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Révélations de Wikileaks: l'Iran est mal prise

Cette photo a été publiée par l'armée iranienne, montrant les tests de missiles Shahin affectué par Téhéran.
Cette photo a été publiée par l'armée iranienne, montrant les tests de missiles Shahin affectué par Téhéran.
Les révélations de Wikileaks sur la position des pays arabes envers l'Iran pourraient avoir un impact réel sur l'opinion et les relations diplomatiques. C'est l'avis de plusieurs médias et spécialistes iraniens, bien que Téhéran, pour l'heure, a décidé de traiter les informations du site par le mépris.

Les milliers de dépêches diplomatiques américaines confidentielles publiées par WikiLeaks, qui jettent notamment une lumière crue sur l'inquiétude et l'animosité des voisins arabes de l'Iran, s'inscrivent dans un "complot" des Etats-Unis "pour semer l'Iranophobie et la discorde dans le monde islamique", a estimé mardi le ministère iranien des Affaires étrangères. Les pays de la région "ne doivent pas tomber dans ce piège", a souligné le porte-parole du ministère Ramin Mehmanparast.

Lundi, le président Mahmoud Ahmadinejad a fixé la ligne officielle face aux documents de WikiLeaks relatifs à l'Iran: participant à la "guerre de l'information" américaine contre Téhéran, "ils sont sans valeur" et "ne méritent pas d'être commentés".

Des infos qui laisseront des traces

Cette position volontariste, qui rejoint celle adoptée par la plupart des chancelleries dans le monde, pourrait toutefois être difficile à tenir. "Les documents WikiLeaks ne révèlent rien, les Iraniens connaissent depuis longtemps les sentiments des pays arabes du Golfe à leur égard. Mais avoir la preuve écrite que vos voisins encouragent votre ennemi à vous attaquer ne peut pas ne pas laisser de trace", note un diplomate occidental à Téhéran.

Selon les documents de WikiLeaks, la plupart des dirigeants arabes du Golfe ont poussé Washington à stopper par tous les moyens le programme nucléaire iranien, le roi Abdallah d'Arabie saoudite réclamant même à plusieurs reprises une intervention militaire pour "couper la tête du serpent". De plus, "le timing est très mauvais", relève le même diplomate, car ces révélations interviennent alors que Téhéran semblait ces dernières semaines en voie d'améliorer ses relations historiquement conflictuelles avec Ryad.

"Une guerre non déclarée"

Cette embellie a notamment été marquée par deux entretiens téléphoniques, pour la première fois depuis longtemps, entre le roi Abdallah et le président Ahmadinejad sur des questions régionales sensibles comme le Liban et l'Irak. Les fuites de WikiLeaks "ne vont pas faciliter les choses", estime le même diplomate.

La presse iranienne, tout en relayant le mot d'ordre officiel, ne se prive pas de commenter sombrement le contenu des documents qui "mettent en relief la situation inquiétante que l'Iran pourrait avoir à affronter dans un proche avenir", selon le quotidien Mellat-e Ma (conservateur modéré) évoquant "une guerre non déclarée" des voisins de Téhéran.

Ils "confirment l'hostilité profonde de beaucoup de pays arabes à l'égard de l'Iran", et "l'approfondissement du fossé" entre Téhéran et ses voisins du Golfe", note lui aussi le quotidien réformateur Sharg. "Les Arabes ne doivent pas être aussi stupides", titre de son côté le quotidien modéré en anglais Iran News, soulignant que les documents de WikiLeaks montrent aussi les risques que comporterait un conflit pour la région.

L'habile Ahmadinejad

La diplomatie iranienne pourrait devoir dissiper les malentendus avec ses voisins, reconnaît Gholam Reza Ghalandarian, directeur du quotidien conservateur Qods. Mais "s'il y a un problème, il sera traité directement, face à face" avec les partenaires de Téhéran, assure-t-il estimant que l'affaire "n'influencera pas la politique étrangère de l'Iran".

Ce sentiment est partagé par Mohammad Saleh Sedghian, directeur du Centre arabe d'études iraniennes à Téhéran, qui souligne que l'Iran a choisi l'apaisement grâce à "la position habile du président Ahmadinejad questionnant l'authenticité des documents et insistant sur les bonnes relations entre Téhéran et ses voisins".

afp/ps

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Les fuites se poursuivent

La diffusion des notes diplomatiques américaines a continué mardi. Ainsi, on a appris que les dirigeants arabes conseillaient à leurs interlocuteurs américains de fermer les yeux sur certains principes démocratiques, lorsqu'il s'agissait de Guantanamo ou de la stabilisation de l'Irak. Selon un télégramme classé "secret", daté du 5 février 2009, cheikh Jaber Al-Khalid Al-Sabah, ministre de l'Intérieur du Koweït, préconisait de régler de façon radicale le sort de quatre prisonniers koweïtiens du camp de Guantanamo: "Laissez-les mourir".

"Nous ne sommes pas l'Arabie Saoudite, nous ne pouvons isoler ces gens dans des camps dans le désert ou sur une île (...) S'ils sont pourris, ils sont pourris", ajoutait-il, selon le compte-rendu d'une discussion avec un diplomate américain.

Certains des câbles diplomatiques révélés par le site d'investigation mettent en cause la Chine, notamment son implication dans le transfert d'éléments de missiles nord-coréens à l'Iran qui auraient transité par son territoire. Un télégramme datant de 2007 ajoute que ces livraisons contreviennent aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Iran et sur la Corée du Nord, ainsi qu'aux règles que la Chine s'est elle-même fixées en matière de contrôle des exportations sensibles.

"Le dernier degré de l'irresponsabilité"

Nicolas Sarkozy a fustigé mardi les fuites orchestrées par le site WikiLeaks. "Pour le président, la diffusion de ces documents c'est le dernier degré de l'irresponsabilité", a déclaré le porte-parole de l'Elysée François Baroin à l'issue du conseil des ministres.