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Israël: l'ex-président Katzav coupable de viols

La peine sera prononcée ultérieurement. L'ex-président israélien risque un maximum de 16 ans de prison. [Yoav Lemmer]
La peine sera prononcée ultérieurement. L'ex-président israélien risque un maximum de 16 ans de prison. - [Yoav Lemmer]
L'ex-président israélien Moshé Katzav a été reconnu coupable jeudi de deux viols, au terme d'une procédure de plus de quatre ans durant laquelle il s'est posé en victime d'un "lynchage" public.

L'ex-chef de l'Etat, 65 ans, a été reconnu coupable par le tribunal de district de Tel-Aviv de deux viols sur une de ses subordonnées à l'époque où il était ministre du Tourisme dans les années 1990. Il a en outre été reconnu coupable de deux actes indécents, dont un avec usage de la force, et de harcèlement sexuel contre trois de ses employées au ministère du Tourisme puis à la présidence après son élection en 2000.

Moshé Katzav a d'autre part été reconnu coupable d'entrave à la Justice. Il risque de huit à 16 ans de prison, la peine devant être prononcée en janvier. "C'est un jour triste pour l'Etat d'Israël et ses citoyens, mais le tribunal a adressé aujourd'hui deux messages très clairs sur l'égalité de tous devant la loi et sur le plein droit de chaque femme à disposer de son corps", a affirmé le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans un communiqué.

Inculpé le 19 mars 2009, Moshé Katzav avait plaidé l'innocence. Le procès s'est déroulé à huis clos. L'ex-président, qui peut faire appel devant la Cour suprême, n'a désormais plus le droit de quitter Israël et a été contraint de remettre son passeport aux autorités. "Il continuera à plaider son innocence devant toutes les instances possibles", a déclaré son avocat Avigdor Feldman après l'énoncé du verdict.

Vêtu d'un costume gris, l'ex-président a blêmi et murmuré "non, non" à la lecture des attendus du jugement par le président du tribunal, le juge George Kara. "L'accusé a brouillé les cartes et s'est prêté à une campagne de dénigrement des plaignantes. Si quelqu'un a utilisé le double langage, c'est lui, et ses arguments selon lesquels il avait un alibi se sont effrités" à propos des deux accusations de viols, a encore dit le juge.

Des protestations d'innocence qui n'ont pas convaincu

"Avec le temps, de nouveaux éléments sont venus étayer ces accusations. Même si celles-ci ont été exprimées tardivement, cela ne prouve pas qu'elles ont été fabriquées. Nous faisons confiance à la plaignante (qui l'a accusé de viol), car son témoignage a été appuyé par des éléments de preuves, et elle a dit la vérité", a poursuivi George Kara.

"Quand celle-ci a refusé de répondre à ses avances, l'accusé a commencé à la harceler et à se venger. Son refus a été prouvé. Elle s'est débattue sur le sol, et l'accusé a eu recours à la force ainsi qu'à la violence" tant au ministère du Tourisme que dans un grand hôtel, a précisé le juge. "Les preuves infirment la version de l'accusé. Ses tentatives de nier les accusations (de viol) ont échoué. Son témoignage était truffé de mensonges", a-t-il insisté.

Les premières révélations de presse sur le comportement scandaleux de l'ex-président avaient été publiées en 2006, et le procès avait ensuite connu plusieurs rebondissements.

Compromis refusé

Après des mois d'enquête, les avocats de Moshé Katzav avaient réussi à conclure un accord de compromis entériné par la Cour suprême, aux termes duquel il ne serait poursuivi que pour "harcèlement sexuel", "actes indécents" et "subornation de témoin", les accusations de viol ayant été abandonnées.

Mais, se disant victime d'"un ignoble complot" et d'un "lynchage organisé", Moshé Katzav avait décidé de récuser ce compromis. Père de cinq enfants et juif pratiquant d'origine iranienne, Moshé Katzav avait démissionné de ses fonctions de président après avoir été suspendu dès janvier 2007 à sa demande. Il avait été le premier homme politique de droite à accéder aux fonctions surtout protocolaires de chef de l'Etat, point d'orgue de sa carrière sans éclat qui s'est achevée dans le scandale.

afp/jzim

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Une image qui s'est effondrée

L'image d'homme digne et intègre dont jouissait Moshé Katzav a volé en éclats avec les premières révélations, en juillet 2006, de multiples scandales sexuels dans lesquels ce juif iranien à l'allure de grand-père sans histoires, âgé de 65 ans, était impliqué.

Politicien chevronné du parti Likoud (droite), Moshé Katzav a été élu président en 2000 par les députés qui l'avaient préféré, à la surprise générale, au vétéran Shimon Peres. C'est justement Shimon Peres qui lui a succédé en juillet 2007 après sa démission en juin de la même année.

Il avait auparavant mené une carrière politique sans éclat, obtenant notamment les portefeuilles des Transports et du Tourisme.

Né en Iran en 1945, il est arrivé en Israël peu après la création de l'Etat en 1948. En 1969, à 24 ans, il était élu maire de Kiryat Malachi près de Tel-Aviv, devenant le plus jeune maire d'Israël.

Diplôme d'histoire et d'économie en poche, Moshé Katzav fait son entrée à la Knesset (Parlement) en 1977, lors de la première victoire de la droite aux législatives, se donnant une image de modéré par son ton mesuré et son pragmatisme.

Père de cinq enfants, se présentant comme un juif pratiquant, il s'est toujours posé en défenseur des causes sociales et des laissés pour-compte de la prospérité, en majorité comme lui des juifs orientaux.

Moshé Katzav s'est opposé aux accords israélo-palestiniens d'Oslo de 1993 avant de les accepter comme un fait accompli. Puis, se démarquant de la ligne dure de la droite, il s'est dit favorable au dialogue en vue d'un règlement du conflit avec les Palestiniens.

Dans un geste spectaculaire, en marge des obsèques du pape Jean Paul II au Vatican en 2005, il avait échangé quelques mots en persan avec le président iranien d'alors, Mohammad Khatami, et serré la main du président syrien Bachar al-Assad.