"La création d'un Conseil national indépendant a été annoncée dans toutes les villes libérées de Libye par la révolution du 17-Février", a déclaré Abdelhafez Ghoqa à Benghazi, deuxième ville du pays et fief de la contestation. Cet organe sera "le visage de la Libye pendant la période de transition", a-t-il dit, ajoutant que les consultations se poursuivaient à propos de sa composition et de ses attributions.
Samedi, l'ancien ministre de la Justice Moustapha Abdeljalil, qui a démissionné lundi dernier, avait déclaré à la chaîne Al-Jazira qu'un gouvernement de transition serait formé pour diriger le pays avant des élections. "Les conseils de chaque ville fonctionnent et il est hors de question de diviser la Libye en nord, sud, ouest ou est, ou sur des bases tribales.
Le Conseil est à Benghazi parce que c'est une ville libérée", a ajouté Abdelhafez Ghoqa, réaffirmant que Tripoli était la capitale de la Libye. Le reste de la Libye sera libéré par le peuple libyen", a-t-il dit, récusant "toute ingérence ou opération militaire étrangère". "Nous comptons sur l'armée pour libérer Tripoli", a-t-il indiqué.
Etats-Unis prêts à toute forme d'aide
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a affirmé que les Etats-Unis étaient "prêts" à fournir "toute forme d'aide", tout en se montrant prudente sur l'évolution de la situation alors que le colonel Kadhafi ne montrait aucun signe de vouloir abandonner le pouvoir qu'il détient depuis près de 42 ans.
Un de ses fils, Seif Al-Islam, longtemps présenté comme son successeur probable, a pourtant affirmé samedi soir que la situation était "excellente" dans les trois quarts du pays, tout en reconnaissant une "volonté intérieure de changement" exprimée par des manifestants selon lui "manipulés par l'étranger".
A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une série de sanctions sévères contre le dirigeant libyen et ses proches. Mais rien ne dit qu'un gel des avoirs du clan Kadhafi à l'étranger, une interdiction de voyager et un embargo sur les ventes d'armes à la Libye suffiront à infléchir la politique de répression du "Guide de la révolution" libyenne.
Appels au départ de Kadhafi
Le président américain Barack Obama a souligné que Mouammar Kadhafi avait perdu toute légitimité et qu'il devait "partir maintenant". L'opposition armée contrôle l'est du pays, mais la situation est plus confuse concernant les villes proches ou entourant Tripoli.
Angela Merkel a elle aussi appelé dimanche au départ du "despote" libyen, tout en se félicitant du vote du Conseil de sécurité à son encontre. "Il est grand temps qu'il parte", a-t-elle affirmé dans un communiqué. "La décision unanime du Conseil de sécurité de l'ONU est un signal fort à Kadhafi et aux autres despotes que les atteintes aux droits de l'Homme ne seront pas ignorées", a affirmé la chancelière.
La cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton a elle prévenu que la répression en Libye aura "des conséquences" pour les dirigeants du pays, sans appeler clairement toutefois au départ de Mouammar Kadhafi. Enfin, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a lui fait part à son homologue libyen Moussa Koussa de sa condamnation de l'usage de la force.
Londres gèle les avoirs
Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a pour sa part annoncé dimanche que Londres avait retiré leur immunité diplomatique à Moammar Kadhafi et à sa famille, et a demandé au dirigeant libyen de quitter le pouvoir.
Londres a également annoncé le gel des avoirs en Grande-Bretagne de Moammar Kadhafi et des membres de sa famille, comme le prévoit la résolution adoptée samedi soir par le Conseil de sécurité des Nations unies.
D'après les évaluations de Londres, le colonel Kadhafi possède environ 32,2 milliards de dollars, en liquidités, principalement à Londres, selon le journal The Telegraph. Le leader libyen posséderait également à Londres une maison estimée à 10 millions de livres (15 millions de francs).
Journalistes en visite
A Zawiyah, à 60 km à l'ouest de la capitale, les autorités qui organisaient un voyage de presse pour des journalistes "invités" par le régime, ont eu la mauvaise surprise de voir des milliers de manifestants défiler, en scandant "à bas le régime, nous voulons la liberté". Selon des témoins, les manifestants anti-Kadhafi semblaient contrôler la ville.
De nombreux opposants étaient armés et certains d'entre eux ont tiré en l'air lors de la manifestation. Les services de sécurité n'étaient pas visibles dans la ville où les journalistes ont été emmenés par l'organisme officiel chargé de la presse, à la suite des combats qui s'y étaient déroulés jeudi, faisant plus de 35 morts, selon la Ligue libyenne des droits de l'Homme.
