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Les tirs et les violences se sont poursuivis à Tunis

Des soldats au centre de Tunis. [Christophe Ena]
Des soldats au centre de Tunis. - [Christophe Ena]
L'armée tunisienne a donné dimanche l'assaut au palais présidentiel de Carthage dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali. Des tirs nourris ont retenti au centre de Tunis. Le nouveau gouvernement tunisien doit pour sa part être annoncé lundi.

"L'armée a donné l'assaut au palais de Carthage où se retranchent des éléments de la garde présidentielle" de l'ex-président Ben Ali, qui a fui vendredi la Tunisie, a indiqué sans plus de précisions la source sécuritaire tunisienne, sous couvert de l'anonymat.

Policiers en difficulté

Un habitant de la banlieue huppée de Carthage a dit entendre "des échanges de tirs" à proximité. Il a ajouté que l'armée avait établi un large périmètre de sécurité autour du palais présidentiel. Une habitante de Carthage a ajouté avoir vu "au moins deux hélicoptères qui survolent le secteur de la présidence". Selon la télévision publique, des policiers se trouvant dans l'enceinte de l'école des Hautes études commerciales, près du palais présidentiel, ont appelé l'armée à les secourir, disant qu'ils étaient pris sous le feu.

Des policiers prennent position sur le toit d'un immeuble de Tunis lors d'échanges de tirs. [AFP - Fred Dufour]
Des policiers prennent position sur le toit d'un immeuble de Tunis lors d'échanges de tirs. [AFP - Fred Dufour]

Des tirs réguliers ont été échangés depuis 16 heures entre des personnes cachées dans des immeubles et des policiers, tout près de l'avenue Bourguiba, ont constaté des journalistes de l'AFP. Des tirs ont également fusé devant le siège d'un parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP) à l'issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers, a indiqué à l'AFP un des responsables de cette formation.

Le calme était pourtant revenu

La capitale tunisienne s'était pourtant réveillée dimanche dans le calme. Au marché central de Tunis, une soixantaine de personnes se pressaient en vain devant la seule boulangerie ouverte mais cela ne gâchait pas la bonne humeur générale. "Nos enfants vont vivre dans un pays libre", proclamait une cliente. Si les pillages semblaient avoir marqué le pas, ils ont cédé la place à des fusillades. Ces premiers tirs, qui opposaient assaillants non-identifiés et forces de l'ordre, ont été suivis par des fusillades de plus en plus nourries dans plusieurs autres secteurs de Tunis-centre.

Des hélicoptères survolaient le secteur, déserté par la population, où les tirs continuaient avec l'arrivée de la nuit et du couvre-feu. La tension allait croissant entre la population et les fidèles du président déchu, les affrontements semblant opposer l'armée aux membres des divers organes sécuritaires de l'ancien régime, "miliciens" du RCD ou hommes de la sécurité présidentielle.

Fidèles de Ben Ali accusés de complot

Une information judiciaire a été ouverte contre le général Ali Sériati pour complot contre la sécurité intérieure. [KEYSTONE - STRINGER]
Une information judiciaire a été ouverte contre le général Ali Sériati pour complot contre la sécurité intérieure. [KEYSTONE - STRINGER]

Un peu plus tôt, l'agence de presse officielle TAP avait en effet annoncé l'arrestation d'un des hommes les plus craints du régime Ben Ali, son chef de la sécurité Ali Sériati, et de plusieurs de ses collaborateurs, pour "complot contre la sûreté intérieure de l'Etat".

L'ancien directeur général de la sécurité présidentielle et ses adjoints sont poursuivis également pour "actes d'agression et incitation des gens à s'armer les uns contre les autres ou à provoquer le désordre, le meurtre et le pillage sur le territoire tunisien", selon la TAP.

Depuis samedi, selon la police, au moins 50 personnes ont par ailleurs été arrêtées, soupçonnées de circuler à bord d'ambulances, véhicules de la sécurité civile ou voitures de location, en mitraillant au hasard passants et bâtiments pour semer la terreur et entretenir la psychose dans une capitale en proie à la rumeur.

