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En Tunisie, la contestation s'organise sur le web

Des manifestants portent le corps de l'un d'entre eux tué lors d'affrontements avec la police à Sidi Bouzid.
Des manifestants portent le corps de l'un d'entre eux tué lors d'affrontements avec la police à Sidi Bouzid.
Les manifestations contre le manque de perspectives pour la jeunesse se poursuivent en Tunisie et la tension reste extrêmement vive. Comme lors des récentes crises en Iran ou en Chine, toute la contestation s'organise sur internet, même si le gouvernement tente de la censurer. Les images amateur sont quasiment les seules à sortir du pays, là aussi via le web.

Si la contestation est de plus en plus visible dans la rue, la toile joue un rôle moteur contre le régime autoritaire et censeur du président Zine El Abidine Ben Ali, désormais surnommé le "Ceaucescu des sables" - en référence au dictateur roumain - dans les rues tunisiennes.

Quand le web remplace les médias

En réponse à cette avalanche d'informations non contrôlées, le gouvernement contre-attaque et pirate les messageries électroniques d'activistes, d'avocats et de journalistes. Il détruit aussi leurs blogs et leurs comptes sur les réseaux sociaux, car c'est par Facebook et Twitter que se lancent les appels à manifester, souvent en utilisant des messages codés afin de tromper la vigilance de la police. Le groupe Facebook en langue arabe "M. Le Président, les Tunisiens s'immolent par le feu" comptait plus de 12'000 membres avant d'être désactivé.

Mercredi, La Liberté et Le Courrier relatent le témoignage de Dora, une étudiante tunisienne de 22 ans: "Je suis sous écoute, comme c'est le cas pour des milliers de Tunisiens dans cet Etat policier. Mes comptes Facebook sont bloqués, le régime a durci les mesures répressives. Mais je n'ai plus peur. Que la police secrète vienne me chercher chez moi. Rien ne nous arrêtera maintenant qu'on a brisé les chaînes de la 'Hogra' (le mépris)".

Comme lors des dernières crises en Iran, en Chine ou en Birmanie, internet et les réseaux sociaux remplacent petit à petit les médias, trop contrôlés par l'Etat, et permettent aux populations de s'exprimer.

Dans le cas de la Tunisie, lorsque l'on saisit les mots-clés "Tunisie" ou "Tunisie manifestations" sur Facebook, on tombe sur des dizaines de pages et surtout sur des vidéos amateur, très récentes, tournées au coeur des manifestations des rues tunisiennes. Ces pages et vidéos sont en majorité en arabe et les statuts, lorsqu'ils sont en français, sont parfois incompréhensibles en raison du langage codé. C'est le même phénomène sur YouTube. Les télévisions emploient d'ailleurs les mêmes images filmées à l'aide de téléphones portables, car ce sont les seules disponibles.

Des blogueurs arrêtés

Libération revenait lundi sur l'arrestation la semaine dernière du jeune rappeur Hamada Ben-Amor, alias El General, dont les morceaux sont "devenus une sorte d'hymne de la jeunesse contestataire" tunisienne. Après trois jours, le jeune homme auteur d'un rap intitulé "Président, ton peuple est mort", a été relâché. Il avait été arrêté le même jour que deux blogueurs - également relâchés depuis ,- au lendemain de cyber-attaques de groupes d'internautes solidaires du mouvement de protestation.

Ces attaques répondaient à un mot d'ordre lancé par les "Anonymes" (Anonymous) qui se présentent comme un groupe d'internautes attachés à la liberté d'expression.

"L'Internet comble les attentes d'une jeunesse frustrée par une presse indigente et sous étroit contrôle", écrit mercredi dans Le Monde Kader A. Abderrahim, professeur à l'Université de Californie, avant d'analyser: "L'espoir réside dans cette idée que la mobilisation actuelle innove par les formes qu'elle recouvre, et accélère l'apprentissage politique de toute une génération."

mej

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