Interrogé par la chaîne satellitaire Al-Arabiya au 12e jour d'une révolte sans précédent, Seif Al-Islam, fils du colonel Mouammar Kadhafi et longtemps présenté comme son successeur probable, a estimé que la situation était "excellente" dans les trois-quarts du pays.
Rues désertiques
"L'incitation vient de l'étranger même s'il y a une volonté intérieure de changement", a toutefois reconnu Seif Al-Islam. Alors que la région orientale pétrolifère est aux mains de l'opposition armée qui met en place une nouvelle administration, les rues de la capitale étaient quasi-désertes.
Seuls circulaient, à bord de 4X4, des miliciens armés loyaux au colonel Kadhafi, au lendemain de tirs contre des manifestants dont six au moins ont péri, selon un témoin. Les habitants s'aventurent parfois dans les rues pour acheter du pain ou se rendre dans les stations-service. Les hôtels de luxe ont fermé ou ont évacué leur personnel.
Distribution d'armes
Après le discours de M. Kadhafi la veille à Tripoli appelant ses partisans à s'armer pour attaquer les opposants, "des rumeurs avaient circulé sur une attaque possible des hommes du leader libyen". "Mais la nuit a été calme", selon un habitant. Ce témoin, qui dit être en contact avec d'autres Libyens dans plusieurs villes du pays, a aussi affirmé que les partisans de Kadhafi tentaient de rallier les gens en leur promettant une kalachnikov et 150'000 dinars (110 francs).
A 120 km à l'ouest de la capitale, la situation est toujours tendue à Zouara. Les forces pro-Kadhafi, qui ont disparu des rues, contrôlent toujours la cité en l'encerclant, a-t-il indiqué. Plus à l'Est, des "mercenaires" à la solde du régime ont été héliportés à Misrata, la troisième ville du pays, et ont ouvert le feu sur le bâtiment abritant la radio locale et sur des manifestants qui se rendaient aux funérailles de victimes des jours de combats de ces derniers jours, a constaté un habitant, partisan de l'opposition.
Coordination chez l'opposition
A Benghazi, fief de l'opposition à 1000 km à l'est de la capitale, l'opposition continuait de s'organiser. "Nous coordonnons les comités des villes libérées et de Misrata. Nous attendons que Tripoli en finisse avec le régime de Kadhafi et ensuite, nous travaillerons à un gouvernement de transition", a déclaré Abdelhafiz Ghoqa, le porte-parole de la "Coalition révolutionnaire du 17 février". "Il y a des volontaires qui partent tous les jours pour Tripoli" pour se battre, a-t-il ajouté.
Sur le plan international, la pression s'accentuait. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunissait pour la deuxième journée consécutive pour tenter d'imposer des sanctions sévères. Un projet de résolution évoque des sanctions telles qu'un embargo sur les armes, un autre embargo sur les voyages du colonel Kadhafi et un gel de ses avoirs. Il avertit en outre Mouammar Kadhafi que les violences pourraient être considérées comme des crimes contre l'humanité. Le bilan des violences restait difficile à évaluer samedi. Le secrétaire général de l'ONU a parlé d'un millier de morts.
Obama gèle les avoirs Kadhafi
Vendredi, le président américain Barack Obama a signé un décret gelant les avoirs aux Etats-Unis du colonel Kadhafi et de ses quatre fils. Par ailleurs, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a indiqué que les Etats-Unis soutenaient "fermement" la création d'une commission d'enquête indépendante réclamée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur les exactions commises par le régime de Kadhafi et la suspension de la Libye de ses rangs.
Barack Obama a aussi déclaré samedi que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi devait "partir maintenant" car il avait perdu la légitimité pour rester au pouvoir, selon un communiqué de la Maison Blanche.
La France a elle appelé samedi les opérateurs financiers à signaler tout mouvement suspect autour des avoirs du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et de ses proches, a annoncé la cellule anti-blanchiment du ministère de l'Economie et des Finances, Tracfin.
Critiqué à l'étranger, attaqué de toutes parts par une opposition armée qui contrôle désormais plusieurs villes, le pouvoir libyen semblait de plus en plus isolé. Il a été lâché par ses pairs arabes et plusieurs diplomates et proches, dont Kadhaf al-Dam, conseiller et cousin de M. Kadhafi.
Evacuations difficiles
Face au chaos, les évacuations des différents ressortissants étrangers continuaient dans des conditions difficiles. La Grande-Bretagne a annoncé la fermeture provisoire de son ambassade en Libye et le départ de son personnel diplomatique. Deux avions de transport militaire britanniques ont en outre évacué plus de 150 civils dans le désert libyen, a indiqué Londres. La Chine a annoncé avoir évacué près de 16'000 de ses ressortissants de Libye vers la Grèce, la Tunisie, l'Egypte et Malte.
Plus de 38'000 personnes, essentiellement des Tunisiens et des Egyptiens, ont aussi fui la Libye vers la Tunisie par le principal point de passage frontalier de Ras Jedir depuis le début de l'exode le week-end dernier, a indiqué à l'AFP la protection civile. Depuis le début "18'000 Tunisiens, 15'000 Egyptiens, 2'500 Libyens, 2'500 Chinois, les autres étant d'autres nationalités" ont franchi la frontière, a déclaré le colonel Malek Mihoub de la protection civile.
agences/mej/jzim
Kadhafi lâché par Berlusconi
"Il semble que Mouammar Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye", a affirmé samedi à Rome le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, son plus fidèle soutien en Europe. Il s'exprimait lors d'un rassemblement politique.
"Si nous sommes tous d'accord, nous pouvons mettre fin au bain de sang et soutenir le peuple libyen", a déclaré le président du Conseil. "J'ai eu des nouvelles fraîches il y a quelques minutes et il apparaît effectivement que Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye", a-t-il dit.
Silvio Berlusconi était jusqu'ici resté discret dans ses condamnations de la violence en Libye.
Mouammar Kadhafi ne contrôle plus, selon les derniers témoignages sur place, que les villes de Tripoli et Syrte.
"L'Europe et l'Occident ne peuvent pas rester spectateurs de ce processus, et nous, en premier lieu, ne le pouvons pas", a encore dit Silvio Berlusconi. "Les évènements des dernières semaines affectent nos relations commerciales, notre approvisionnement énergétique et notre sécurité", a-t-il ajouté.
L'Italie a des liens économiques forts avec la Libye, qui fournit à Rome un quart de son pétrole et 12% de ses importations de gaz.
La Suisse envoie deux équipes d'aide
La Suisse a envoyé deux équipes d'aide humanitaire, l'une à la frontière entre l'Egypte et la Libye, l'autre à la frontière entre la Tunisie et la Libye.
Les deux teams doivent notamment étudier les besoins sur le terrain et engager les premières mesures d'urgence.
Les nombreuses personnes qui ont fui les troubles et les violences en Libye et qui arrivent en Egypte ou en Tunisie ont besoin de soutien, a souligné samedi le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué.
"La Suisse entend apporter sa contribution au soulagement des souffrances de ces personnes", a ajouté le DFAE.