"La marche de l'Egypte vers la liberté politique ne fait que commencer", écrit le Wall Street Journal. "Mais cette nouvelle Egypte est la meilleure occasion depuis le 11 Septembre pour changer le monde arabe sclérosé et elle devrait être saisie par les Egyptiens et leurs amis", ajoute le journal.
Pour le Times de Londres, la chute de Moubarak apporte "joie, espoir et liberté à l'Egypte, mais aussi la menace de l'incertitude et du changement dans une région volatile". "Cela fut le moment de la chute du Mur de Berlin pour cette génération. L'Egypte, le Moyen-Orient et la politique dans le monde arabe ont été changés à jamais", écrit-il.
Prise de pouvoir militaire
"Tous les dominos ne tomberont pas. Mais beaucoup de gouvernements vont maintenant se précipiter pour éviter les mêmes conditions qui ont engendré la révolution" égyptienne. "N'ayez aucun doute, ce qui est salué comme un triomphe du peuple est une prise de pouvoir militaire", écrit cependant le Daily Telegraph.
La démission de Moubarak "peut marquer le début de la crise du pays, non sa fin". "Tout dépend maintenant de la manière dont l'armée utilisera son pouvoir", analyse l'Independent, en rappelant que "malheureusement", des précédents suggèrent que des régimes militaires peuvent être aussi réticents à céder le pouvoir que des présidents autocrates.
"A qui le tour?"
Après la fuite de Ben Ali en Tunisie et la démission de Moubarak, les éditorialistes français se demandent "à qui le tour", le président algérien Abdelaziz Bouteflika arrivant en tête des pronostics. "La peur change de camp et l'angoisse s'insinue sous le crâne des dictateurs", note Libération. "Et de deux! En moins de cent jours, à Tunis et au Caire, deux régimes qu'on pensait inexpugnables sont passés à la trappe de l'histoire", ajoute le quotidien. "De nombreux régimes autoritaires vont devoir s'adapter à la nouvelle donne, ou bien se préparer à passer la main", estime Le Figaro.
A Tunis, la presse s'interroge de même. "A qui le tour?". "Cette révolution, c'est aussi la nôtre", titre Le Temps. "Le président-dictateur a enfin compris qu'aucune force, aussi puissante soit-elle, ne peut s'opposer à la volonté du peuple. Hélas pour lui, il l'a compris trop tard et n'a pas assimilé la leçon tunisienne pourtant toute récente".
Le Washington Post estime, lui, que les Etats-Unis et les autres pays occidentaux devraient commencer à faire pression sur les militaires égyptiens. "Le pouvoir pourrait décider d'une feuille de route vers la démocratie et les élections", écrit-il.
La "Révolution du Nil"
Titrant sur la "Révolution du Nil", le Financial Times souligne qu'en "Egypte et dans le monde arabe, il n'y a maintenant plus de raison" de ne pas appliquer les principes démocratiques. Le quotidien espagnol El Pais souligne pour sa part qu'"après 18 jours d'un effort collectif exemplaire, les Egyptiens ont atteint le premier objectif fondamental de leur révolte, la chute d'Hosni Moubarak". Ce "numéro d'équilibriste prometteur peut être le commencement du chemin de la liberté mais est aussi plein de risques", souligne ce journal.
Pour le quotidien conservateur ABC, il s'agit d'un "tsunami pour le monde arabe" et "l'Occident doit influer dans la construction de la future Egypte et des autres pays de la région pour limiter l'influence des islamistes". La presse officielle chinoise a insisté quant à elle sur la nécessité de "restaurer la stabilité" en Egypte.
En Egypte, la presse gouvernementale, qui affichait d'ordinaire un soutien sans faille à Moubarak, a salué samedi la "Révolution des jeunes" qui ont "vaincu" le régime.
afp/boi
L'analyse d'Hasni Abidi
Dans 24 heures, le spécialiste du monde arabe Hasni Abidi qualifie la démission d'Hosni Moubarak de "coup d'Etat", effectué par l'armée sous l'impulsion de la rue. L'armée peut désormais soit imposer un candidat issu du sérail militaire, ou placer un civil qui "ne menacerait pas leur intérêt".
Le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe, à Genève, argumente que "la Constitution ne prévoit pas que le président puisse remettre ainsi les rênes du pays à l'armée".
Il nuance toutefois son affirmation, en relevant que que "les militaires ont commis (ce coup d'Etat) presque malgré eux". L'armée a été "poussée" par la rue, qui a rejeté dans un premier temps "les promesses de réformes formulées par Moubarak", puis qui a refusé "que le pouvoir soit remis à son second, Omar Soulemaine, selon la Constitution".
La "révolution réclamait une rupture et appelait les militaires à s'en porter garants", résume-t-il.
Tout reste ouvert pour la suite: les militaires peuvent soit "imposer leur propre candidat à la présidence", même si Hasni Abidi estime que cela sera "difficile" après la révolte populaire. Mais les militaires peuvent également "mettre en avant un civil qui ne menacerait pas leurs intérêts".
Dans l'immédiat, Hasni Abidi prévoit que le Conseil suprême des forces armées, peu aptes à gouverner seuls, "pourrait nommer un cabinet de technocrates" pour mener à bien des réformes et amender la Constitution afin d'organiser rapidement une élection présidentielle.