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De nouvelles émeutes éclatent contre le "mal-vivre"

La jeunesse algérienne fait la sourde oreille aux appels au calme des imams et du gouvernement.
La jeunesse algérienne fait la sourde oreille aux appels au calme des imams et du gouvernement.
Au lendemain des violentes manifestations contre la vie chère en Algérie, la police entourait vendredi, jour hebdomadaire de repos, les mosquées des quartiers sensibles de la capitale. Les matches de football ont été annulés à titre préventif tandis que Paris appelle ses ressortissants à la prudence.

Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont repris vendredi dans plusieurs villes d'Algérie. Un Conseil interministériel se tiendra samedi pour examiner les moyens de juguler la flambée des prix des produits de base, responsable des émeutes dans plusieurs régions du pays.

A Alger, des groupes de jeunes ont affronté avec des pierres et des bouteilles en verre des policiers déployés en masse et lourdement armés. Les policiers ont répondu avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes.

La contestation grignote du terrain

A Annaba (est), épargnée jusqu'à présent par la contestation, de violents incidents ont éclaté après la grande prière du vendredi. Des centaines de jeunes ont caillassé des policiers déployés notamment autour des bureaux de la wilaya (département).

Pour la troisième nuit consécutive, la jeunesse algérienne manifeste violemment contre son "mal-vivre". [KEYSTONE]
Pour la troisième nuit consécutive, la jeunesse algérienne manifeste violemment contre son "mal-vivre". [KEYSTONE]

Les échauffourées se sont ensuite étendues à la cité voisine des Lauriers-Roses. Elles ont également repris à Oran, la grande métropole de l'ouest algérien, où des édifices publics avaient été saccagés mercredi soir. En fin de journée, les manifestants ont saccagé les sièges de la direction de l'hydraulique et d'un institut de la formation professionnelle avant de dérober leurs équipements.

A 230 km plus à l'est, des affrontements ont aussi éclaté à Tebessa, ville toute proche (50 km) de la Tunisie, elle-même déchirée par des tensions sociales très vives depuis trois semaines. Des manifestants ont attaqué une maison de jeunes du centre-ville où ils ont dérobé du matériel informatique et ont pu échapper à la police, tandis que les incidents s'étendaient à d'autres quartiers.

A Oran, la grande métropole de l'ouest algérien, où plusieurs édifices publics avaient été saccagés mercredi soir, les échauffourées ont repris vendredi après-midi dans le quartier périphérique du Petit-Lac. Des dizaines de jeunes ont attaqué avec des pierres des policiers qui ont riposté avec des grenades lacrymogène.

A Tizi Ouzou, principale ville de Kabylie (est d'Alger), de violents heurts ont opposé des jeunes du quartier des Genêts et des policiers qui ont fait usage de grenades lacrymogènes, selon des habitants. Les manifestants ont également coupé plusieurs rues de la ville avec des barricades.

A Béjaïa (250 km à l'est d'Alger), les émeutes, qui avaient secoué jeudi la localité d'Akbou, où les manifestants avaient attaqué un tribunal, ont gagné les villes voisines de Tazmalt et Sidi Aïch, selon des résidents.

L'appel au calme lancé vendredi par les imams des mosquées d'Algérie lors de la grande prière hebdomadaire n'a visiblement pas rencontré un grand écho.

Depuis plus d'une semaine, de petits groupes de jeunes dénoncent un peu partout dans le pays ce qu'ils appellent leur "mal-vivre", que ce soit faute d'emploi - plus de 20% des jeunes sont chômeurs ou faute de logements.

Une population majoritairement jeune

Les jeunes - les moins de 30 ans constituent 75% des 35,6 millions d'Algériens - dénoncent aussi pèle-mêle la cherté de la vie, les passe-droits et la corruption.

Les autorités ont pris des mesures préventives après les manifestations, mais n'ont rien commenté sur la veille. [AFP - STR]
Les autorités ont pris des mesures préventives après les manifestations, mais n'ont rien commenté sur la veille. [AFP - STR]

Les prix des produits de première nécessité tels que le sucre, l'huile, la farine et les céréales ont enregistré depuis le début de l'année une forte augmentation, allant de 20 à 30%.

Une réunion du Conseil interministériel se penchera samedi sur cette flambée des prix. Elle s'intéressera essentiellement aux lois relatives à la concurrence et aux pratiques commerciales, en particulier la définition des marges bénéficiaires des produits de large consommation, a précisé vendredi le ministre algérien du Commerce Mustapha Benbada.

L'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) avait plaidé jeudi pour le "plafonnement des prix des produits de large consommation".

afp/jeh

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Nouveaux heurts en Tunisie

Cinq manifestants et un agent de sécurité ont été blessés au cours d'un affrontement violent vendredi dans une localité proche de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest de la Tunisie, ont indiqué des proches et des témoins.

Aucune indication n'a cependant pu être obtenue en fin de journée de source gouvernementale ou sécuritaire sur ces accrochages, qui ont eu lieu à Saïda, à 25 km de Regueb, dans la région de Sidi Bouzid, principal foyer de l'agitation que connaît la Tunisie depuis le 19 décembre.

Des habitants et un syndicaliste témoins ont raconté que les forces de l'ordre avaient ouvert le feu contre les manifestants quand ces derniers ont lancé une pluie de pierres sur un poste de sécurité et mis le feu à un pneumatique.

Un problème mondial

Deux ans après les "émeutes de la faim" qui avaient secoué plusieurs pays en développement, la nouvelle flambée des prix des denrées alimentaires fait craindre de nouvelles tensions dans les pays pauvres.

"La situation est extrêmement tendue, ça peut vite dégénérer. Tous les indicateurs sont au rouge", confie Jean-Denis Crola, d'Oxfam France. Depuis six mois, les prix des denrées alimentaires n'ont cessé d'augmenter.

L'indice mesurant les évolutions de prix d'un panier de céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre est au plus haut depuis sa création en 1990, s'est de son côté alarmé mercredi le Fond alimentaire mondial (FAO).

Cette hausse est "très inquiétante car elle touche des millions de gens, surtout quand elle concerne des produits de base comme les céréales", a déclaré vendredi Abdolreza Abbassian, économiste à la FAO.

La météo capricieuse est largement responsable de cette envolée des prix. Les inondations en Australie ont "sérieusement dégradé la qualité des céréales", explique la société spécialisée Agritel, qui s'attend à une explosion des cours du blé aux alentours de 300 euros la tonne cette année, là encore du jamais-vu.

En Russie, autre gros producteur de blé, les incendies de l'été dernier ont conduit les autorités à décréter un embargo sur leurs exportations.

"Nous nous orientons en ce début d'année 2011 vers une poursuite de la hausse des cours des matières premières agricoles, hausse alimentée également par la demande chinoise qui ne faiblit pas et par les craintes de sécheresse qui se profilent maintenant sur l'Argentine", prévient Agritel.