"Mouammar Kadhafi n'a pas de poste officiel pour qu'il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin des jours. C'est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres", a martelé le Guide de la révolution en guise de rejet des appels à son départ du pouvoir.
Il a également promis de combattre les manifestations qui réclament son départ du pouvoir et de mourir en "martyr", criant et tapant du poing lors d'un discours plein de colère diffusé mardi par la télévision d'Etat libyenne.
Il s'exprimait depuis un pupitre installé dans un bâtiment éventré qui semble être son ancienne résidence à Tripoli, bombardée par les Etats-Unis dans les années 1980 et laissée depuis telle quelle en signe de défiance.
Le colonel Kadhafi est arrivé au pouvoir après avoir renversé le 1er septembre 1969 le roi Idriss. En 1977, il avait proclamé la "Jamahiriya" -qu'il définit comme un "Etat des masses" qui gouvernent par le biais de comités populaires élus- s'attribuant le seul titre de "Guide de la révolution".
"Bain de sang" à Tripoli, bombardements à Benghazi
Mardi matin, les milices pro-Kadhafi circulaient dans Tripoli, appelant par haut-parleurs les quelque deux millions d'habitants à rester chez eux. Dans le camp des opposants, la tendance était toujours à la mobilisation, notamment sur la place Verte. Mais des témoins dans plusieurs quartiers rapportaient que les milices pro-gouvernementales semaient la terreur en mitraillant des maisons pour terrifier la population. Quant aux informations en provenance de Libye, elles restent fragmentaires et les liaisons - téléphoniques notamment - des plus aléatoires.
Reste que les témoignages semblent confirmer l'état de tension qui règne sur place. Des Jordaniens ayant fui la Libye ont fait état d'un "bain de sang" à Tripoli et de la présence en ville d'hommes armés venus d'autres pays d'Afrique pour semer la terreur.
Les combats auraient cependant cessé dans la deuxième ville du pays, Benghazi, foyer de la contestation, désormais aux mains des insurgés. Mais les habitants craignaient des bombardements aériens.
Les Européens rapatriés, les Suisses dans l'inconnue
Ce climat d'insécurité qui pousse les pays européens à rappeler leurs ressortissants résidants en Libye. Lundi soir, l'armée autrichienne a été la première à organiser un vol au départ de Tripoli à destination de Malte. Mardi, ont suivi le Portugal, l'Italie, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Ukraine ou encore la Grèce.
La Suisse, pour sa part, n'entend pas procéder à une telle opération d'évacuation. Ce scénario n'est toutefois pas écarté "en cas de forte dégradation de la situation sécuritaire" dans le pays. Pour l'heure, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) conseille aux Suisses de ne pas se rendre en Libye et à ceux qui résident dans le pays de s'en aller, "pour autant que cela soit possible et sûr".
Quarante-six Suisses - dont 40 double-nationaux - sont immatriculés à l'ambassade de Suisse à Tripoli, qui est en contact constant avec eux. Le DFAE ne dispose d'aucune information selon laquelle ils auraient été touchés par les violences.
"Génocide"
La communauté internationale a réagi aux violences perpétrées par le gouvernement libyen contre son propre peuple. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir ce mardi pour discuter de la crise en Libye, a déclaré le secrétaire général de l'organisation, Ban Ki-moon. Ce dernier a précisé qu'il avait parlé avec le Mouammar Kadhafi. "Je l'ai exhorté à respecter totalement les droits de l'homme, la liberté de rassemblement et de parole", a-t-il confié.
Des diplomates libyens commencent à leur tour à "lâcher" le colonel Kadhafi, en démissionnant par exemple L'ambassadeur adjoint de la Libye à l'ONU a même déclaré que le leader était coupable de "génocide" contre son propre peuple et devait "partir le plus vite possible".
