Dans une résolution adoptée par 169 voix pour, 8 contre et 14 abstentions, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) réclame "une enquête sérieuse et indépendante" concernant "l'existence de centres secrets de détention où des traitements inhumains auraient été infligés à des prisonniers provenant du Kosovo, d'origine aussi bien serbe qu'albanaise", pendant et après le conflit dans l'ex-province de Serbie (1998-99).
Pleine coopération exigée
"L'enquête doit être étendue également à la vérification des allégations, également précises, concernant un trafic d'organes qui aurait eu lieu au cours de la même période et en partie sur territoire albanais", ajoute le texte.
L'Assemblée a également demandé aux autorités albanaises et à l'administration kosovare de "collaborer sans réserve" avec la Mission de police et de justice de l'Union européenne (Eulex) "pour faire la lumière sur des crimes commis au Kosovo".
Dans un rapport présenté en matinée, le conseiller au Etats Dick Marty (PLR/TI) a accusé un groupe proche de l'actuel premier ministre kosovar Hashim Thaçi d'avoir organisé un trafic international d'organes prélevés sur des cadavres de personnes détenues après l'été 1999 dans des camps secrets de l'UCK.
Thaçi était-il au courant?
Dans son document de 27 pages, Dick Marty met en cause le "Groupe de la Drenica" (la Drenica est une région du centre du Kosovo), qui regroupait des responsables de l'UCK. Selon le juge tessinois, qui s'appuie sur des rapports de l'OTAN et de services de renseignement européens, leur chef était Hashim Thaçi.
"Sans noms, l'accusation aurait été générique, arbitraire et tout un peuple aurait pu alors se sentir concerné et offensé" a expliqué Dick Marty devant les parlementaires. "Les victimes étaient des Serbes, des Kosovars albanais considérés comme des traîtres ou des membres de groupes rivaux, pour nous ce sont avant tout et seulement des êtres humains", a lancé Dick Marty.
Il a rappelé n'avoir jamais affirmé que Hashim Thaçi était directement impliqué dans ce trafic d'organes, soulignant toutefois qu'il est "difficile de penser qu'il n'en aie jamais entendu parler".
Le Kosovo n'est pas un Etat membre du Conseil de l'Europe mais Hashim Thaçi a assuré, dans un courrier à l'organisation, que son gouvernement "coopérerait pleinement" à une enquête indépendante et transparente qui selon lui "démontrera qu'il n'y a pas de fondements à de telles accusations".
Vives réactions chez les Albanais
Plusieurs parlementaire de l'APCE ont félicité Dick Marty pour son "excellent et difficile travail", ainsi que pour son courage. Le rapport, rendu public en décembre, a suscité une très vive émotion au Kosovo et en Albanie. Le texte fait état "de nombreux indices qui confirment qu'à la fin du conflit armé, avant que les forces internationales aient pu rétablir l'ordre et la légalité, des organes auraient été prélevés dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë", au nord de Tirana. Il s'agissait surtout d'un commerce de reins pris sur "une poignée" de prisonniers sommairement exécutés, ces organes étant ensuite transplantés à l'étranger.
Dans son rapport, Dick Marty regrette que les organisations internationales en place au Kosovo après l'été 1999 aient "privilégié une approche politique pragmatique" pour favoriser la stabilité de la région, en ne procédant pas à un "examen approfondi" de ces allégations.
ats/cer
Thaçi, un "gros bonnet" du crime organisé?
Le premier ministre kosovar Hashim Thaçi est un des "plus gros bonnets" du crime organisé au Kosovo, estime l'OTAN dans un rapport secret dont des extraits ont été publiés mardi dans le quotidien britannique "The Guardian".
Selon ce rapport de la Force de l'OTAN au Kosovo (Kfor), cité par le journal, Hashim Thaçi est l'une des trois plus importantes figures du crime organisé au Kosovo, aux côtés d'un haut responsable qui entretient des liens avec la mafia albanaise.
Ce dernier, Xhavit Haliti, naguère chargé de la logistique de l'Armée de libération du Kosovo (KLA), "tient les rênes derrière Thaçi". Il s'est tourné vers le crime organisé "à grande échelle", dont la prostitution, le trafic d'armes et de drogues, après l'épuisement d'un fonds destiné à financer la guerre au Kosovo dans les années 1990, ajoute le rapport.
Un porte-parole de la Kfor, Hans Dieter Wichter, a indiqué que la Force de l'OTAN au Kosovo avait entamé une "enquête interne sur l'origine du document" cité par le quotidien britannique, et qui "serait un document confidentiel" remontant à 2004 et avant. "En raison de l'enquête en cours, nous ne pouvons commenter" l'article publié par le "Guardian", a poursuivi le porte-parole.