WikiLeaks et ceux qui propagent ces informations "sont des criminels", a dénoncé le porte-parole de la présidence américaine, Robert Gibbs. Les fuites de documents confidentiels de la diplomatie américaine constituent "de graves violations de la loi et une menace grave pour ceux qui mènent et aident notre politique étrangère", a souligné le porte-parole.
Il avait auparavant déclaré que le président Barack Obama était "pour le moins mécontent" des fuites de WikiLeaks. "On peut dire sans risque de se tromper que le président était pour le moins mécontent quand il a été informé la semaine dernière de la publication prochaine" de 250’000 notes diplomatiques américaines, a déclaré Robert Gibbs.
Plus tôt dans la journée, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a jugé que les fuites de notes diplomatiques représentaient une "attaque contre la communauté internationale". "Ces publications ne représentent pas seulement une attaque contre les intérêts diplomatiques américains. Elles représentent aussi une attaque contre la communauté internationale", a estimé Hillary Clinton au cours d'une brève conférence de presse.
Jugements peu amènes
Ces indiscrétions concernant les relations entre les Etats-Unis et de nombreux pays sèment l'embarras depuis dimanche dans les milieux diplomatiques, certaines notes dévoilées par la presse faisant état d'observations peu élégantes de Washington à l'égard de dirigeants étrangers.
Appel du roi Abdallah d'Arabie saoudite aux Etats-Unis pour qu'ils attaquent l'Iran, informations selon lesquelles ce pays a obtenu auprès de la Corée du Nord des missiles très performants, jugements peu amènes sur les principaux dirigeants mondiaux: les documents ont déclenché une onde de choc aux conséquences encore imprévisibles.
Alors que les premières fuites de WikiLeaks, en juillet sur l'Afghanistan et en octobre sur l'Irak, contenaient peu d'importantes révélations, ces documents jettent une lumière crue sur les coulisses de la diplomatie. A tel point que le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a dit craindre un "11-Septembre de la diplomatie mondiale", faisant "sauter tous les rapports de confiance entre les Etats".
Les chancelleries minimisent
Les partenaires de Washington reprenaient lundi la position défendue par la Maison Blanche. Londres a condamné "toute publication non autorisée d'informations classifiées" pouvant "mettre à mal la sécurité nationale", tandis que le ministre italien de la Défense, Ignazio La Russa, a qualifié lundi les documents de "piètres ragots".
L'Allemagne a jugé que ses relations avec les Etats-Unis "ne devraient pas être endommagées sérieusement", de même que l'Afghanistan, en dépit de documents décrivant le président Hamid Karzaï comme "faible" et son frère Ahmed Wali comme un baron de la drogue corrompu.
La France s'est refusée à confirmer "aucun des propos attribués à des autorités et des diplomates français" et a déploré la divulgation "délibérée et irresponsable" des documents, "susceptible de nuire à la résolution de questions essentielles".
Si l'ONU n'a pas voulu commenter directement la collecte d'informations par les diplomates américains sur ses fonctionnaires, le chef de la diplomatie belge, Steven Vanackere, a critiqué une "confusion entre le travail diplomatique et l'espionnage". La Russie - qualifiée d'"état mafieux virtuel" - éprouve du "regret" après ces fuites, mais n'en fait pas une "tragédie".
Pays arabes dans l'embarras
Au Proche-Orient, un haut responsable israélien estime qu'Israël "s'en tire à très bon compte", les fuites confirmant la position officielle d'Israël en faveur d'une grande fermeté à l'égard de Téhéran. Plus gênant, les documents révèlent la très grande inquiétude des pays arabes, Arabie saoudite en tête, face au programme nucléaire iranien. Et de multiples demandes du roi Abdallah pour que les Américains engagent une action militaire contre Téhéran, afin de "couper la tête du serpent" auquel il compare l'Iran.
Ces informations sont susceptibles de créer de nouvelles tensions dans la région. Et les alliés arabes des Etats-Unis dans le Golfe gardaient lundi un silence embarrassé face à des révélations dévoilant leur double langage: d'une part, des appels publics à un règlement politique avec l'Iran et d'autre part, des entretiens privés poussant les responsables américains à l'option militaire. "Tout cela est très négatif. Ce n'est pas bon pour bâtir la confiance", a réagi un conseiller gouvernemental saoudien sous couvert de l'anonymat.
L'envers du décor
Ces derniers jours, la diplomatie américaine avait tenté de limiter les dégâts en alertant plus d'une dizaine de pays, afin de préparer leurs gouvernements. "La fuite des câbles américains déclenche une crise diplomatique mondiale", affirmait même lundi The Guardian (Grande-Bretagne), qui a eu accès aux documents de WikiLeaks, comme quatre titres de référence de la presse mondiale.
WikiLeaks affirme avoir voulu souligner la "contradiction" entre la position officielle américaine et "ce qui se dit derrière les portes closes". Ainsi, Nicolas Sarkozy est décrit comme "susceptible et autoritaire", Silvio Berlusconi comme "irresponsable", Angela Merkel comme faisant "rarement preuve d'imagination" et Vladimir Poutine est qualifié de "mâle dominant".
afp/ps
Des comptes du premier ministre turc Erdogan en Suisse?
Selon le site, 519 des communications diplomatiques que Wikileaks s'est procurées mentionnent la Suisse. Et pourtant, à ce stade, seule une trentaine de pages citent explicitement le pays.
On apprend notamment dans un document que l'ambassade américaine à Ankara suspectait fin 2004 le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan de posséder 8 comptes en banque en Suisse et de les alimenter par de l'argent aux origines douteuses. "Ses explications selon lesquelles cet argent provient en partie de cadeaux faits par les invités au mariage de son fils et en partie d'un homme d'affaires turc qui paie les frais d'écolage des quatre enfants Erdogan aux États-Unis sont boiteuses".
Wikileaks publie au compte-goutte les documents en sa possession. Pour le moment, aucun des câbles issus de l'ambassade des Etats-Unis à Berne (255 au total, selon le quotidien "The Guardian") ou de la mission auprès des Nations unies (432 pages) n'ont été rendus publics. Il y a fort à parier que certains seront mis en ligne prochainement. A moins que, pour raisons de sécurité, le site y renonce. Pour l'instant, le Conseil fédéral n'a pas réagi officiellement et attend de connaître l'exact contenu des dossiers diplomatiques avant de s'exprimer.