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Tunisie: 4 ministres quittent déjà le gouvernement

Ce manifestant demande le départ du RCD, le parti au pouvoir qui a exclu mardi Ben Ali de ses membres. [Zohra Bensemra]
Ce manifestant demande le départ du RCD, le parti au pouvoir qui a exclu mardi Ben Ali de ses membres. - [Zohra Bensemra]
En Tunisie, le maintien au gouvernement d'unité nationale de membres du parti du président déchu suscite une très forte controverse. Quatre ministres ont démissionné mardi, au lendemain de sa formation, tandis que des milliers de manifestants ont défilé dans les grandes villes en signe de protestation.

Trois des ministres démissionnaires appartiennent à l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). Il s'agit de Houssine Dimassi, nommé lundi ministre de la Formation et de l'emploi, d'Abdeljelil Bédoui, ministre auprès du Premier ministre et d'Anouar Ben Gueddour, secrétaire d'Etat auprès du ministre du Transport et de l'équipement.

Le chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDLT), Mustapha Ben Jaâfar, nommé lundi ministre de la Santé, est le quatrième à avoir donné sa démission, peu après celle des ministres issus de l'UGTT. Le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Abid al Briki, a expliqué que cette décision avait été prise en raison du maintien au gouvernement du Rassemblement démocratique constitutionnel (RCD), le parti de l'ancien président Ben Ali.

Mohammed Ghannouchi a expliqué vouloir maintenir certains ministres le temps de la transition. [Fethi Belaid]
Mohammed Ghannouchi a expliqué vouloir maintenir certains ministres le temps de la transition. [Fethi Belaid]

"Il s'agit d'une réponse aux revendications des gens dans la rue", a-t-il dit. Le parti d'opposition Ettajdid (ex-communiste) a de son côté menacé de quitter ce gouvernement à moins que tous les ministres qui étaient membres de l'ancien parti au pouvoir ne démissionnent de cette formation.

Le parti au pouvoir "licencie"

Plus tard mardi, le président par intérim, Foued Mebazaa, et le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, ont démissionné du RCD. Ce parti a par ailleurs annoncé avoir radié de ses rangs l'exprésident Ben Ali et six de ses collaborateurs. Cette rupture ne satisfait toutefois pas l'UGTT et le FDTL. "Ce n'est pas assez", a réagi Abdellatif Abid, membre du bureau politique du FDTL. "Les gens veulent en finir définitivement avec le RCD". "Notre condition clé est que le gouvernement ne comprenne aucun ministre qui appartenait au précédent", a pour sa part déclaré Abid al Briki. Le FDTL réunit mercredi ses instances et va consulter la centrale syndicale UGTT pour décider de la suite, a-t-il précisé.

Manifestations réprimées

Mohammed Ghannouchi a formé un gouvernement d'union nationale de 24 membres, avec trois figures de l'opposition légale mais également outre lui-même - sept ministres de l'ancien régime. Ces ministres ont conservé les portefeuilles clefs, comme l'Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères et les Finances notamment.

Ce maintien de responsables ayant servi sous la présidence Ben Ali a alimenté la colère de milliers de Tunisiens. Ils ont défilé dans le centre de Tunis et dans d'autres villes, comme Sfax, Monastir, Sidi Bouzid, Regueb, et Kasserine. Dans la capitale, la police a violemment dispersé à l'aide de gaz lacrymogènes et de matraques un millier de partisans de l'opposition et de syndicalistes qualifiant de "mascarade" le nouveau gouvernement.

Figure historique de l'opposition, Moncef Marzouki est de retour en Tunisie. [Thibault Camus]
Figure historique de l'opposition, Moncef Marzouki est de retour en Tunisie. [Thibault Camus]

A chaque fois, les manifestants se regroupaient pour de nouveau affronter les forces de l'ordre. "RCD assassins", ont scandé les manifestants. "On peut vivre seulement avec du pain et de l'eau, mais pas avec le RCD", chantaient-ils. A Paris, le parti Ennahda (renaissance) a annoncé son intention de demander sa légalisation pour participer aux élections législatives prévues avant la mi-juillet. Cette formation, qui se présente comme un parti réformateur prônant un islam modéré, avait été démantelée après les élections de 1991 où elle avait obtenu 17% des voix.