MAROC: Discours de fermeté du roi Mohammed VI
La police a dispersé avec fermeté lundi soir une cinquantaine de jeunes manifestants qui voulaient organiser un sit-in à Rabat pour réclamer des réformes politiques. Le ministère de l'Intérieur a fait état de manifestations dans 53 villes et agglomérations du pays réunissant en tout 37'000 personnes. Les organisateurs ont évoqué quant à eux 300'000 participants dans tout le royaume.
Dans un discours prononcé lundi soir, le roi Mohamed VI a déclaré qu'il ne céderait pas à "la démagogie et à l'improvisation". Il a ajouté que l'édification d'une véritable démocratie devrait aller de pair avec un développement humain durable. Mohamed VI a aussi redit son attachement à des réformes "structurantes", mais dans le cadre du "modèle marocain".
YEMEN: La révolution s'étend au nord
Des accrochages, qui ont opposé des partisans du président Ail Abdallah Saleh à des manifestants réclamant son départ, ont fait cinq blessés mardi à Sanaa. Quelque 4000 contestataires, qui campaient sur une place devant l'université, ont tenté sans succès de s'approcher d'une place où se rassemblaient des pro-régime.
La vague de contestation a gagné lundi le nord du pays, où des dizaines de milliers de chiites ont participé à Saada à une manifestation demandant la chute du président Ali Abdallah Saleh, selon les organisateurs appartenant à cette minorité religieuse.
BAHREÏN: L'opposition se mobilise
Des centaines de manifestants campaient mardi dans le centre de Manama rejetant les concessions du pouvoir. Aucune présence des forces de l'ordre n'était visible en milieu de journée près de la place de la Perle dans le centre de Manama, rebaptisée place de la Libération, occupée depuis samedi par les manifestants. Ils en avaient été chassés par la force le 17 février.
Dominée par les chiites, l'opposition à la monarchie sunnite, au pouvoir dans ce petit royaume depuis plus de deux siècles, a appelé à une manifestation de masse et ses dirigeants espèrent pouvoir mobiliser au moins 100.000 personnes.
Lundi soir, le roi de Bahreïn Hamad ben Issa Al-Khalifa a ordonné la libération de détenus chiites, une des revendications de l'opposition, et de surseoir aux poursuites judiciaires contre d'autres prisonniers politiques. Le prince héritier de Bahreïn, cheikh Salman ben Hamad Al-Khalifa, chargé du dialogue avec l'opposition s'est engagé de son côté à des "réformes réelles, et non de façade".
TUNISIE: Extradition de l'épouse de Ben ali demandée
La Tunisie a officiellement réclamé lundi à l'Arabie saoudite l'extradition de Leïla Trabelsi, l'épouse du président déchu Ben Ali, et engagé la bataille de la dissolution du puissant Rassemblement constitutionnel démocratique, RCD, le parti de l'ex-dirigeant.
Les autorités ont en outre annoncé l'arrestation de l'assassin du prêtre polonais retrouvé égorgé vendredi près de Tunis: il s'agit d'un menuisier tunisien qui travaillait dans l'école où le religieux a été découvert mort.
agences/vkiss/jeh
Un premier bilan officiel de 300 morts
Les violences qui ont accompagné la révolte contre le régime libyen ont fait 300 morts - 242 civils et 58 militaires -, selon un tableau présenté mardi soir avant une conférence de presse de Seif al-Islam Kadhaf, fils et successeur pressenti du Guide de la révolutioni.
Près de la moitié des victimes ont été recensées à Benghazi, deuxième ville du pays à 1000 km à l'est de Tripoli et foyer de l'insurrection.
Il s'agit des premiers chiffres officiels sur les victimes de la révolte populaire.
Manifestations à Lausanne
Une centaine de personnes ont participé mardi soir à Lausanne à une manifestation de solidarité avec le monde arabe. Elles ont tout particulièrement dénoncé la barbarie actuelle en Libye.
"Kadhafi, ça suffit ", Kadhafi assassin, ont scandé les manifestants.
"Stop aux massacre d'innocents", "Vive la liberté dans l'espace arabe", pouvait-on lire sur les banderoles.
La manifestation était organisée par des citoyens du Maghreb.