Le calme semble régner à Tripoli
A Tripoli, seuls circulaient les miliciens du colonel Kadhafi, à bord de 4X4. Des postes de contrôle ont été mis en place dans et autour de la capitale, où le pain et l'essence étaient rationnés, selon un habitant joint par téléphone.
"Il n'y a pas de tirs. Le moral est bon. Certains jeunes veulent organiser une manifestation (...) mais nous sommes contre, parce que s'il y a d'autres manifestations, Kadhafi continuera de nous tuer", a-t-il assuré. Dans le quartier d'Al-Tajoura, les opposants étaient invités à crier "Dieu est grand" sur les toits en signe de protestation contre le régime.
En revanche, des foules faisaient la queue devant les banques pour retirer les 500 dinars (environ 400 dollars ou 300 euros) promis aux familles par le gouvernement. Cette mesure, annoncée vendredi, a été relayée par SMS dans les quartiers les plus fidèles au régime.
Cent mille personnes ont déjà fui
Face au chaos, les évacuations des différents ressortissants étrangers continuaient dans des conditions difficiles. Près de 100'000 personnes, majoritairement des travailleurs égyptiens et tunisiens, ont déjà quitté le pays via les frontières tunisienne et égyptienne.
"Plus de 51'000 personnes de différentes nationalités ont été rapatriées depuis le 21 février à ce jour", a d'autre part déclaré à la presse le directeur de l'aéroport de Tripoli Youssef al-Jarbi. "La Chine à elle seule a rapatrié 18'000 et un nombre similaire se trouve encore en Libye".
agences/jzim
Embargo sur les armes
Parmi les sanctions adoptées samedi par les quinze Etats membres du Conseil de sécurité figurent notamment un embargo sur la vente d'armes et de matériels connexes à la Libye et une interdiction de voyager sur le sol des Etats membres concernant seize personnes, dont Mouammar Kadhafi, sept fils et sa fille et des personnes intimement liées au régime.
Le Conseil de sécurité a décidé de transférer au procureur à la Cour pénale internationale (CPI) "la situation en Libye depuis le 15 février" et demande aux autorités libyennes de "coopérer pleinement" avec le tribunal.
Cette mesure a fait l'objet de longues discussions entre les Etats membres, certains ayant soulevé des objections, selon des diplomates. Les membres du Conseil demandent par ailleurs la fin immédiate des violences et que des mesures soient prises pour répondre aux aspirations légitimes du peuple libyen.
Le vote a eu lieu en présence du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Ce dernier a déclaré que la résolution "envoie un message fort sur le fait que les crimes ne seront pas tolérés". "J'espère que le message sera entendu" à Tripoli, a-t-il dit.
Le projet de saisir la CPI pour crimes contre l'humanité ne faisait toutefois pas l'unanimité. Selon des diplomates, la Chine, la Russie, l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et le Portugal avaient soulevé des objections.
Une résolution sans valeur, a dit Kadhafi sur une TV serbe
La résolution du Conseil de sécurité de l'ONU imposant des sanctions à l'encontre de Tripoli est "sans valeur", a estimé le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi dans une déclaration téléphonique accordée à la chaîne de télévision serbe Pink TV et diffusée dimanche soir.
"Comment est-il possible que le Conseil de sécurité adopte une résolution basée sur des articles des agences de presse étrangères? C'est inacceptable et contraire au sens commun", a poursuivi le dirigeant libyen.
Il a également assuré que son pays était "complètement calme" et accusé al-Qaïda d'être à l'origine des "bandes terroristes" qui ont fait des victimes, et précisé qu'un "petit groupe" d'opposants était actuellement "encerclé". "Mais nous réglerons cela", a-t-il aussitôt ajouté, en assurant que "le peuple libyen se tenait totalement derrière lui".
Le dirigeant libyen s'exprimait en arabe et ses propos étaient traduits en serbe par la chaîne. Sa déclaration a duré une dizaine de minutes.
Pink TV est une chaîne de télévision privée serbe, appartenant à l'homme d'affaires Zeljko Mitrovic. Selon la presse serbe, Zeljko Mitrovic a fourni son jet privé à l'ancien président yougoslave (1993-97), Zoran Lilic, pour se rendre à Tripoli. C'est lui qui aurait aidé Pink TV à obtenir une interview du colonel Kadhafi.