La Belgique a passé jeudi le cap des 249 jours sans avoir pu former un véritable gouvernement depuis les élections législatives anticipées du 13 juin 2010. C'est la durée qu'il avait fallu aux Irakiens, détenteurs jusqu'ici du record, pour parvenir l'an dernier à un accord de partage du pouvoir entre Kurdes, sunnites et chiites.
Malgré la lassitude de la rue, les pressions des marchés financiers ou certaines initiatives surréalistes – l'acteur Benoît Poelvoorde a demandé aux Belges de se laisser pousser la barbe jusqu'à la fin de la crise – Flamands et francophones ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une vision commune de l'avenir du pays.
Les premiers, aiguillonnés par leur principal parti, la formation indépendantiste N-VA, réclament une autonomie régionale très poussée. Les seconds redoutent un appauvrissement pour leur communauté et, à terme, la scission du pays.
Une médiation pour un accord
Mercredi, le roi Albert II a prolongé jusqu'au 1er mars une énième mission de médiation entre partis confiée début février au ministre des Finances sortant, le libéral francophone Didier Reynders.
Huit mois après les élections législatives de juin 2010, sa tâche ne consiste même pas à tenter de former enfin un vrai gouvernement, mais d'examiner "les possibilités d'arriver" à un accord institutionnel. Peu en Belgique croient à ses chances de succès et, en attendant, le pays continue à être dirigé par un cabinet chargé d'expédier les affaires courantes.
Les étudiants se mobilisent
A l'appel d'une trentaine d'associations étudiantes flamandes et francophones, des manifestations ludiques se déroulent jeudi dans les principales villes universitaires du royaume.
Au menu: "flash-mobs", strip-teases, animations musicales et, bien sûr, distributions gratuites de cornet de frites, symbole par excellence de la "belgitude". Les autorités "croisent les doigts" pour qu'il n'y ait pas d'incidents.
Au-delà du clin d'oeil à la "révolution du jasmin" tunisienne, les jeunes qui se mobiliseront pour cette "révolution de la frite" veulent "exprimer leur ras-le-bol de l'impasse politique et faire passer un message antiséparatiste et antinationaliste", a expliqué l'un des organisateurs. Les étudiants ne se font cependant que peu d'illusion sur l'impact qu'ils peuvent avoir.
De nouvelles élections prévues
"L'ensemble du système politique est ainsi fait que deux peuples y cohabitent séparément, sans véritable liant. Le pays peut-il se séparer? Oui, cela pourrait arriver dans les dix prochaines années", a estimé un professeur de droit.
Pour l'heure, la Belgique semble se diriger vers de nouvelles élections, peut-être en mai. Avec le risque qu'elles radicalisent encore plus les deux camps.
afp/vik
La presse belge, entre humour et gravité
"Enfin champions du monde!", titre le quotidien de référence en Flandre, De Standaard, qui choisit lui résolument le parti de l'humour. Sa première page est couverte par une photo montrant des supporters de football belges en liesse après une victoire.
Pour une fois, quotidiens néerlandophones et francophones sont au diapason pour leurs Unes. "Record battu!", disent en choeur les journaux francophones L'Echo et Le Soir. Ce dernier ajoute que "ce n'est pas fini" et publie un décompte des 249 jours rappelant un mur de cellule de prison, avec des séries de bâtonnets marqués à la craie sur fond noir.
"Heureusement, il nous reste nos zygomatiques pour en rire. Jaune. Mais au milieu de ce blocage politique sans fin, mieux vaut choisir la dérision que la dépression", estime l'un des chroniqueurs du Soir.
Plus graves, le journal La Capitale parle du "record du monde qui nous fait honte", tandis que De Morgen titre sur "le chagrin de la Belgique", en référence au roman "Le chagrin des Belges" du célèbre romancier flamand disparu Hugo Claus.
Pour La Libre Belgique, "la situation ne peut se prolonger éternellement car les marchés, on le sait, ne se contentent pas du vide actuel et veulent qu'un vrai gouvernement prépare des réformes structurelles".