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En Libye, la contestation de la rue gagne du terrain

Libye: deux habitants de Benghazi témoignent
Libye: deux habitants de Benghazi témoignent / L'actu en vidéo / 8 min. / le 20 février 2011
Au moins 173 personnes ont été tuées en Libye depuis le début de la contestation le 15 février selon Human Rights Watch (HRW), alors que le mouvement de révolte contre le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans, commençait dimanche à toucher Tripoli. D’autres manifestations font rage dans le reste du monde arabe.

En Libye, la répression qui a fait au moins 173 morts depuis le début de la révolte mardi, selon l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW), a commencé à atteindre Tripoli dimanche soir. Les forces de l'ordre libyennes ont tiré des grenades lacrymogènes dans la capital epour disperser des manifestants hostile au régime dans le quartier populaire de Gurgi, a indiqué à l'AFP un habitant du quartier joint par téléphone.

"Il y a des manifestations. On entend des slogans contre le régime et des tirs. Le gaz lacrymogène a envahi la maison", a déclaré ce témoin sous couvert de l'anonymat. Un autre témoin a indiqué à l'AFP avoir vu en début de soirée des pneus brûlés dans ce quartier situé à l'entrée ouest de Tripoli.

"Les militaires sont sans pitié"

La contestation semble se muer en insurrection dans l'est, surtout à Benghazi, bastion des opposants situé à 1000 km à l'est de Tripoli.

Des dizaines de personnes y ont été tuées samedi quand l'armée a repoussé à balles réelles les manifestants qui prenaient d'assaut une caserne, selon des témoins et le journal Quryna proche du réformiste Seïf el-Islam, fils de Mouammar Kadhafi.

Des Libyennes manifestent à Washington contre le régime de Mouammar Kadhafi. [Evan Vucci]
Des Libyennes manifestent à Washington contre le régime de Mouammar Kadhafi. [Evan Vucci]

Benghazi est devenu le théâtre de "massacres", a affirmé Fathi Terbeel, un des organisateurs des manifestations, sur la chaîne Al-Jazira: "Cela ressemble à une zone de guerre ouverte entre les manifestants et les forces de sécurité". Au moins 100'000 personnes étaient rassemblées dimanche après-midi à Benghazi pour rendre hommage aux victimes de ce "massacre". Des "incidents" ont aussi eu lieu samedi dans certaines banlieues de Tripoli, où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins cités par des opposants résidant à l'étranger.

"Les militaires tuent les gens sans pitié. Des gens meurent par centaines", a affirmé une habitante de Benghazi contactée par la TSR dimanche (voir la vidéo ci-dessus). "Aujourd'hui, 325 personnes ont été enterrées et 200 morts attendent toujours dans les hôpitaux", a-t-elle ajouté. "On film tout mais on ne peut rien envoyer dans les autres pays car internet est coupé. On peut recevoir des appels mais on ne peut pas appeler", explique-t-elle encore.

L'est de la Libye sous contrôle des manifestants?

Des comptes-rendus contradictoires de la situation ont été donnés par des témoins, mais il semble que les rues de Benghazi soient sous le contrôle des manifestants et que les forces de sécurité se soient retranchées dans un complexe appelé le "Centre de commandement", d'où elles ont tiré sur la foule.

Ainsi, un autre habitant de Benghazi interrogé par la TSR a déclaré que "toute la partie est de la Libye est sous le contrôle des manifestants" .

D'autres personnalités ont également laissé entendre que les forces de sécurité avaient abandonné les rues et que la situation est "hors de contrôle" dans la capitale de la Cyrénaïque, ville traditionnellement frondeuse. Des "incidents" ont aussi eu lieu samedi soir dans certaines banlieues de Tripoli, notamment à Fachloum et Tajoura, où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins cités par des opposants résidant à l'étranger.

Le régime libyen muet

Parallèlement, l'agence officielle Jana a évoqué des incendies criminels et des actes de vandalisme dans "certaines villes" et les a imputés à "un réseau étranger qui cherche à provoquer des affrontements et le chaos pour déstabiliser la Libye". Et une tentative de sabotage sur des puits de pétrole au sud de Tripoli a échoué dans la nuit de samedi à dimanche, selon une source officielle.

Le colonel Kadhafi semble avoir de la peine à étouffer le mouvement de colère populaire. [François Lenoir - Reuters]
Le colonel Kadhafi semble avoir de la peine à étouffer le mouvement de colère populaire. [François Lenoir - Reuters]

En outre, un haut responsable libyen a déclaré dimanche qu'un "groupe d'extrémistes islamistes" retenait en otage des membres des forces de l'ordre et des citoyens à Al-Baïda (est). Le groupe menaçait d'exécuter ses otages si les forces de l'ordre ne levaient pas le siège autour de lui.

