Au palais du gouvernement, le Premier ministre tunisien sortant, Mohammed Ghannouchi, qui reste en place, devait réunir tous les partis politiques dits légaux, représentés au Parlement ou non, mais pas le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami qui est interdit ni les islamistes du Ennahdha de Rached Ghannouchi qui vit en exil à Londres.
Fouiller la passé pour construire l'avenir
La réunion devait commencer à 10h30, selon Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale). Elle devrait décider de la mise en place de trois comités: l'un chargé de proposer des personnes pour former un gouvernement d'union nationale, un autre pour examiner les exactions et dérives sécuritaires qui ont fait des dizaines de morts pendant un mois d'émeutes, et le dernier sur les accusations de corruption de l'ancien régime.
Mohammed Ghannouchi, brièvement nommé président par intérim après la chute du président Ben Ali avant d'être remplacé à ce poste par Foued Mebazaa, a commencé samedi à sonder les partis sur les réformes politiques visant à rompre avec le système du président déchu. Un large éventail de personnalités a défilé au Palais du gouvernement, selon Mustapha Ben Jaffar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés.
Les discussions portant, selon lui, sur les mesures à prendre "pour jeter les bases d'un véritable processus démocratique et tourner la page d'un système qui a échoué".
Le situation reste tendue à Tunis
Deux jours après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali qui a fui en Arabie saoudite, la capitale tunisienne et sa banlieue se sont réveillées dans le calme. Le dispositif de sécurité, bloquant l'avenue Bourguiba dans le centre, a été un peu allégé avec la levée des barrières dressées la veille au travers des rues d'accès et une présence policière plus discrète.
Tunis et ses environs qui avaient connu nombre de pillages la nuit précédente, ont été survolés dans la nuit par des hélicoptères de l'armée, tous projecteurs allumés, après la multiplication d'alertes sur des mouvements de véhicules suspects circulant à vive allure et dont les occupants tiraient sur les maisons, malgré le couvre-feu.
Dans la matinée, les grandes artères étaient quasi-désertes et l'armée était déployée à tous les endroits stratégiques de la capitale, notamment à l'aéroport international de Carthage, devant la Banque de Tunisie et le siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti de l'ex-président.
Les habitants se rassemblent en milices de surveillance
Certains carrefours étaient surveillés à la fois par des militaires et par des policiers en uniforme. Quelques rares cafés avaient rouvert. Au marché central, un bon quart des étals étaient approvisionnés en fruits et légumes mais les clients se plaignaient d'une soudaine montée des prix.
Après les pillages de la nuit précédente, des comités de vigilance ont été mis en place dans les quartiers et ont organisé des rondes pour protéger les habitants. Plusieurs témoignages ont attribué les pillages et exactions de ces derniers jours à des membres de l'appareil sécuritaire liés à Ben Ali et cherchant à créer le chaos pour favoriser son retour.
Retour de bâton pour le clan Ben Ali
Imed Trabelsi, neveu de l'épouse de Ben Ali, a succombé à une blessure à l'arme blanche à l'hôpital militaire de Tunis, a indiqué samedi un membre du personnel de l'établissement. Il s'agit de la première victime confirmée dans l'entourage immédiat du président déchu
Les circonstances de l'incident dans lequel il a été blessé n'ont pu être fournies par l'hôpital où du temps de Ben Ali un pavillon spécial était réservé en permanence et sous haute garde pour le président et ses proches. Selon des informations circulant à Tunis, Imed Trabelsi aurait été poignardé lors d'un règlement de compte par l'un de ses anciens collaborateurs.
Il avait été "élu" en mai maire de La Goulette, une commune au nord de Tunis, où il s'était installé en maître bien avant les élections. Imed Trabelsi a fait fortune dans l'immobilier et la grande distribution en association notamment avec la société française Conforama, mais ses méthodes étaient décriée par la communauté des affaires, qui n'osait pas lui faire ouvertement front.
L'ancien chef de la garde présidentielle, Ali Sériati, et plusieurs de ses collaborateurs, ont par ailleurs été arrêtés pour complot contre la sûreté intérieure de l'Etat, selon l'agence tunisienne TAP.
afp/jeh
Kadhafi souhaite Ben Ali "à vie"
Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a regretté samedi soir la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, estimant que celui-ci était "toujours le président légal de la Tunisie", dans un discours "à l'adresse du peuple tunisien" diffusé par les médias d'Etat.
"Vous avez subi une grande perte (...) Il n'y a pas mieux que Zine" (El Abidine Ben Ali) pour gouverner la Tunisie, a déclaré le numéro un libyen.
"Je n'espère pas seulement qu'il reste jusqu'à 2014, mais à vie", a-t-il encore dit.
"Il n'a fait que de bonnes choses pour la Tunisie", a-t-il ajouté, saluant les "performances de l'économie tunisienne" reconnues selon lui par les organisations internationales.
Le colonel Kadhafi a estimé par ailleurs que M. Ben Ali, définitivement écarté samedi du pouvoir par le Conseil constitutionnel tunisien, était toujours "le président légal de la Tunisie selon la constitution".
"Ben Ali vous a dit qu'il quittera le pouvoir, dans trois ans. Pourquoi n'avez-vous pas patienté ?". "La Tunisie, un pays touristique et développé, devient la proie de bandes cagoulées, de vols et d'incendie", a-t-il déploré, estimant que la Tunisie était "dans le chaos, dont on ne voit pas la fin".
Selon le colonel Kadhafi, le peuple tunisien a été "victime des mensonges" diffusés sur internet, citant notamment WikiLeaks et les réseaux sociaux, qui ont joué un grand rôle dans les manifestations, malgré le contrôle imposé par les autorités tunisiennes sur internet.