Deux manifestants ont été tués lors de heurts avec la police mardi à Suez (nord de l'Egypte), et un policier est mort des suites de blessures au Caire, a-t-on appris de sources médicales et sécuritaires.
Les deux manifestants de Suez sont décédés après des heurts marqués par des jets de pierres contre la police, qui a répliqué avec de tirs de gaz lacrymogènes, selon des sources médicales et de sécurité. Le policier au Caire a succombé après avoir été battu par des manifestants lors d'un rassemblement dans le centre ville, selon la sécurité égyptienne.
Des milliers de personnes ont défilé à travers toute l'Egypte mardi pour demander le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trois décennies, prenant exemple sur les manifestations tunisiennes qui ont provoqué le départ précipité du président Zine El Abidine Ben Ali.
"Moubarak dégage", "la Tunisie est la solution" ont scandé les manifestants au Caire comme à Alexandrie (nord), la deuxième ville du pays, face à un dispositif policier massif.
Environ 15'000 personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers du Caire, notamment aux abords des bâtiments officiels du centre-ville, sous forte garde policière, ont indiqué les services de sécurité. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour tenter de disperser plusieurs milliers de personnes, en grande partie des jeunes, rassemblées sur la grande place Tahrir et ses environs, à proximité du Parlement et de nombreux ministères. Au total, 20 à 30'000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés dans la capitale, selon la police.
"Pain, paix, dignité"
Des manifestations ont également eu lieu dans de nombreuses villes du pays, d'Assouan et Assiout (sud) à Tanta et Mansourah (delta du Nil) en passant par la péninsule du Sinaï, selon des témoins et des correspondants sur place. Partout, les manifestants ont fait référence à la révolte populaire qui a fait tomber mi-janvier le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali après 23 ans de pouvoir.
A Ismaïliya, sur le Canal de Suez, plus d'un millier de personnes se sont rassemblées pour scander "Après Ben Ali, à qui le tour?". "Pain, Paix, Dignité", lançaient certains, reprenant des slogans des manifestants tunisiens.
Le pouvoir menace
Le ministre de l'Intérieur, Habib al-Adli, a déclaré au journal gouvernemental "al-Ahram" de mardi que les organisateurs des manifestations étaient "inconscients" et a assuré que leurs appels n'auraient "pas d'impact". "Les forces de l'ordre sont capables de faire face à toute menace contre la sécurité de la population, et nous ne prendrons à la légère aucune atteinte aux biens ni aucune infraction à la loi", a-t-il ajouté.
En plusieurs endroits, les forces de police égyptiennes, qui répriment habituellement avec brutalité ce genre de rassemblements, ont toutefois donné le sentiment de faire preuve de retenue. "Nous ne voulons pas faire de mal, c'est notre peuple", a assuré un officier de la police.
Relayé par les réseaux sociaux
Ces manifestations répondait à l'appel d'un groupe militant pour la démocratie, le "Mouvement du 6 Avril", et d'autres organisations proches. Ils invitaient à descendre dans la rue pour faire de mardi une "journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage". Cette initiative coïncidait avec la "Journée de la police", un jour férié destiné à rendre hommage aux forces de l'ordre.
L'idée a été fortement relayée, en particulier auprès des jeunes, sur internet à travers les réseaux sociaux. Sur Facebook, plus de 90'000 personnes s'étaient déclarées prêtes à manifester. Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d'opposition laïque, ne se sont pas officiellement associés à ce mouvement, mais ont laissé leurs jeunes militants libres de s'y joindre.
Avec plus de 80 millions d'habitants, l'Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe, et plus de 40% de sa population vit avec moins de deux dollars par jour et par personne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d'un jeune Tunisien mi-décembre, qui avait déclenché le révolte dans son pays.
agences/cer