Au lendemain d'une mobilisation sans précédent en 30 ans contre le pouvoir, des heurts ont eu lieu dans le centre du Caire entre la police et plusieurs centaines de manifestants ainsi que, plus à l'est, dans la ville portuaire de Suez où 2000 personnes se sont rassemblées.
Au moins mille personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations en Egypte mardi contre le régime du président Hosni Moubarak, a indiqué jeudi un responsable de la sécurité, alors que les militants entendent poursuivre leur mouvement de contestation.
Depuis mardi, six personnes ont perdu la vie durant cette grogne sociale, quatre manifestants et deux policiers. Durant la journée de mercredi, au moins 80 personnes ont été blessés durant les affrontements, essentiellement dans le centre de la capitale. Les deux camps ont échangé des pierres et des gaz lacrymogènes.
Le "Mouvement du 6 avril", un groupe de militants pro-démocratie, avait appelé à de nouveaux rassemblements dans le centre du Caire, "pour demander le droit de vivre, la liberté et la dignité". Parallèlement, le ministère de l'Intérieur avait annoncé "qu'aucun acte de provocation, rassemblement de protestation, marche ou manifestation n'était permis". Des militants, très actifs auprès de jeunes via les réseaux sociaux sur internet, avaient indiqué qu'ils ne tiendraient pas compte de cet avertissement.
Du jamais vu depuis 30 ans
Les manifestations anti-gouvernementales de mardi, qui ont mobilisé des milliers de personnes à travers le pays, sont les plus importantes du genre survenues en Egypte au cours des trois décennies de présence du président Hosni Moubarak à la tête de l'Etat.
Dominées par des slogans demandant le départ de Hosni Moubarak, 82 ans et au pouvoir depuis 1981, elles se sont inspirées de la révolte tunisienne qui a conduit au départ du président Zine El Abidine Ben Ali mi-janvier.
Avec plus de 80 millions d'habitants, l'Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe, et plus de 40% de sa population vit avec moins de deux dollars par jour et par personne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d'un jeune Tunisien qui avait déclenché la révolte dans son pays.
Mercredi, un homme d'origine égyptienne qui voulait s'immoler par le feu devant l'ambassade d'Egypte à La Haye, aux Pays-Bas, en a été empêché par la police
Twitter et Facebook bloqués
La presse égyptienne indépendante a souligné mercredi l'ampleur des défilés de la veille, dominés par des slogans contre le pouvoir. "Des milliers de personnes manifestent contre la pauvreté, le chômage, l'inflation et la corruption, et demandent le départ du gouvernement", titre le quotidien al-Masri al-Yom. Al-Chorouq fait sa Une sur "L'Egypte en colère descend dans la rue".
La presse gouvernementale en revanche minimisait l'impact des protestations, affirmant comme al-Akhbar qu'il "y a eu des manifestations en certains endroits, tandis que la plupart des gouvernorats sont restés calmes".
L'idée des manifestations a été fortement relayée, en particulier auprès des jeunes et des classes moyennes, à travers les réseaux sociaux. Mercredi, les connexions au site de socialisation Facebook ont été coupés par moments, au lendemain du blocage du site de micro-blogs Twitter. Les deux sites avaient joué un rôle très important lors de la révolte qui a mené en Tunisie au départ du président Ben Ali.
agences/boi
Réactions internationales
Les appels se sont multipliés de l'étranger demandant à l'Egypte d'engager des réformes répondant aux attentes de sa population, et souligné son rôle modérateur entre le monde arabe et Israël.
Le gouvernement égyptien devrait être "sensible" aux aspirations de son peuple, a jugé mardi la présidence américaine, en encourageant Le Caire à "mener des réformes politiques, économiques et sociales".
Les Etats-Unis ont aussi appelé l'Egypte, un de leurs proches alliés, à lever l'interdiction de manifester, et à ne pas perturber le fonctionnement des réseaux sociaux sur internet.
La ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a déploré les morts lors de ces manifestations et rappelé que la France était favorable à "plus de démocratie dans tous les Etats".
Le président du Parlement européen Jerzy Buzek a souhaité que les autorités égyptiennes entendent "les aspirations légitimes" de leurs citoyens.
L'Italie a souhaité que Hosni Moubarak continue "à gouverner avec sagesse et clairvoyance" l'Egypte, un pays dont elle a souligné le rôle essentiel pour la paix au Proche-Orient.
Le vice-Premier ministre israélien Sylvan Shalom a quant à lui espéré que les troubles en Egypte n'auront pas d'impact sur ses relations avec Israël. L'Egypte est le premier pays arabe à avoir reconnu l'Etat hébreu.