Laurent Gbagbo a réaffirmé mardi soir sur la télévision d'Etat qu'il était "le président de la République de Côte d'Ivoire" mais a toutefois proposé un "comité d'évaluation" international pour sortir de la crise qui a fait ces derniers jours 50 morts selon l'ONU.
Sous très forte pression de la communauté internationale qui réclame son départ, il a exhorté le camp de son rival Alassane Ouattara, reconnu chef de l'Etat à l'extérieur, à quitter l'hôtel où il est retranché depuis le début de la crise née de la présidentielle du 28 novembre.
Un comité arbitral international
Alassane Ouattara avait été désigné vainqueur avec 54,1% des voix par la Commission électorale indépendante mais le Conseil constitutionnel, acquis à Laurent Gbagbo, a invalidé ces résultats, pourtant certifiés par l'ONU, en évoquant des "fraudes" dans le nord ex-rebelle et proclamé la victoire du président sortant avec 51,45%.
"Je ne veux pas que le sang d'un seul Ivoirien soit versé. Je ne veux pas d'une guerre en Côte d'Ivoire qui peut s'étendre aux pays voisins ou les affaiblir", a lancé Laurent Gbagbo lors de ce discours à la Nation.
Tout en ayant réaffirmé sa victoire le 28 novembre, Laurent Gbagbo s'est dit "prêt à accueillir un comité d'évaluation sur la crise postélectorale" qui "aura pour mission d'analyser objectivement les faits et le processus électoral, pour un règlement pacifique de la crise", a-t-il poursuivi.
Ce comité sera, selon lui, "dirigé par un représentant de l'Union africaine" et comprendra notamment des représentants de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest), de l'ONU, des Etats-Unis, de l'Union européenne, de la Russie, de la Ligue arabe et de la Chine ainsi que "des Ivoiriens de bonne volonté".
Le clan Ouattara retranché
"Je lance un appel à toutes les personnalités qui se trouvent encore à l'hôtel du Golf de regagner leurs domiciles", a-t-il également déclaré. "Elles sont libres de leurs mouvements". Alassane Ouattara et son gouvernement sont retranchés dans cet hôtel d'Abidjan depuis le début de la crise, ainsi que l'ancien président Henri Konan Bédié, 3ème du premier tour de scrutin et qui a appelé Laurent Gbagbo à partir et reconnaître la victoire de Alassane Ouattara.
Depuis la marche avortée du 16 décembre appelée par le camp Ouattara sur la télévision publique RTI, manifestation réprimée dans le sang, l'hôtel est soumis à un blocus des Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Laurent Gbagbo.
Selon l'ONU, au moins 50 personnes ont été tuées dans des violences en fin de semaine dernière, alors que le camp Gbagbo parle de 25 morts et le camp Ouattara de 48 morts. Dans la foulée de l'intervention télévisée de Laurent Gbagbo, le porte-parole de l'armée fidèle au président sortant a annoncé la levée dès mardi soir du couvre-feu nocturne instauré à la veille du scrutin du 28 novembre dernier.
afp/sbo
Désobéir au "gouvernement factice"
Guillaume Soro, Premier ministre du gouvernement d'Alassane Ouattara, a appelé mardi à "la désobéissance au gouvernement factice" de son rival Laurent Gbagbo "jusqu'à son départ".
Il leur demande également, "dans les campements, villages et villes, de s'organiser, de se mobiliser et de manifester par tous les moyens jusqu'au départ de Laurent Gbagbo du pouvoir".
Selon lui, "la Côte d'Ivoire connaît, en ce moment même, les heures parmi les plus sombres de son histoire. Notre pays vit la pire des escalades dans la barbarie d'un clan, d'un régime fini, contre les populations civiles démunies et désarmées".
Appel à l'aide de l'ONU
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé mardi la communauté internationale à apporter son aide aux forces de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci).
Ban Ki-moon a expliqué devant l'Assemblée générale que les forces loyales à Laurent Gbagbo tentaient de couper le ravitaillement aux forces de l'ONU.
Pour sa part, l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a demandé mardi à "l'ancien président" de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo de "céder la place" à l'opposant Alassane Ouattara. Il a demandé aux deux camps d'exercer la plus grande retenue.
"Je suis sérieusement préoccupé par l'aggravation de la situation en Côte d'Ivoire et déplore le nombre croissant de morts", a déclaré Kofi Annan, qui réside près de Genève depuis la fin de son mandat à la tête de l'ONU en janvier 2007.
"Je me joins aux nombreuses voix, et avant tout à celles de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et de l'Union Africaine, qui appellent l'ancien président Laurent Gbagbo à céder la place et à respecter la volonté du peuple", a affirmé le Ghanéen dans un communiqué.
"Le peuple a choisi Alassane Ouattara et aucune répression, aussi brutale et longue soit-elle, ne pourra altérer ni cette décision, ni la légitimité de Monsieur Ouattara", a-t-il ajouté.