Un homme a été tué mardi à Bahreïn lors d'incidents qui ont éclaté pendant les funérailles d'un manifestant tué la veille en marge du "jour de colère" organisé contre le gouvernement. Les affrontements se sont produits alors que 2000 personnes s'étaient réunies devant la morgue d'un hôpital pour accompagner la dépouille du jeune homme de 22 ans tué par balles lundi.
La police a tiré des grenades lacrymogènes sur la procession funèbre mais le cortège s'est reformé et a repris sa marche, a déclaré le député Ibrahim Mattar, élu du groupe d'opposition chiite al-Wefaq. Une personne a été tuée dans la bousculade, victime d'un tir par arme à feu, a dit Ibrahim Mattar. Selon la police locale, les participants de la procession s'en sont pris à des policiers présents dans quatre véhicules.
Comme sur la place Tahrir au Caire
En provenance du lieu des funérailles, situé à la périphérie de Manama, des participants en colère ont gagné la place de la Perle, dans le centre-ville. "Le peuple veut la chute du régime", ont scandé certains, reprenant le principal slogan du soulèvement en Egypte.
Les manifestants ont commencé à installer des tentes au milieu de cette place qu'ils ont rebaptisée "Place des martyrs". Ils s'apprêtaient à y passer la nuit, ayant affirmé leur intention d'y demeurer jusqu'à ce qu'ils aient obtenu satisfaction de leurs revendications.
Une dizaine de tentes étaient dressées et des manifestants distribuaient des couvertures, de l'eau et de la nourriture. "Peut-être que ce sera une place Tahrir. Cette place est au coeur de Bahreïn maintenant", a-t-il ajouté, faisant référence à la place Tahrir, symbole de la révolution égyptienne.
"Nous avons appris des leçons de l'Egypte et de la Tunisie. Nous voulons une nouvelle Constitution, la fin de la discrimination, et l'instauration d'une monarchie constitutionnelle", a déclaré l'un des manifestants. La police avait bloqué les accès menant au secteur, alors qu'un hélicoptère survolait la région.
Discours du roi
Dans un discours télévisé au ton conciliant, le roi de Bahreïn, cheikh Hamad ben Issa Al Khalifa a exprimé son regret pour "la mort de deux de nos chers fils", tués lors de la dispersion de manifestations lundi et mardi. Il a annoncé la formation d'une enquête ministérielle menée par le vice-premier ministre Jawad ben Salem al-Aarid, lui-même chiite.
Le bloc chiite au Parlement, le mouvement al-Wefaq qui compte 18 élus sur 40 sièges, a annoncé avoir suspendu sa participation à l'assemblée en raison de la répression "sauvage" des manifestants. Dans un communiqué, le mouvement a affirmé soutenir "les revendications légitimes du peuple".
Parmi celles-ci figurent en bonne place la lutte contre la pauvreté et le chômage. Les manifestants rejettent aussi la politique du gouvernement qui accorde la citoyenneté à des sunnites étrangers ainsi que des emplois dans les forces de sécurité et des logements qui modifient l'équilibre démographique.
La population de Bahreïn est majoritairement chiite, mais sa famille régnante est de confession sunnite. Ce pays fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières de la région, ses réserves de pétrole s'étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, Bahreïn a été le théâtre de violences animées par des chiites qui avaient fait une quarantaine de morts. Les chiites s'estiment discriminés au niveau de l'emploi, des services sociaux comme l'habitat et des services publics fournis à leurs villages.
agences/lan
Egalement au Yémen
Le mouvement de protestation se poursuit aussi au Yémen.
Au moins trois manifestants ont été blessés lors d'affrontements entre des étudiants et militants qui tentaient de se diriger vers le palais présidentiel à Sanaa et des partisans du pouvoir.
Des partisans du Congrès populaire général (le parti au pouvoir), armés de gourdins et de haches, se sont opposés aux manifestants à quelque 1,5 km du palais, et ont jeté des pierres en leur direction.
Les manifestants, qui descendaient dans la rue pour la quatrième journée consécutive, ont riposté en leur lançant également des pierres.
Selon des témoins, des policiers en civil équipés de pistolets à impulsion électrique Taser ont pris part, aux côtés des contre-manifestants, aux affrontements qui ont pris fin en milieu de journée.
Amnesty international a appelé le Yémen à "freiner immédiatement ses forces de sécurité et arrêter l'usage excessif de la violence". Human Rights Watch a demandé aux autorités de ne pas employer les pistolets Taser pour disperser les manifestants.