Plongé dans une grave crise depuis la présidentielle du 28 novembre, marquée par des violences meurtrières, le pays était suspendu à la visite prévue mardi de trois chefs d'Etat ouest-africains. Ils doivent demander à Gbagbo de céder la présidence à Ouattara, reconnu chef de l'Etat par une immense partie de la communauté internationale, faute de quoi il court le risque d'une intervention armée régionale.
Voulant accentuer cette très forte pression extérieure, la coalition de partis pro-Ouattara avait appelé la population à "cesser les activités" dès lundi. Mais, comme un appel à la "désobéissance" civile la semaine dernière, ce mot d'ordre - qui n'a pas bénéficié du relais de la télévision d'Etat, contrôlée par le camp Gbagbo - était presque sans écho lundi.
Du quartier chic de Cocody (nord) au quartier populaire de Treichville (sud), Abidjan offrait le même spectacle: embouteillages et concert de klaxons, taxis en vadrouille, commerces ouverts. Cependant dans le centre du pays, à Bouaké, fief de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) alliée à Ouattara, la consigne était mieux suivie, des services publics étant fermés.
Recours à la "force légitime"?
Laurent Gbagbo se prépare à une échéance plus importante mardi, avec la venue à Abidjan des présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert). Ils doivent l'appeler à céder la place, au nom de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui a menacé de recourir à la "force légitime" s'il ne se pliait pas à cette injonction.
Dans des entretiens aux quotidiens français Le Figaro et Le Monde, Laurent Gbagbo a dit "prendre au sérieux" cette menace, mais a invoqué le respect du droit pour justifier son maintien. Le Conseil constitutionnel, juridiction suprême ivoirienne, l'avait proclamé président, tandis que son rival a été désigné vainqueur par la commission électorale.
Le président sortant dénonce surtout un "complot" mené par les Etats-Unis et la France, qui a réfuté lundi des accusations sans "fondement". Laurent Gbagbo a lancé une sévère mise en garde, alors que la Côte d'Ivoire a déjà été éprouvée par une quasi-guerre civile en 2002-2003.
Menace de guerre civile
"Il y aura peut-être un désordre intérieur, une guerre civile en Côte d'Ivoire, parce que nous n'allons pas nous laisser piétiner notre droit et nos institutions", a-t-il prévenu. Son gouvernement avait déjà clairement averti contre une opération de la Cédéao, en insistant sur la présence sur le sol ivoirien de millions d'immigrés ouest-africains, qui pourraient être pris à partie.
Lundi à Abidjan, "au nom de Jésus", plusieurs centaines de chrétiennes, affichant clairement ou plus discrètement leur soutien à Gbagbo, se sont rassemblées pour prier pour "la paix". Les craintes de nouvelles violences - 173 morts récemment selon l'ONU, 53 morts depuis fin novembre pour le gouvernement Gbagbo - poussent de plus en plus d'Ivoiriens à quitter leur pays. Quelque 14’000 ont fui vers le Liberia depuis un mois, selon l'ONU.
afp/os
Fin de l'occupation de l'ambassade
Une trentaine de partisans d'Alassane Ouattara, qui avaient pris le contrôle dans la journée de l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, ont cessé l'occupation des lieux lundi soir, a déclaré à l'AFP Marcel Youpeh, "président" du RHDP (camp pro-Ouattara) en France.
"On est tous sortis", a déclaré Marcel Youpeh vers 20h30 à l'AFP. "Le président Ouattara m'avait appelé pour demander aux jeunes (qui occupaient l'ambassade) de rentrer chez eux", a-t-il indiqué.
Selon Marcel Youpeh, l'ambassade sera dirigée par le premier conseiller jusqu'à l'arrivée du nouvel ambassadeur désigné par Alassane Ouattara, en cours d'agrément par la France. Celui-ci remplacera Pierre Kipré, un proche de Laurent Gbagbo.
"Le Premier conseiller et les gendarmes devant l'entrée ont des consignes pour empêcher Pierre Kipré d'entrer s'il cherchait à venir à l'ambassade", a ajouté Marcel Youpeh.
Le service consulaire devrait être rouvert mardi. "On ne veut pas punir les Ivoiriens ou les étrangers qui veulent se rendre en Côte d'Ivoire", a assuré Marcel Youpeh.
Une trentaine de partisans d'Alassane Ouattara, essentiellement des jeunes, avaient pris le contrôle de l'ambassade et demandé aux fonctionnaires de cesser le travail, conformément au mot d'ordre de grève générale lancé par le président reconnu par la communauté internationale.
Des policiers français en tenue anti-émeute ont ensuite bloqué l'entrée de l'ambassade, située près de l'Arc de Triomphe à Paris.
Marcel Youpeh espère que le nouvel ambassadeur, dont le nom n'a pas été révélé, pourra être là "la semaine prochaine". La France a indiqué avoir été informée lundi de la désignation d'un nouvel ambassadeur à Paris par Alassane Ouattara et avoir engagé la procédure d'agrément.