Des élections dans les six mois

Mohammed Ghannouchi s'est engagé à garantir le pluralisme et le respect des libertés dans la période de transition qui doit conduire aux prochaines élections, qui ne seront finalement organisées que d'ici six mois. "Je le ferai et je m'y engage", a-t-il dit. "Pour nous, c'est un choix essentiel et la constitution du gouvernement avec de grands ténors de la société civile constitue également une importante garantie".

Quant au délai de six mois avant l'organisation d'élections -alors que la Constitution prévoit une période maximale de 60 jours-, "c'était une condition de ceux qui étaient entrés au gouvernement" qui souhaitaient "avoir un peu de temps pour qu'ils soient en mesure d'organiser des élections libres et transparentes", a assuré Mohammed Ghannouchi.

Tunis reste sous haute tension malgré la formation d'un nouveau gouvernement. [Fethi Belaid]
Tunis reste sous haute tension malgré la formation d'un nouveau gouvernement. [Fethi Belaid]

Le Premier ministre a également promis que "tous les partis seront autorisés à participer aux élections, à égalité de chances", y compris le parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Et cela, à condition qu'ils "répondent aux critères, aux conditions requises par la loi électorale".

Retour sur les années Ben Ali

Mohamed Ghannouchi a expliqué que la situation ayant conduit à la révolte de la population était "dictée par des corruptions, du despotisme, de l'enrichissement illicite" dans l'entourage de l'ancien chef d'Etat. "Ben Ali a fait durant les premières années beaucoup de bien pour la Tunisie mais, durant les dernières années, il y a eu un changement important qui s'est produit et qui s'est traduit par cet enrichissement illicite de son entourage", a-t-il affirmé, ajoutant avoir eu "l'impression" que c'est l'épouse de l'ancien président qui, dernièrement, prenait les décisions.

Il s'est engagé à ce que les proches de Ben Ali arrêtés aient "un procès équitable", sans pouvoir toutefois dire si l'ancien président lui-même serait jugé pour les méfaits commis pendant son régime. Le Premier ministre a enfin assuré que "l'armée n'a pas tiré" sur la population lors des manifestations de la semaine dernière, mais a affirmé ne pas être en mesure de dire si la police, elle, avait ouvert le feu. "Je ne peux pas savoir, parce que le domaine de la police, des Affaires étrangères, ne relèvent pas du Premier ministre".

agences/sbo

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L'opposant Marzouki de retour

Moncef Marzouki, opposant historique au régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali et président du parti interdit le Congrès pour la République (CPR), est rentré mardi en Tunisie après des années d'exil à Paris, a annoncé l'agence officielle tunisienne TAP.

Il a été accueilli à l'aéroport Tunis-Carthage par un "nombre important" de militants de son parti qui ont scandé l'hymne national ainsi que des slogans contre la situation politique actuelle, a-t-on ajouté de même source.

Moncef Marzouki a appelé l'Arabie saoudite à livrer Ben Ali, qui a fui vendredi son pays, afin de le traduire devant la justice, selon TAP.

Moncef Marzouki avait annoncé lundi sa candidature à l'élection présidentielle, qui doit être organisée dans les six mois en Tunisie. Ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme jusqu'en 1994, il avait été condamné à un an de prison en 2000.

Les immolations se multiplient

Un homme a tenté de se suicider en s'immolant par le feu mardi à Alexandrie, portant à trois le nombre de cas similaires en Egypte depuis lundi, et à dix au total dans des pays arabes, a-t-on appris auprès des services de sécurité égyptiens.

Mardi déjà un autre homme, un avocat d'une quarantaine d'années, Mohamed Farouk, a tenté de s'immoler devant le siège du gouvernement au Caire, reproduisant le geste d'un jeune tunisien mi-décembre qui avait déclenché la révolte dans son pays.

Lundi, un autre homme avait été blessé en se mettant le feu après s'être aspergé d'essence devant l'Assemblée du peuple au Caire.

Cinq cas de blessés à la suite d'immolations par le feu ont également été enregistrés ces derniers jours en Algérie, et un en Mauritanie, soit dix au total dans des pays arabes.

Cette série avait commencé le 17 décembre 2010 avec l'immolation d'un vendeur ambulant tunisien de 26 ans, Mohamed Bouazizi, dont le geste avait marqué le début du soulèvement qui a conduit au départ vendredi du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali.