Le rapport publié mardi sur le site internet du Conseil de l'Europe a été rédigé par le conseiller aux Etats Dick Marty (PLR/ TI) pour le compte de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE). Il reprend les accusations portées en 2008 par l'ancienne procureure du Tribunal pénal (TPI) pour l'ex-Yougoslavie Carla del Ponte.
Le texte met directement en cause Hashim Thaçi, sinon dans l'organisation directe du trafic, du moins comme protecteur des réseaux criminels qui s'en rendent coupables.
"De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période immédiatement après la fin du conflit armé (...), des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë", dit le rapport. Ces organes auraient été ensuite transportés à l'étranger à des fins de transplantation.
Une activité qui s'est poursuivie
"Cette activité criminelle s'est développée grâce à l'initiative de certains chefs des milices de l'UCK (l'Armée de libération du Kosovo, l'ex-guérilla active dans les années 90) liés au crime organisé" et elle "s'est poursuivie, bien que sous d'autres formes, jusqu'à nos jours", dit Dick Marty. Le sénateur tessinois accuse "un noyau restreint mais incroyablement puissant de personnalités de l'UCK", dit "groupe de Drenica", d'avoir pris le contrôle des activités criminelles au Kosovo et en Albanie.
Le "parrain" de ce groupe ne serait autre que Hashim Thaçi, dont le Parti démocratique du Kosovo (PDK) est sorti vainqueur des élections législatives de dimanche dernier. Parmi les membres de ce réseau criminel, le rapport identifie une figure historique de l'UCK, Shaip Muja. Ce chirurgien de formation est actuellement conseiller politique principal auprès du cabinet du premier ministre du Kosovo, en charge de la Santé.
Le Kosovo parle de diffamation
Le gouvernement du Kosovo a immédiatement réagi en qualifiant ce document de "diffamatoire", se basant sur "des faits sans fondement et inventés avec pour objectif de nuire à l'image du Kosovo". "Le gouvernement du Kosovo et le Premier ministre Hashim Taçi entreprendront toutes les démarches possibles et nécessaires pour répondre aux inventions de Dick Marty, y compris sur le plan légal", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le rapport épingle encore Hashim Thaci et le groupe de Drenica pour le contrôle du commerce d'héroïne, ainsi que pour des assassinats et détentions illégales dans le cadre desquelles se seraient déroulés des prélèvements d'organes.
Dans son rapport, Dick Marty accuse aussi les autorités internationales en charge de la région d'avoir fermé les yeux sur les "indices concrets" relatifs à des trafics d'organes, au nom d'une approche pragmatique qui privilégiait "la stabilité à court terme". L'ancienne province serbe, qui a proclamé unilatéralement son indépendance en février 2008, reste placée sous administration des Nations unies. Le rapport doit être adopté en commission jeudi à Paris avant d'être soumis au vote de l'assemblée plénière en janvier à Strasbourg.
ats/cab
Belgrade perplexe quant à l'avenir d'Hashim Thaçi
Le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, en visite à Moscou, s'est interrogé mercredi sur "l'avenir" du Premier ministre kosovar Hashim Thaçi.
"Je ne sais pas quel sera l'avenir de cette personne si l'on prend en compte le rapport du Conseil de l'Europe après une enquête sur sa participation à un trafic d'êtres humains et d'organes humains et sur son rôle en tant que dirigeant d'un clan criminel dans les Balkans", a-t-il déclaré.
"Le rapport montre quel genre de pays est le Kosovo maintenant et qui le dirige, et nous devons tous ensemble sérieusement nous pencher sur le règlement de cette question difficile", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, retransmise à la télévision.
Ce rapport représente une "grande victoire" pour la "vérité et la justice", selon le porte-parole du Procureur serbe pour les crimes de guerre, Bruno Vekaric.
Le chef de la diplomatie russe a pour sa part indiqué que la Russie était aussi "alarmée" par les accusations qui ressortent du document du Conseil de l'Europe.
L'UE prend l'affaire "très au sérieux"
L'Union européenne prend ces allégations "très au sérieux", a dit la porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton.
L'UE est prête à enquêter pour peu que des preuves lui soient fournies.
Le Conseil de l'Europe a carrément demandé l'ouverture d'une enquête. "Ces allégations ne doivent pas rester en suspens. Il est indispensable qu'une enquête judiciaire menée en bonne et due forme les confirme ou les infirme", a déclaré son secrétaire général Thorbjørn Jagland.