Les résultats du premier tour
de la présidentielle du 28 novembre sont en effet contestés. Henri-Robert
Sterlin, ancien ambassadeur d'Haïti à Paris, a expliqué que le retour dimanche
soir de Jean-Claude Duvalier, après 25 années d'exil en France, visait à
provoquer l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle.
"Il faut
tout bouleverser pour qu'on annule les élections", a déclaré Henri-Robert
Sterlin. "Et qu'après il y ait de nouvelles élections générales où
Duvalier se présente. Et là, bingo" (il est élu). Jean-Claude Duvalier, au
pouvoir de 1971 à 1986, a
été inculpé mardi de corruption par la justice de son pays pour des fraudes
commises sous sa présidence.
Plusieurs plaintes réactivées
Mardi, l'ancien président a subi un interrogatoire de plusieurs heures dans le bureau du procureur et est reparti libre. "Il n'a le droit d'aller nulle part", a dit le juge d'instruction Jean Carvès. Il appartient désormais au juge d'instruction de décider de poursuivre ou non l'affaire au plan judiciaire, selon le procureur général Aristidas Auguste.
"Bébé Doc" avait été arrêté dans la journée par la police à l'hôtel de Port-au-Prince où il résidait depuis son arrivée inopinée, dimanche, dans l'île caraïbe. Son hôtel, situé à Pétionville, faubourg chic de la capitale, avait été bouclé par des policiers en armes.
Agé de 59 ans, l'ancien président a mis un terme à 25 ans d'exil en France. Des mouvements de défense des droits de l'homme réclamaient son arrestation et son jugement. Ils l'accusent d'avoir, en quinze ans de pouvoir, tué et torturé des milliers d'opposants.
Selon un membre du gouvernement, une plainte pour détournement d'argent a été réactivée contre l'ancien dictateur. Plusieurs autres plaintes émanant de particuliers portant sur "d'autres crimes présumés" sont en préparation.
Autorités pas enchantées par son retour
Le Premier ministre, Jean-Max Bellerive, a reconnu que les autorités haïtiennes n'étaient pas enchantées du retour de Duvalier. Comme la Constitution proscrit l'exil forcé, l'ancien "président à vie" avait le droit de revenir, a dit le chef du gouvernement, même si son passeport diplomatique délivré en 2005 a expiré. "Si des procédures judiciaires sont engagées à son encontre, alors le système judiciaire fera ce qu'il a à faire", a-t-il ajouté.
L'ambassadeur de France en Haïti, Didier Le Bret, a formulé l'espoir que Jean-Claude Duvalier repartirait en France dès que possible afin de ne pas perturber un processus électoral déjà contesté par une partie de la population. A Washington, le département d'Etat a estimé que le retour de "Bébé Doc" compliquait la tâche du gouvernement haïtien.
Quant au ministre canadien des Affaires étrangères, il s'est dit "ravi" par les accusations de corruption et de détournements de fonds portées mardi contre l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier. Lawrence Cannon a félicité les autorités d'Haïti d'avoir dûment appliqué la loi.
"Bébé Doc" avait accédé au pouvoir en 1971 à la mort de son père François Duvalier, alias "Papa Doc", devenant à 19 ans le plus jeune chef d'Etat au monde. Proclamé "président à vie", il a dirigé le pays jusqu'à son départ en exil en France en février 1986, à la suite d'un soulèvement populaire.
ats/mej