Sur la place Tahrir, rond-point devenu symbole du mouvement de contestation déclenché le 25 janvier, des dizaines de milliers de protestataires étaient à nouveau rassemblés pour réclamer le départ du chef de l'Etat, qui a gouverné l'Egypte d'une main de fer pendant près de 30 ans.
Parlement et gouvernement encerclés
Non loin de là, des centaines de personnes ont encerclé le Parlement et le siège du gouvernement, situés l'un en face de l'autre. Les deux bâtiments étaient protégés par des blindés et le Conseil des ministres a dû se tenir dans un autre lieu.
Mais, passée l'euphorie des deux premières semaines du mouvement, le malaise va croissant: certains redoutent une reprise en main et des représailles si le régime se maintient. Sur Tahrir, la peur des mouchards est désormais à son comble. Nombre de manifestants ont repéré des hommes au comportement inquiétant, qui filment la foule en tenant en hauteur des téléphones portables. Les manifestants ont peur qu'il ne s'agissent de policiers en civil, en train d'enregistrer qui participe au mouvement. Et craignent que si la situation n'évolue pas rapidement, les organes de sécurité du pays, confortés, ne se mettent à arrêter tout le monde à tour de bras.
Trois à cinq morts dans le sud
A la contestation politique se sont ajoutés plusieurs mouvements sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail, dans les arsenaux de Port-Saïd, dans plusieurs sociétés privées travaillant sur le canal de Suez ou encore à l'aéroport du Caire.
Alors que la plupart des commerces ont rouvert, la mobilisation a aussi touché le sud de l'Egypte. Des manifestations à El Kharga, à 400 kilomètres au sud du Caire, au cours desquelles la police a utilisé des balles réelles pour disperser les protestataires, ont fait une centaine de blessés dont trois ont succombé. Des sources médicales parlent de cinq décès. Une foule en colère a réagi à ces morts en mettant le feu à sept bâtiments officiels, dont deux commissariats, un tribunal et le siège local du parti au pouvoir.
A Assiout, dans le sud du pays, des milliers de manifestants ont bloqué une voie de chemin de fer et coupé une autoroute reliant le nord et le sud, a annoncé un responsable de sécurité. Quelque 4000 manifestants ont défilé dans les rues d'Assiout, à 350 kilomètres au sud du Caire, avant de bloquer une voie de chemin de fer avec des planches de bois et des briques et de mettre le feu à des pneus sur l'autoroute Le Caire-Assouan, a-t-il expliqué.
L'armée pourrait intervenir
Le vice-président Omar Souleimane a assuré mardi soir que Hosni Moubarak était en faveur d'une "passation du pouvoir", à travers le dialogue engagé avec l'opposition, mais a réaffirmé qu'une fin immédiate du régime "signifierait le chaos". Et en cas de chaos, l'armée pourrait intervenir, a prévenu le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit.
Les mesures d'apaisement annoncées par le régime de Hosni Moubarak ces derniers jours n'ont pas satisfait ses détracteurs. Le président égyptien a formé mardi une commission pour amender la Constitution, notamment les articles contestés par l'opposition et liés au mandat présidentiel et aux conditions très restrictives de candidature. Il a déjà annoncé le 1er février qu'il s'effacerait à la fin de son mandat en septembre, mais les manifestants veulent le voir partir immédiatement.
Les USA critiqués
Membre de la contestation, la confrérie islamiste des Frères musulmans, principale force d'opposition qui participe au dialogue, a réaffirmé qu'elle ne recherchait pas le pouvoir, alors que beaucoup, en particulier en Occident, redoutent l'émergence d'une Egypte islamiste.
Le gouvernement américain a appelé les autorités égyptiennes à prendre "de vraies mesures concrètes" de transition. "Ce qu'on voit se dérouler dans les rues du Caire n'est absolument pas surprenant quand on voit le manque de mesures prises par le gouvernement pour satisfaire à leurs demandes", a déclaré le porte-parole de la Maison blanche Robert Gibbs lors de son point de presse quotidien. Le chef de la diplomatie égyptienne a estimé que les Etats-Unis cherchaient à "imposer" leur volonté à l'Egypte.
agences/cer
Ehud Barak parle Egypte à Washington
Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak s'est rendu mardi soir aux Etats-Unis pour des entretiens officiels qui doivent notamment porter sur la situation en Egypte. Durant cette visite de 48 heures, Ehud Barak doit être reçu mercredi après-midi à la Maison Blanche par la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, ainsi que par son homologue, Robert Gates, et le chef du Conseil national de sécurité, Tom Donilon, a indiqué son ministère dans un communiqué.
Selon ce communiqué, Ehud Barak doit par ailleurs rencontrer mercredi matin Dennis Ross, conseiller spécial du président Barack Obama, ainsi que divers responsables de la sécurité et du renseignement américain.