, sont jugés depuis le 24 novembre 2009 pour l'attaque d'un village de RD Congo en 2003.
Un autre chef de milice congolais, Thomas Lubanga Dyilo, accusé de crimes de guerre pour enrôlement d'enfants soldats en 2002-2003, est jugé depuis le 26 janvier 2009.
agences/os
"une enquête partiale et bâclée"
La défense de Jean-Pierre Bemba a dénoncé lundi une enquête "partiale" et "bâclée", au premier jour du procès de l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
"Une enquête partiale, une enquête bâclée, et qui en définitive n'apporte absolument pas aux juges ce qu'ils sont en droit d'attendre, c'est-à-dire des preuves au-delà de tout doute raisonnable", a regretté Me Nkwebe Liriss, prononçant la déclaration liminaire de la défense.
Selon le procureur Luis Moreno-Ocampo, Jean-Pierre Bemba était "le commandant militaire avec l'autorité effective et le contrôle des troupes qui ont commis les crimes", ce que conteste la défense. "La responsabilité hiérarchique incombait au commandement suprême de l'armée centrafricaine", a assuré Me Liriss, regrettant que "la chaîne de commandement centrafricaine" ne soit pas appelée à témoigner au procès.
Le procureur "a préféré se focaliser sur des témoins de seconde zone pour accabler M. Bemba qui se trouvait à plus de 2.000 km des lieux de combat", a soutenu l'avocat.
L'accusé, vêtu d'un costume marine et d'une cravate bleu ciel, fortement corpulent, est resté impassible pendant la lecture des charges. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité.
"Les viols, souvent collectifs, ont été perpétrés sur des femmes, des filles, des enfants, des personnes âgées, même des hommes -ce qu'on ne connaissait pas jusqu'à alors- en public", a déclaré l'un des deux avocats centrafricains représentants les victimes, Me Marie-Edith Douzima-Lawson.
"Le viol a été utilisé comme véritable arme de guerre dans le but de punir en quelque sorte la population civile soupçonnée de complicité avec les rebelles centrafricains", a-t-elle souligné.
La CPI a autorisé la participation de 759 victimes au procès et les juges doivent encore se prononcer sur 653 demandes.
"Un climat de peur généralisé"
Quelque 1500 hommes du MLC ont franchi en octobre 2002 le fleuve Oubangui, frontière naturelle entre la RDC et la Centrafrique pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé.
Cinq mois durant, jusqu'en mars 2003, ils ont, selon l'accusation, violé femmes, hommes, enfants et vieillards, pillé et tué ceux qui opposaient une résistance.
"Les troupes du MLC ont instauré un climat de peur généralisé au sein de la population centrafricaine espérant ainsi déstabiliser l'armée adverse", affirme l'accusation dans le document de notification des charges. Quatre cents viols ont été recensés par l'accusation à Bangui, la capitaine centrafricaine.