Confusion totale

Quatre ressortissants allemands ont aussi été arrêtés dimanche à Tunis en possession d'armes, à bord de trois taxis, avec d'autres étrangers dont les nationalités n'ont pas été précisées, a déclaré un officier de police à la télévision publique tunisienne. Ces Allemands ont été interpellés dans le centre de la capitale tunisienne, à environ 300 mètres du siège du PDP où une brève fusillade avait éclaté. Les chauffeurs de taxis qui les transportaient ont assuré que leurs clients leur avaient dit vouloir se rendre à la chasse.

L'un des chasseurs suédois à son hôtel après avoir été attaqué "par méprise". [AFP - Fred Dufour]
L'un des chasseurs suédois à son hôtel après avoir été attaqué "par méprise". [AFP - Fred Dufour]

Douze Suédois venus chasser le sanglier ont aussi été pris à partie par une foule déchaînée dimanche à Tunis, qui les a accusés d'être des "terroristes étrangers" en découvrant leurs armes, alors que des combats se déroulaient dans la capitale, a-t-on appris auprès des chasseurs. Le site de SVT montre des images représentant des hommes, sans doute les chasseurs, frappés par des gourdins, et deux mallettes dont une ouverte avec un fusil.

Nouveau gouvernement lundi

La composition du nouveau gouvernement tunisien doit pour sa part être annoncée lundi, a indiqué dimanche une dirigeante d'un parti d'opposition, selon qui les partis auparavant proches du pouvoir en seront écartés. "La composition du nouveau gouvernement sera annoncée demain matin", a déclaré à l'AFP Maya Jribi, secrétaire générale du Parti Démocratique progressiste (PDP, opposition légale la plus radicale en Tunisie), à l'issue d'une réunion des principaux partis politiques avec le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi.

Une bannière déchirée de l'ex-président Ben Ali, au centre de Tunis. [Christophe Ena]
Une bannière déchirée de l'ex-président Ben Ali, au centre de Tunis. [Christophe Ena]

"Il a été décidé de manière consensuelle d'écarter les partis pro-gouvernementaux. Le nouveau gouvernement sera composé de représentants du mouvement Ettajdid (Renaissance), du PDP, du Front démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), ainsi que de personnalités indépendantes", a-t-elle ajouté. Ces trois formations faisaient partie de l'opposition légale dans le pays.

"Les prochaines élections seront surveillées par un comité indépendant et des observateurs internationaux, pour des élections libres et transparentes", a souligné la dirigeante, qui a précisé que les trois partis avaient demandé une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques.

agences/jzim

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Black-out total sur le séjour de Ben Ali en Arabie saoudite

Les autorités saoudiennes maintenaient dimanche un black-out total sur le séjour dans le royaume du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, qui a fui vendredi son pays sous la pression de la colère populaire. Chassé du pouvoir après 23 ans à la tête de l'Etat, Ben Ali était arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à Jeddah (ouest), au bord de la mer Rouge, en compagnie de six membres de sa famille, selon des sources concordantes.

Dans un communiqué, le cabinet royal saoudien avait annoncé avoir "accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume (...) en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien".

Zine El Abidine Ben Ali sera traité "comme un réfugié politique, et non comme un chef d'Etat", a expliqué l'influent analyste saoudien Jamal Khashoqgi à la télévision satellitaire d'informations en continu Al-Arabiya, chaîne à capitaux saoudiens basée à Dubaï. Il a ajouté qu'il serait tenu de s'abstenir, à l'instar de tout autre réfugié politique en Arabie, de toute activité ou déclaration à caractère politique.

L'Arabie saoudite a déjà accueilli des dirigeants en exil, notamment l'ancien dictateur ougandais Idi Amin Dada à Jeddah en 1979. L'ancien Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif avait trouvé refuge au royaume en 2000 après le coup d'Etat du général Pervez Musharraf, et y avait passé près de huit années en exil.