"Il ne faut pas oublier qu'il y a des postes non pourvus", a déclaré le porte-parole dans un entretien avec des journalistes, rappelant que cinq ministres ont démissionné la semaine dernière: trois syndicalistes, un opposant et un membre de l'ancien parti au pouvoir le Rassemblement constitutionnel tunisien (RCD).
"Peut-être qu'il va y avoir de nouvelles démissions. Donc il y aura un minimum de six, sinon plus, postes à pourvoir, et cela va nécessiter forcément un remaniement ministériel d'ici peut-être demain", a-t-il ajouté. "Des contacts sont en cours".
Le couvre-feu encore bravé
Dans la soirée, des centaines de manifestants ont bravé, pour la deuxième nuit consécutive, le couvre-feu, devant le palais où siège le Premier ministre, exigeant la démission du gouvernement de transition des caciques du régime du président déchu Ben Ali.
Ces manifestants sont restés sourds à l'appel du chef d'état-major de l'armée de Terre tunisienne, le général Rachid Ammar, qui leur avait demandé de quitter les lieux dans l'après-midi, en affirmant que l'armée se portait garante de "la révolution du jasmin" dans le respect de la Constitution. "Vos demandes sont légitimes. Mais j'aimerais que cette place se vide, pour que le gouvernement travaille, ce gouvernement ou un autre", leur avait lancé au mégaphone le général Amar, évitant d'apporter un soutien trop explicite à l'actuel cabinet de transition.
A 20h00 heure locale, heure de l'entrée en vigueur du couvre-feu qui court jusqu'à 05h00 du matin, ils étaient encore des centaines sur l'esplanade de la Kasbah, devant les bureaux du Premier ministre, où ils se préparaient comme la veille à passer la nuit, dans un froid glacial.
Des heurts durant la journée
Dans la journée de lundi, les manifestants ont encore vu leurs rangs grossir. De quelques centaines à l'aube, ils sont devenus à nouveau des milliers - "entre 3 et 5000" selon un militaire - en début d'après-midi à protester sur l'esplanade de la Kasbah, près du palais où travaille le Premier ministre Mohammed Ghannouchi.
"La Kasbah, c'est la Bastille de la Tunisie et on va la démonter, comme les sans-culottes français ont fait tomber la Bastille en 1789", promettait un manifestant. D'autres cortèges, auxquels se sont joints notamment des lycéens, ont défilé avenue Habib Bourguiba, l'artère principale de la capitale.
Plus tôt, près des bureaux du Premier ministre, des heurts ont opposé la police à des groupes de manifestants. Des policiers anti-émeute ont tiré des gaz lacrymogènes contre des manifestants qui leur lançaient des pierres alors que d'autres policiers tentaient d'exfiltrer des fonctionnaires du siège du gouvernement. Les militaires, très populaires pour avoir refusé de tirer sur la foule avant la chute de Ben Ali, ont fait barrage entre protestataires et policiers.
Un diplomate US sur place
Par ailleurs, les instituteurs du pays ont entamé une "grève illimitée", au 1er jour de reprise officielle des cours. "Selon nos informations, le mouvement est suivi à 90-100% dans tout le pays. Il n'y a que quelques rares cas d'enseignants non-grévistes", a assuré le secrétaire général du Syndicat national des enseignants du primaire, Hfayed Hfayed.
Enfin Jeffrey Feltman, le plus haut responsable de la diplomatie américaine pour le Proche-Orient, est arrivé lundi à Tunis pour des entretiens sur "les réformes démocratiques et les élections" avec le gouvernement de transition, a annoncé le département d'Etat américain. Il a rencontré le ministre tunisien des Affaires étrangères, Kamel Morjane, qui occupait la même fonction sous le régime répressif du président Zine El Abidine Ben Ali. Bardé de diplômes d'universités américaines, Kamel Morjane a souvent été présenté en Tunisie comme le candidat de Washington pour succéder à Ben Ali.
agences/cer
La France fait son mea culpa
Le président français Nicolas Sarkozy a fait lundi son mea culpa public sur la position de la France vis-à-vis du régime autoritaire de Zine El Abidine Ben Ali.
"Sans doute nous avons sous-estimé (les) aspirations du peuple tunisien à la liberté", a reconnu lors d'une conférence de presse le dirigeant français dont le gouvernement a été très critiqué pour n'avoir lâché l'ex-président tunisien qu'après sa chute le 14 janvier.
"Derrière l'émancipation des femmes, l'effort d'éducation et de formation, le dynamisme économique, l'émergence d'une classe moyenne, il y avait une désespérance, une souffrance, un sentiment d'étouffement dont, il nous faut le reconnaître, nous n'avions pas pris la juste mesure", a-t-il dit.
Dans un premier temps, les dirigeants français ont tardé à condamner l'utilisation de la force contre les manifestants tunisiens qui a fait plus de 100 morts, mettant en avant une obligation de "non ingérence".
Deuxième décès en Algérie
Un algérien de 37 ans, sans emploi et sans logement, qui s'était immolé par le feu le 15 janvier à Tebessa, localité proche de la frontière avec la Tunisie, a succombé lundi matin à ses blessures, a-t-on appris de source médicale.
La victime, père d'une fillette, à la recherche d'un emploi et d'un logement, entendait par ce geste désespéré "dénoncer l'attitude de mépris affichée à son égard par les élus" de la commune de Boukhadra.
Il s'agit du deuxième décès par immolation enregistré en Algérie depuis la mi-janvier.