A la surprise générale, Jean-Claude Duvalier, qui avait succédé en 1971 à son père François Duvalier et que les Haïtiens surnomment "Baby Doc", a atterri à l'aéroport de Port-au-Prince dimanche en fin d'après-midi à bord d'un vol Air France, a constaté un journaliste de l'AFP.
Alors qu'il se trouvait avec sa compagne à l'intérieur de l'aéroport, en train de remplir les formalités administratives, Jean-Claude Duvalier a déclaré aux journalistes: "Je suis venu pour aider" le peuple haïtien.
Secoué par le séisme
"Duvalier est un citoyen haïtien qui rentre au pays comme il en a le droit", a réagi le Premier ministre Jean-Max Bellerive auprès de l'AFP. "J'espère simplement que cela ne va pas compliquer une situation politique déjà tendue", a-t-il aussitôt ajouté.
Lorsqu'il est descendu de l'avion, l'ex-dictateur a embrassé le sol, a raconté sa compagne Véronique Roy à l'AFP. Il a alors déclaré: "Haïti mon pays, le pays de Dessalines", en référence au héros de l'indépendance d'Haïti Jean-Jacques Dessalines, toujours selon elle.
Véronique Roy a déclaré que c'est le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 et ses quelque 250'000 morts qui ont poussé le couple à revenir en Haïti. "Ca a été le déclic, nous avons vu les images à la télévision", a-t-elle dit alors que le pays vient de commémorer le premier anniversaire de la catastrophe. Elle a aussi indiqué aux journalistes que Jean-Claude Duvalier parlerait lundi à la presse, sans donner plus de détails.
Ferveur des partisans
Dans une atmosphère festive, des centaines de partisans de "Baby Doc" se sont rapidement rassemblés devant l'aéroport. "Duvalier de retour, nous allons avoir un vrai pays maintenant, nous sommes contents qu'il soit là pour redonner au pays son image d'antan", dit Ronald Brévil, 25 ans, accouru à l'aéroport pour voir en vrai l'ex-président qu'il n'a pourtant jamais connu.
"Il doit être jugé, il a commis des crimes et a volé l'argent du peuple. Vive Aristide", crie en retour un jeune nostalgique de la présidence de Jean-Bertrand Aristide, avant son exil forcé en 2004.
Agé de 59 ans, l'ex-dictateur vivait en exil en France depuis près de 25 ans. Il revient dans un pays plongé dans une grave crise politique, le jour même où devait être organisé le deuxième tour de l'élection présidentielle qui a finalement été repoussé sine die en raison des incertitudes pesant sur les résultats du premier tour.
afp/sbo
Accusé de détournements de fonds
Tout au long de son exil, Jean-Claude Duvalier qui avait été à 19 ans le plus jeune chef d'Etat du monde, a répété qu'il souhaitait revenir "un jour" en Haïti.
En 2007, il était intervenu sur les ondes haïtiennes pour demander "pardon au peuple haïtien pour les erreurs commises pendant son règne". En doutant de la sincérité de ce message, le président René Préval avait alors relevé que s'il y avait "le pardon", il y avait aussi "la justice".
L'ex-dictateur a notamment été accusé de détournements de fonds pendant l'exercice de son pouvoir. Les autorités d'Haïti estiment que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'oeuvres sociales jusqu'à la chute en 1986 de "Baby Doc".
La France avait accepté en 1986 d'accueillir Jean-Claude Duvalier, à titre temporaire, alors que ce dernier était confronté depuis fin novembre 1985 à des manifestations anti-gouvernementales, qui avaient fait plusieurs dizaines de morts.
Comme le président Jean Bertrand Aristide en 2004, "Baby Doc" avait été poussé à la démission par les Etats-Unis. L'ex-président avait ensuite profité d'une retraite dorée dans de vastes demeures de la Côte d'Azur.