Ces affrontements, qui se poursuivaient dimanche à la mi-journée selon des sources concordantes, ont fait huit tués par balles et neuf blessés à Thala et à Kasserine, selon un dernier bilan officiel du ministère de l'Intérieur. Mais il y aurait un un "grand nombre de blessés graves", alors que des syndicalistes parlant sous couvert d'anonymat ont eux fait état dimanche de 35 tués entre Thala et Kasserine et Regueb, dans la région de Sidi Bouzid.
Un dirigeant de l'opposition Ahmed Nejib Chebbi a annoncé, lui, au moins vingt tués par balles et appelé le président Zine El Abidine Ben Ali à ordonner "un cessez-le-feu immédiat". "Les informations qui nous proviennent de Kasserine et Thala font état d'au moins de vingt morts tombés sous les balles depuis samedi", a déclaré le chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale), Ahmed Nejib Chebbi. "On a tiré sur les cortèges funèbres", a-t-il affirmé, expliquant tenir ses informations des relais de son parti dans les deux villes.
Grèves actes suicidaires
Depuis Genève, Anouar Gharbi, coordinateur du Comité de soutien suisse aux manifestants en Tunisie, a indiqué qu'il y avait eu "au moins dix morts", voire davantage, selon des sources syndicales et des familles sur place. La ville de Thala est encerclée par l'armée, a également précisé Anouar Gharbi, qui est aussi président de l'ONG Droit pour tous. Le Comité formé au début des troubles avait organisé une manifestation contre le gouvernement tunisien jeudi à Genève, réunissant une centaine de personnes sur la place du Molard.
L'agitation est partie de Sidi Bouzid, après le suicide le 17 décembre d'un vendeur ambulant sans permis qui s'était immolé pour protester contre la saisie de sa marchandise de fruits et légumes. Mohamed Bouazizi, 26 ans, soutien de famille, est devenu le symbole d'une révolte sans précédent contre la précarité sociale et le chômage qui a gagné autres régions, où actes suicidaires, grèves et manifestations se sont multipliés.
Le gouvernement a fait état de "nombreux agents de l'ordre blessés dont deux "dans un état critique", indiquant que les forces de sécurité ont fait usage de leurs armes, après sommation, dans un acte de "légitime défense", lorsque des individus ont voulu forcer le siège de la Délégation de Thala (sous-préfecture) au moyen de bouteilles incendiaires, de pierres et de bâtons.
Pillages
Un responsable gouvernemental sous couvert d'anonymat a, lui, dénoncé des "bandes de pilleurs infiltrés". Dans un bulletin spécial, la télévision nationale TV-7 a diffusé des images de bâtiments mis à sac à Thala, avec des équipements calcinés, des toits éventrés, des portes et fenêtres cassées. Elle a interrogé des habitants qui ont dénoncé des "actes de violence injustifiée perpétrés par des délinquants" sans rapport avec les revendications de la population, selon eux.
Samedi, alors que l'agitation entrait dans sa 4e semaine, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale unique) a proclamé son appui aux revendications "légitimes" des populations à Sidi Bouzid et dans les régions intérieures.
En France, le consulat de Tunisie à Pantin, près de Paris, a été la cible d'une "petite explosion" dimanche matin. La déflagration a occasionné "des dégâts minimes" sur son rideau métallique, a indiqué une source policière. L'ambassadeur de Tunisie a dénoncé un "acte terroriste". Les Etats-Unis ont annoncé vendredi avoir convoqué l'ambassadeur de Tunisie à Washington pour faire part de leurs préoccupations concernant la situation dans le pays.
agences/ps
En Algérie aussi
En Algérie, le gouvernement a annoncé samedi soir une série de mesures pour faire baisser les prix du sucre et de l'huile, dont la flambée a provoqué des émeutes depuis le 5 janvier. Celles-ci ont fait trois morts et quelque 400 blessés, dont 300 policiers, selon un bilan officiel.
La réunion interministérielle autour du Premier ministre Ahmed Ouyahia a duré plusieurs heures. A son issue, le gouvernement a annoncé l'exonération à titre temporaire de 41% des charges imposées aux importateurs, producteurs et distributeurs d'huile et de sucre. Dans son communiqué, le gouvernement précise qu'il "attend des producteurs et des distributeurs d'en répercuter en urgence les effets sur les prix de vente aux consommateurs".
Ces mesures sont destinées à "faire face à la hausse subite des prix de certains produits alimentaires de base" à l'origine d'émeutes qui se sont poursuivies samedi dans plusieurs régions.
Les Algériens, dont les moins de 30 ans représentent 75% de la population, avaient commencé à manifester mercredi contre l'augmentation jusqu'à 30% des prix des produits de base constatée depuis le 1er janvier. Ils ont fait fi de l'état d'urgence toujours en vigueur.
La hausse des prix est un coup dur de plus en Algérie où le taux de chômage se situe officiellement autour de 10% et à près de 25% selon les organisations indépendantes.