L'échange entre le président français et la presse, relayé depuis lundi soir par plusieurs sites internet, a eu lieu en marge du sommet de l'OTAN à Lisbonne vendredi soir. Au même moment, l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin venait de relancer les soupçons de rétrocommissions vers des personnalités de la droite en 1995 dans le cadre d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan. A l'époque Nicolas Sarkozy était ministre du Budget et porte-parole de la campagne présidentielle du Premier ministre d'alors, Edouard Balladur, sur laquelle planent des soupçons de financement illégal potentiellement lié à ces rétrocommissions.
"Amis pédophiles, à demain!"
"On est dans un monde de fous", a déclaré le président qui répondait à une question sur le sujet lors de ce briefing "off", pour lequel le président ne doit en principe pas être cité comme tel si les journalistes répercutent ses propos.
"Il n'y a pas un seul parmi vous qui croit que je vais organiser des commissions et des rétrocommissions sur des sous-marins au Pakistan, c'est incroyable". Puis il s'adresse à un journaliste, dans une démonstration par l'absurde: "Et vous, j'ai rien du tout contre vous. Il semblerait que vous soyez pédophile... Qui me l'a dit ? J'en ai l'intime conviction (...) Pouvez-vous vous justifier?". Le président emploie encore le mot deux ou trois fois, preuve de sa colère. "Amis pédophiles, à demain!", lance-t-il en quittant les journalistes qu'il allait retrouver le lendemain en conférence de presse.
Le "Karachigate"
Cette enquête sur des soupçons de corruption pour un contrat d'armement est liée à celle concernant un attentat anti-français en mai 2002 à Karachi, qui avait coûté la vie à 15 personnes dont 11 salariés français de la Direction des Constructions navales travaillant à la fabrication des sous-marins. Une des pistes de l'enquête est que cet attentat pourrait avoir été commis en représailles à l'arrêt du versement par la France de commissions sur ce contrat, après l'élection de Jacques Chirac en 1995.
Mardi, le nouveau ministre de la Défense Alain Juppé, interrogé sur la radio RTL, a justifié les propos du président par la "pression médiatique". "Le président de la République est soumis à une telle pression médiatique que de temps en temps voilà... tout être humain est humain", a-t-il déclaré. Depuis qu'il est président, Nicolas Sarkozy s'est laissé aller à quelques insultes inhabituelles dans la bouche d'un chef d'Etat, la plus célèbre étant le "casse-toi, pauvre con" lancé à une personne qui refusait de lui serrer la main lors d'une visite au salon de l'agriculture. Il est également connu pour ses réponses parfois virulentes aux question des journalistes.
agences/hof
Le "off" du président français raconté par la presse
Plusieurs sites internet français ont abordé l'affaire de ce dérapage qui fait un buzz en France.
Mediapart - qui précise en fin d'article qu'il n'était pas présent lors de ce point off - relate les témoignages de quatre journalistes sur place. Nicolas Sarkozy s'est emporté lorsque la question du "Karachigate" a été abordé, interpellant un journaliste pour faire sa démonstration sur les accusations portées sans preuve.
Rue89 retranscrit de son côté les propos controversés, qui ont été enregistrés sur une console alors que le briefing était "off". En langage journalistique, cela signifie que les propos de la personne qui parle ne sont pas censés être relayés.
Mediapart explique que ce n'est qu'à la fin de ce briefing que les services du président français se seraient rendus compte que les propos de Nicolas Sarkozy avaient été enregistrés parce qu'il avait pris le micro pour s'exprimer.
L'entourage du président français est alors revenu dans la salle où les journalistes étaient présents pour préciser à nouveau que les propos de Nicolas Sarkozy étaient bel et bien "off".
Et les journalistes qui ont eu la possibilité d'enregistrer les sons ont préféré les "écraser", relève Mediapart.