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La crise en Libye fait trembler l'Italie

La révolte libyenne menace les liens économique tissés ces dernières années entre Rome et Tripoli.
La révolte libyenne menace les liens économique tissés ces dernières années entre Rome et Tripoli.
L'Italie craint de voir affluer entre 200 à 300'000 migrants de Libye, selon l'un des scénarios étudiés mardi soir lors d'une réunion interministérielle sous la présidence du chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui s'est entretenu par téléphone avec Mouammar Kadhafi.

Le Palais Chigi, siège de la présidence du Conseil, a annoncé cet entretien avec le chef de la Jamahiriya libyenne dans un communiqué, sans plus de précision.

Selon l'agence Ansa, au cours de cette conversation qui a duré une vingtaine de minutes après l'intervention télévisée du leader libyen, Silvio Berlusconi a réaffirmé la nécessité d'une solution pacifique sous le signe de la modération pour éviter que la situation ne dégénère en guerre civile.

Le leader libyen aurait, lui, assuré au Cavaliere que "la situation allait bien dans le pays", selon l'agence de presse officielle libyenne JANA.

Prudence de mise

Samedi, alors que tombaient les premières victimes en Libye, Silvio Berlusconi avait affirmé qu'il "ne voulait pas déranger" Mouammar Kadhafi.

Lundi à Bruxelles, son ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, a plaidé pour la retenue, expliquant que l'Europe ne devait pas "exporter la démocratie". Et ce n'est qu'en soirée que le Cavaliere a condamné "l'utilisation inacceptable de la violence contre la population".

Rome craint une nouvelle vague de migrants

Rome craint également un afflux massif de migrants clandestins. Elle a conclu un accord avec Tripoli en 2008 qui prévoyait notamment la reconduite de migrants en Libye, et a permis, selon les autorités italiennes, de réduire de plus de 90% les débarquements de clandestins en Italie.

Selon l'un des scénarios étudiés mardi soir, il y aurait un risque de voir affluer jusqu'à 200 à 300'000 immigrés.

Par ailleurs, plusieurs navires de la Marine italienne sont en route pour la Libye et pourraient servir à l'éventuel rapatriement de ressortissants italiens, a indiqué l'agence Ansa citant des sources gouvernementales.

Selon ces sources, les navires resteraient à quelques heures des côtes libyennes, prêtes à devenir immédiatement opérationnelles.

Quelque 400 Italiens ont été rapatriés de Libye à bord de deux avions de ligne, a déclaré mardi soir le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini, ajoutant que 160 ressortissants italiens résidant hors de Tripoli étaient encore en attente de partir. Le nombre de citoyens italiens résidant en Libye est évalué à 1500.

La réunion réunissant autour du chef du gouvernement six ministres - Défense, Affaires étrangères, Intérieur, Développement économique, Travail et Emploi, Transport et Infrastructures - ainsi que le secrétaire d'Etat chargé des services secrets, est destinée à faire face aux conséquences politiques et économiques de la crise libyenne.

Une menace pour les entreprises italiennes

Les liens économiques entre l'Italie et la Libye se sont resserrés en 2008 avec la signature d'un accord historique dans le cadre duquel Rome s'est engagé à verser cinq milliards de dollars pendant 25 ans à Tripoli au titre de dédommagements pour la colonisation.

Les entreprises italiennes ont depuis obtenu de nombreux contrats en Libye tandis que Tripoli s'est renforcé dans le capital d'entreprises italiennes grâce à ses "pétrodollars" (voire encadré).

afp/jeh

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Les patrons transalpins sous pression

Les violences en Libye "nous inquiètent beaucoup", a déclaré mardi la patronne des patrons italiens, Emma Marcegaglia, demandant au gouvernement de "prendre position" afin d'aider à mettre fin à ce "génocide" et de défendre les intérêts des entreprises de la Péninsule.

"Je réaffirme qu'il est maintenant important que le gouvernement italien prenne une position, protège les intérêts des entreprises italiennes sur place et agisse afin de mettre fin à ce génocide", a-t-elle ajouté.

Plusieurs entreprises italiennes comme le groupe pétrolier ENI, le groupe de construction Impregilo ou le groupe d'aéronautique et de défense Finmeccanica ont rapatrié leurs salariés de Libye.

Les violences ont amené par ailleurs ENI à suspendre certaines de ses activités de production en Libye et à interrompre la fourniture de gaz libyen à travers le gazoduc Greenstream, unique pont gazier entre la Libye et l'Europe.