Le régime libyen n'a publié aucun bilan et n'a fait officiellement aucune déclaration. Mais il a convoqué les représentants de l'Union européenne et des 27 pour menacer de cesser de coopérer dans la lutte contre l'immigration si l'UE continue à "encourager" les manifestations dans le pays, a annoncé dimanche la présidence hongroise de l'UE. La télévision publique libyenne a annoncé que Seif Al-Islam, un des fils de Kadhafi, allait s'exprimer dimanche soir.

Appels au calme

Face à cette flambée de violence, les appels au calme se sont multipliés dimanche. La Ligue arabe a appelé "à cesser immédiatement tous les actes de violence et à ne pas utiliser la force contre les manifestations pacifiques" en Libye, à Bahreïn et au Yémen. Une cinquantaine de dignitaires religieux ou chefs de clans de Tripoli et de l'ouest du pays ont pour leur part exhorté les membres des forces de sécurité, en tant que musulmans, à mettre un terme au massacre."Ne tuez pas vos frères et vos soeurs", affirment-ils.

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a exhorté dimanche soir à la "fin des violences" en Libye, se disant "préoccupée" par la dégradation de la situation dans le pays. Le ministre allemand des Affaires européennes Werner Hoyer,a fait part dimanche soir de "l'indignation" de son gouvernement et le ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a qualifié dimanche d'"inacceptable" et de "totalement disproportionnée" la violence de la répression de la contestation en Libye.

"La Libye a le droit de défendre son intégrité"

En réponse, le Premier ministre libyen Al-Baghdadi Al-Mahmoudi a déclaré dimanche que la Libye était en "droit de prendre toutes les mesures" pour préserver l'unité du pays. Il a dénoncé les "plans" de "terroristes".

"La Libye a le droit de prendre toutes les mesures pour préserver son unité, la stabilité de son peuple, pour assurer la protection de ses richesses et préserver ses relations avec les autres pays", a-t-il affirmé lors d'une réunion avec les ambassadeurs des pays de l'Union européenne à Tripoli, selon l'agence Jana.

Le premier ministre libyen a également dit que le récit fait de la situation par les "médias extérieurs" était "un amalgame, sans distinction entre les réalités et les mensonges".

bkel avec les agences

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Nombreux pays secoués par des révoltes

Parallèlement aux événements qui se déroulent en Libye, de nombreuses manifestations avaient cours dans plusieurs pays arabes dimanche, au Moyen-Orient et en Afrique.

Dans le Golfe, des milliers de Bahreïnis ont dressé dimanche des tentes place de la Perle à Manama, tentant faire de ce lieu un foyer de contestation semblable la place Tahrir du Caire. L'opposition politique a pour sa part lié le dialogue avec le pouvoir à la démission du gouvernement.

Au Maroc, des échauffourées ont éclaté dimanche à Al Hoceima, dans le nord du pays, la police ayant dû faire usage de gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires qui attaquaient notamment un poste de police, selon des témoins. Plusieurs milliers de personnes ont aussi manifesté à Casablanca et à Rabat pour réclamer des réformes politiques et une limitation des pouvoirs du roi.

A Djibouti, les trois importantes figures de l'opposition arrêtées samedi au lendemain d'une manifestation contre le président Ismaël Omar Guelleh qui a dégénéré en de violents affrontements ayant fait officiellement deux morts, ont tous été libérés.

Un manifestant a été tué par la police yéménite à Aden, ce décès porte à onze morts le bilan dans cette ville depuis le 13 février. Dans la capitale Sanaa, plusieurs centaines d'étudiants ont manifesté devant le campus sans être inquiétés par les partisans du pouvoir, tenus à l'écart par la police.

Des milliers de Tunisiens ont manifesté à Tunis pour réclamer la démission du gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi, l'élection d'une assemblée constituante et un système parlementaire. Le gouvernement tunisien a lui demandé officiellement dimanche aux autorités saoudiennes de lui fournir "dans les plus brefs délais" des informations sur l'état de santé de l'ex-président Zine el Abidine ben Ali.

Enfin, en Iran, un déploiement policier massif a empêché tout rassemblement anti-gouvernemental important dimanche à Téhéran. Des sites d'opposition ont fait état d'affrontements alors que le pouvoir annonçait la brève arrestation de la fille de l'exprésident Akbar Hachémi Rafsandjani.