Quatre ministres - trois syndicalistes et le président du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) ont démissionné du gouvernement d'union nationale, formé lundi, en raison de la présence de caciques du parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali aux postes clés du gouvernement.
Premier message à la nation
"Je m'engage à ce que le gouvernement de transition conduise une rupture totale avec le passé", a déclaré mercredi soir Foued Mebazaa à la télévision d'Etat. Il s'agissait de sa première intervention publique depuis qu'il assure l'intérim de la présidence, samedi, au lendemain de la fuite du président déchu en Arabie saoudite, après un mois de révolte populaire sans précédent.
Le président s'est engagé à "satisfaire toutes les aspirations légitimes du soulèvement pour que se réalise cette révolution de la liberté et de la dignité". Il a notamment promis une prochaine "amnistie générale", la "liberté totale d'information", "l'indépendance de la justice" et la "la séparation entre l'Etat et le parti", en référence au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali, symbole de corruption et de répression dont des manifestants exigent chaque jour depuis vendredi le bannissement de la vie politique.
La mainmise de membres du RCD sur les postes clés du gouvernement (Intérieur, Défense, Affaires étrangères, Finances, notamment) avait provoqué la démission mardi des trois ministres issus de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), puis celle mercredi d'un chef de l'opposition. "Il nous est impossible de participer à un gouvernement qui intègre des symboles de l'ancien régime", a répété mercredi le secrétaire général de la centrale, Abdessalem Jrad.
"La composition du gouvernement ne donne pas le message clair qu'attendait le peuple, qui a perdu de nombreux martyrs, il n'y a pas eu de rupture totale avec le passé, nous le regrettons", a déclaré à l'AFP Mustapha Ben Jaafar, dirigeant du FDTL, qui avait été nommé ministre de la Santé dans le nouveau gouvernement.
Cent morts, selon l'ONU
Selon le dernier bilan officiel, 78 personnes ont été tuées dans les troubles et le coût pour l'économie tunisienne a été de deux milliards de dollars. De son côté, l'ONU parle de plus de 100 personnes tuées au cours de ces semaines de soulèvement. Il s'agit du bilan rendu public mercredi par la Haut-Commissaire de l'ONU chargée des droits de l'homme, Navi Pillay.
"Les violations des droits de l'homme étaient au coeur des problèmes de la Tunisie", a-t-elle déclaré aux journalistes au siège genevois de l'ONU. Navi Pillay a précisé que des enquêteurs de la Commission des droits de l'homme allaient partir enquêter en Tunisie et produire un projet pour que de telles violations ne se reproduisent pas. Ses services ont reçu des informations faisant état de plus de 100 morts ces cinq dernières semaines en Tunisie, "résultat de tirs à balles réelles, de suicides de protestation ainsi que des émeutes meurtrières dans les prisons au cours du week-end" qui a suivi la fuite précipitée du président Zine el Abidine ben Ali vendredi dernier.
agences/mej
Le peuple toujours dans la rue
A Tunis, des unités anti-émeutes de la police ont étroitement encadré une manifestation de 2000 personnes, dont des islamistes, dans le centre ville, mais ne sont pas intervenus pour les disperser, selon des journalistes de l'AFP.
Aucun incident ne s'est produit à Tunis. "Nous voulons un nouveau Parlement, une nouvelle constitution et nouvelle République", ont scandé les manifestants, qui s'en sont pris au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu Ben Ali.
"RCD out", proclamait une banderole. "Peuple! Révolte-toi contre les partisans de Ben Ali!", ont crié les manifestants.
Des manifestations identiques ont rassemblé des milliers de personnes en province, notamment à Sidi Bouzid, Regueb, Kasserine, et Thala. Ces localités, dans le centre du pays, ont été au coeur de la "Révolution du jasmin" qui en un mois d'émeutes populaires a balayé le régime autocratique de Ben Ali.