WikiLeaks a été victime d'attaques informatiques, empêchant les internautes de se connecter à son adresse internet habituelle wikileaks.org. Le site a alors transféré vendredi matin son adresse en Suisse (wikileaks.ch). "WikiLeaks a déménagé en Suisse", avait annoncé dans la journée le groupe sur son fil Twitter. Le nom de domaine appartient au Parti Pirate Suisse, qui a donné une conférence de presse à ce sujet (lire ci-contre).
Ce site a été momentanément inactif en début de soirée avant de fonctionner à nouveau. WikiLeaks a réagi à cette "panne" momentanée en annonçant, sur Twitter, disposer de trois nouvelles adresses internet, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Finlande.
Cyber-attaques
Ces cyber-attaques sont le fait de "quelqu'un, probablement un acteur étatique" qui "a pris le contrôle de centaines de milliers d'ordinateurs vulnérables dans le monde, et les fait tous se connecter simultanément" au site afin de provoquer une panne, a estimé l'un des avocats de Julian Assange, Mark Stephens, vendredi matin. Ces tentatives "sophistiquées" font partie d'un plan plus général visant à réduire au silence son fondateur, a ajouté l'avocat.
Mercredi, WikiLeaks s'était déjà fait expulser du serveur américain Amazon, et a trouvé refuge chez le français OVH pour une partie de son contenu, le reste étant en Suède. Mais vendredi, le gouvernement français a annoncé qu'il étudiait les moyens d'interdire l'hébergement du site, considéré comme violant le secret diplomatique.
Des sénateurs américains ont eux annoncé qu'ils avaient déposé une proposition de loi pour faciliter les recours juridiques contre Julian Assange et son site. Les Etats-Unis sont en effet la première victime des fuites de WikiLeaks, qui a publié ces derniers mois des dizaines de milliers de documents sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et a commencé dimanche à dévoiler 250'000 notes diplomatiques américaines. Ils se sont attirés les foudres de plusieurs dirigeants étrangers, notamment le président russe Dmitri Medvedev qui a dénoncé vendredi le "cynisme" américain (lire les réactions internationales ci-dessous).
Julian Assange se dit menacé de mort
Dans ce contexte tendu, Julian Assange, qui ne s'exprime que rarement et se trouverait en Grande-Bretagne, a affirmé être la cible de menace de mort.
"Les menaces de mort à notre encontre sont de notoriété publique. Mais nous prenons les précautions appropriées dans la limite de ce que nous sommes capables de faire face à une superpuissance", a déclaré l'Australien de 39 ans sur un forum en ligne organisé par le quotidien britannique The Guardian.
Interrogé pour savoir ce qu'il adviendrait des documents en possession du site si lui ou WikiLeaks était "éliminé", il a répondu qu'ils avaient "été répartis (...), sous leur forme cryptée, entre plus de 100'000 personnes". "Si quelque chose nous arrive, les documents clés seront publiés", a-t-il averti.
Pris à partie par nombre d'Etats et de personnalités, Julian Assange a par ailleurs des démêlés avec la justice à propos d'une affaire privée distincte. Il est recherché dans une affaire de viol par la Suède, qui a complété vendredi le mandat d'arrêt international le visant. "Nous avons renvoyé les renseignements que la police britannique a réclamés", a déclaré une porte-parole du Parquet de Stockholm, Karin Rosander, laissant clairement entendre que Julian Assange était en Grande-Bretagne.
L'arrestation de Julian Assange, devenu l'ennemi public numéro un de plusieurs pays après la publication de documents secrets embarrassants, avait été rendue jusqu'à présent impossible en raison d'un vice de forme dans le libellé du mandat d'arrêt initial suédois. Interrogé vendredi en milieu d'après-midi, Me Stephens a affirmé que ni lui ni Scotland Yard n'avait encore reçu le mandat d'arrêt complété.
agences/hof
CRITIQUES DE DIRIGEANTS ETRANGERS CONTRE WASHINGTON
Conséquence directe de l'affaire WikiLeaks, la diplomatie américaine s'est attirée les foudres de nombre de dirigeants étrangers, le président russe en dénonçant le "cynisme", son homologue brésilien "les bêtises" et le chef de l'Etat équatorien les "actes d'espionnage".
Des députés allemands ont même été jusqu'à réclamer le rappel de l'ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, à la suite de révélations de ce site internet, tandis que le président vénézuélien Hugo Chavez a exhorté la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton à démissionner.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a, lui, appelé Washington à "demander des comptes", pour leurs "commentaires erronés" et leurs "diffamations", aux auteurs des notes diplomatiques divulguées par Wikileaks mettant en cause sa personne et la Turquie.
"Ces fuites sont instructives et montrent au monde entier le cynisme des appréciations et des raisonnements qui dominent dans la politique étrangère de différents Etats, en l'occurrence, je fais allusion aux Etats-Unis d'Amérique", a lancé vendredi Dmitri Medvedev, qui recevait le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, à Sotchi.
Décrit comme un dirigeant "falot et hésitant" dans des télégrammes diplomatiques américains, le président russe a toutefois tenu à ajouter: "Nous ne sommes pas paranoïaques et ne lions pas les relations russo-américaines à de quelconques fuites".
Le Premier ministre Vladimir Poutine, perçu dans ces câbles comme le "mâle dominant" de la scène politique en Russie, y avait, pour sa part, répliqué avec morgue mercredi, son porte-parole, Dmitri Peskov, émettant le souhait de voir chez les partenaires de la Russie "une diplomatie plus professionnelle, plus sérieuse et plus réfléchie".
"Les Etats-Unis ont commis une grave erreur, ils ont détruit la confiance de pays alliés et de pays amis avec ces actes d'espionnage, avec ce type de messages", a de son côté réagi le président équatorien Rafael Correa.
Pour Téhéran, les dépêches diplomatiques américaines qui jettent une lumière crue sur l'inquiétude et l'animosité des voisins arabes de l'Iran à l'égard de la République islamique, s'inscrivent dans le cadre d'un "complot douteux" des Etats-Unis.
La Suisse va-t-elle bannir WikiLeaks.ch?
Avant que le site wikileaks.ch ne soit momentanément plus disponible sur le net, Switch, la société qui gère les noms de domaine en Suisse, affirmait vendredi qu'elle n'avait pas l'intention de couper l'accès à WikiLeaks.ch pour le moment.
En effet, Switch ne prend une telle mesure de son propre chef que si le contenu d'un site est illégal (pornographie, appel à la haine) ou s'il sert à propager des virus. Ce n'est, à ses yeux, pas le cas de WikiLeaks.
Autre possibilité pour qu'une adresse soit supprimée, les autorités pourraient ordonner la fermeture du site. Une base légale est toutefois nécessaire pour en arriver là. La raison d'Etat, par exemple, peut être un motif pour couper un accès.
Le Parti Pirate soutient Julian Assange
Le Parti Pirate Suisse, qui a enregistré l'adresse de domaine wikileaks.ch, n'était pas au courant, selon ses dires, des intentions de l'équipe de Julian Assange de faire migrer son site en Suisse, mais lui a assuré son soutien.
L'enregistrement de l'adresse de domaine wikileaks.ch remonte à six mois, "au nom de la liberté d'expression et de la presse" a expliqué au cours d'une conférence de presse à Bienne le président du PPS, Denis Simonet. "Nous voulions qu'un Suisse qui souhaite accéder au site de WikiLeaks en tapant .ch puisse le faire".
A l'époque, WikiLeaks a été informé de l'enregistrement du domaine par un mail. Il y a trois semaines, le président du PPS et son vice-président Pascal Gloor ont rencontré Julian Assange à Genève, totalement indépendamment de l'enregistrement du domaine en Suisse. "Il n'en a pas été question" lors de l'entrevue, selon les deux hommes.
Dans un échange qui a duré quelque deux heures, "autour d'une pizza", ils lui ont expliqué le fonctionnement des institutions du pays, puisqu'il avait annoncé sur le plateau du 19:30 de la TSR qu'il envisageait de s'établir en Suisse.
De son côté, l'Australien leur a expliqué sa philosophie. "Nous n'avons rien dû entreprendre lorsque nous avons appris que WikiLeaks émigrait vers la Suisse" a précisé Denis Simonet. Le PPS se contente de diriger les internautes vers "un serveur qui peut être partout dans le monde et dont la localisation peut changer à tout moment". Il assure en outre n'avoir aucun moyen de contacter Julian Assange.
En Suisse, une intervention exceptionnelle du gouvernement restait hypothétique vendredi. Le Conseil fédéral a été informé des derniers développements mais n'en a pas discuté, a déclaré son porte-parole André Simonazzi, sans plus de précision.