Publié

"Vendredi du départ": les Egyptiens dans la rue

La nuit tombe sur la place Tahrir, au Caire, toujours bien remplie.
La nuit tombe sur la place Tahrir, au Caire, toujours bien remplie.
Des centaines de milliers d'Egyptiens sont descendus dans les rues vendredi pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, au 11e jour des protestations marqué par la présence de personnalités politiques sur la place symbole de la contestation au Caire, noire de monde.

Le mouvement de contestation avait appelé à une mobilisation générale pour ce qu'il a baptisé "le vendredi du départ", et espérait réunir un million de personnes dans le pays, au 11e jour d'une révolte qui aurait fait au moins 300 morts selon un bilan non confirmé cité par l'ONU. Le ministère de la Santé a fait état de 5000 blessés depuis le 28 janvier.

Sur la place Tahrir, des dizaines de milliers de manifestants ont participé à la prière hebdomadaire. "Nous sommes nés libres et allons vivre libres. Je vous demande de patienter jusqu'à la victoire", a déclaré l'imam, identifié par les fidèles comme Khaled al-Marakbi, qui a pleuré, comme beaucoup d'autres, pendant la prière aux morts. Après la prière, les manifestants ont scandé "Irhal, irhal" (Dégage, dégage) à l'adresse de Moubarak.

Nombreux étaient ceux également à avoir répondu à l'appel à la mobilisation en province: ils étaient des dizaines de milliers à Alexandrie (nord), 10’000 à Menoufiya (nord), 20’000 à Mahalla (delta du Nil), 5000 à Suez (est), des dizaines de milliers à Mansoura (delta du Nil), 5000 à Assiout (centre) et des dizaines de milliers à Louxor (sud), selon des sources de sécurité.

Coups de feu dans la nuit

Vendredi soir place Tahrir dans le centre du Caire, des milliers de personnes se sont rassemblées pour y passer une nouvelle nuit en bravant le couvre-feu dont la durée a été réduite de 19H00 à 06H00.

Sur une banderole géante, les manifestants affichaient toujours leurs revendications: départ du président Moubarak, dissolution du Parlement et mise en place d'un gouvernement de transition. Certains chantaient, d'autres scandaient "Va-t'en, va-t'en" à l'adresse de M. Moubarak.

L'atmosphère s'est brusquement tendue, lorsque des coups de feu nourris ont été entendus dans la nuit sur la place, semant pendant quelques minutes la panique.

Pas de 6e mandat

Hosni Moubarak, âgé de 82 ans et au pouvoir depuis près de trois décennies, a promis de ne pas solliciter un sixième mandat à la présidentielle de septembre, une annonce jugée insuffisante pour les manifestants. Le Premier ministre Ahmad Chafic a plaidé néanmoins pour que M. Moubarak achève son mandat "pour trouver une issue honorable au président", dans une déclaration vendredi à la chaîne de télévision américaine en langue arabe Al-Hurra.

"La majorité des Egyptiens souhaitent un traitement honorable et dans le respect d'un président qui a passé une longue période au pouvoir, d'une manière civilisée conforme à la nature du peuple égyptien", a assuré M. Chafic. Le vieux chef d'Etat et ancien militaire a également cherché à faire vibrer cette corde dans l'opinion dans sa dernière allocution télévisée, en déclarant que l'Egypte était le pays "que j'ai défendu et dans lequel je vais mourir". "Ma première responsabilité maintenant est de rétablir la sécurité et la stabilité dans la patrie pour assurer la transition pacifique du pouvoir", a-t-il ajouté.

Moubarak déjà absent

M. Moubarak est déjà beaucoup moins visible depuis qu'il a nommé, pour la première fois depuis le début de son règne, un vice-président, l'ancien chef des renseignements, le général Omar Souleimane.

Les principales annonces politiques sont venues ces derniers jours de MM. Souleimane et Chafic, qui citent toutefois le président dans toutes leurs déclarations. "Le président a un sens poussé du devoir, il est profondément convaincu que s'il devait quitter le pouvoir maintenant le pays sombrerait dans le chaos", estime Elijah Zarwan de l'International Crisis Group, qui pense toutefois que Hosni Moubarak ne souhaite pas quitter le pouvoir avant la fin de son mandat de "crainte de poursuites judiciaires, et de crainte de tout perdre".

Même l'opposant égyptien Mohamed ElBaradei, l'un de ses plus farouches adversaires, a dit mardi souhaiter une "sortie honorable" pour Moubarak. "Nous allons tourner la page. Pour le passé nous pardonnons", a-t-il ajouté, laissant ainsi présager que le président égyptien ne serait pas jugé s'il quittait le pouvoir comme le demandent les manifestants et l'opposition.

Lâché peu à peu par Obama

Le président américain Barack Obama a suggéré vendredi, sans le demander clairement le départ du président égyptien. Le président égyptien "doit prêter attention à ce que réclament les gens et prendre une décision ordonnée, constructive et sérieuse", a-t-il déclaré. "Je pense que le président Moubarak se soucie de son pays. Il est fier, mais c'est aussi un patriote", a ajouté le président américain.

Pour Dia Rachwane, du centre d'études Al-Ahram, il existe une issue constitutionnelle pour le président. "L'article 139 stipule que le président délègue tous ses pouvoirs au vice-président et termine son mandat à la tête de l'Etat, mais sans gouverner". "Comme dans une monarchie constitutionnelle, son rôle devient honorifique", explique-t-il, en soulignant que cette issue bénéficie d'un important soutien populaire.

Selon Elijah Zarwane, "le régime semble avoir réussi des avancées ces derniers jours dans la bataille pour l'opinion publique". "Beaucoup de gens à Tahrir (place du Caire, foyer des rassemblements des opposants) considèrent que les concessions de Moubarak sont suffisantes", a-t-il estimé. Hatem, un ingénieur de 29 ans, qui manifestait vendredi sur cette grande place du centre du Caire, semble d'accord. "Si Moubarak cède ses pouvoirs au vice-président Souleimane, j'arrête de manifester", a-t-il affirmé.

afp/cht

Publié

Un journaliste égyptien meurt de ses blessures

Alors que les appels au respect de la liberté de presse se multipliaient après les attaques subies par des journalistes étrangers (dont des Suisses), un journal gouvernemental a annoncé le décès vendredi d'un journaliste égyptien de 36 ans, Ahmed Mohammed Mahmoud, touché la semaine dernière par un tir de "sniper".

Le ministre égyptien des Finances Samir Radwan a présenté ses excuses pour les cas de "mauvais traitements" infligés aux journalistes et manifestants par les forces de l'ordre, dans une interview à CNN.

La chaîne privée Canal+ a elle annoncé vendredi soir la libération de deux journalistes d'une agence de presse française qui travaillaient pour elle, arrêtés jeudi par des forces de sécurité au Caire.

L'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International a elle aussi annoncé samedi que deux de ses employés arrêtés la veille au Caire avaient été libérés.