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Kadhafi tente de reprendre la main sur le terrain

Une grande manifestation "de la victoire" a été organisée par les pro-Kadhafi à Tripoli. [Chris Helgren]
Une grande manifestation "de la victoire" a été organisée par les pro-Kadhafi à Tripoli. - [Chris Helgren]
Le régime libyen tentait de reprendre la main dimanche, avec des raids aériens contre les insurgés et des manifestations de "victoire" à Tripoli. Il a affirmé avoir reconquis plusieurs villes, élément que l'insurrection dément bien qu'elle admette avoir cédé du terrain.

Au 20e jour d'insurrection, le colonel Mouammar Kadhafi s'est dit favorable à l'envoi d'une commission d'enquête "des Nations unies ou de l'Union africaine" pour évaluer la situation. Il a également brandi les spectres d'Al-Qaïda et d'une immigration massive en Europe.

La révolte prend désormais des allures de guerre civile et la télévision d'Etat libyenne a annoncé que des forces fidèles au colonel Kadhafi étaient en route vers Benghazi, fief de l'opposition à près de 1000 km à l'est de Tripoli.

Mouammar Kadhafi réaffirme que les troubles sont fomentés par Al Qaïda.
Mouammar Kadhafi réaffirme que les troubles sont fomentés par Al Qaïda.

L'armée libyenne a déjà tenté ces derniers jours de lancer une contre-offensive pour stopper la progression des insurgés, bombardant Ajdabiya et Brega, à l'ouest de Benghazi.

Trois manifestations

 Mais l'insurrection, un mélange de jeunes sans réelle expérience du combat et de militaires ralliés à l'opposition, a malgré tout réussi à avancer jusqu'à la ville pétrolière de Ras Lanouf, à 300 km au sud-ouest de Benghazi.

La télévision d'Etat a affirmé dimanche que le gouvernement avait repris le contrôle de Ras Lanouf, de Tobrouk (est) et de Misrata (ouest). Elle a diffusé des images de "manifestations de joie" à Tripoli, Syrte, la ville natale du colonel Kadhafi, et Sebha (sud).

Mais les insurgés ont immédiatement contesté la reprise des trois villes. Selon des journalistes de l'AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était toujours contrôlée dimanche matin par les opposants.

Dans la matinée, les forces pro-Kadhafi ont toutefois mené deux raids, sur un camp de rebelles et sur un poste de contrôle, apparemment sans faire de blessés.

Deux tués dimanche

A Ras Lanuf, les rebelles tentent de maintenir leur position. [AFP - Marco Longari]
A Ras Lanuf, les rebelles tentent de maintenir leur position. [AFP - Marco Longari]

En revanche, des combats ont forcé les insurgés à se retirer deux fois de Ben Jawad, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Ras Lanouf et d'où ils avaient espéré une avance jusqu'à Syrte, ville natale du numéro un libyen, une centaine de kilomètres plus à l'ouest.

Selon un médecin, les combats ont fait deux tués et une trentaine de blessés, dont un journaliste français. Un combattant a déclaré que les forces de Mouammar Kadhafi tiraient à la mitrailleuse et lançaient des grenades RPG. Prié de décrire ce qu'il avait vu, il a répondu: "La mort".

A Misrata, 3e ville du pays à 150 km à l'est de Tripoli, un habitant et un insurgé ont déclaré que la ville était contrôlée par l'insurrection, mais qu'une offensive gouvernementale à l'arme lourde était en cours.

Des partisans du régime ont manifesté à Tripoli. [REUTERS - Ahmed Jadallah]
Des partisans du régime ont manifesté à Tripoli. [REUTERS - Ahmed Jadallah]

Dans la capitale Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour célébrer la "victoire". Soldats, policiers et miliciens ont tiré en l'air en signe de joie. "Nous avons gagné, Al-Qaïda est parti", affirmait un soldat.

Dans le centre, 4000 à 5000 partisans de Mouammar Kadhafi se sont rassemblés sur la place Verte. En soirée, la télévision d'Etat a accusé les insurgés d'utiliser des "boucliers humains", alors que l'ONU a demandé un "accès urgent" aux victimes des bombardements à Misrata.

Près de 200 000 déplacés

Dimanche, la France a salué le Conseil national créé le 27 février. En visite au Caire, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a toutefois estimé qu'une intervention militaire aurait des "effets négatifs".

La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a quant à elle qualifié les actes du régime libyen de "crimes contre l'humanité", dans un entretien accordé dimanche à la TSR. Pour elle, la place du colonel Kadhafi est à La Haye, devant la Cour pénale internationale.

L'UE a annoncé l'envoi d'une mission pour évaluer les besoins humanitaires.

Une délégation britannique, comptant au moins un diplomate et des militaires, a quitté la Libye après avoir été retenus pendant plusieurs jours par les insurgés qui ont refusé avec ses membres.

Plus de 191'000 personnes ont fui à ce jour les violences et environ 10'000 personnes déplacées se dirigeaient vers la frontière égyptienne, selon l'ONU.

Etats-Unis: intervenir ou pas?

La prudence des Etats-Unis vis-à-vis d'une éventuelle opération militaire contre la Libye rappelle un autre débat qui avait fait rage au sein de l'administration américaine dans les années 1990 à propos des guerres en ex-Yougoslavie.

Comme pendant les guerres en Bosnie et au Kosovo, des sénateurs américains prônent une intervention aérienne pour venir en aide aux populations tandis que le Pentagone met en garde contre les risques d'une telle action.

D'autant que l'enjeu stratégique dans cette zone riche en pétrole est important pour Washington, dont une intervention pourrait attiser le sentiment anti-américain des populations arabes, relève Richard Fontaine.

agences/ther

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