L'enceinte de confinement du réacteur n° 2 de la centrale de Fukushima au Japon "n'est plus étanche" après une explosion, a déclaré mardi à la presse le président de l'Autorité française de sûreté nucléaire. L'agence a en outre déclaré que l'accident passait du niveau 4 au niveau 6 sur 7 de l'échelle de gravité, le plaçant entre les catastrophes de Three Mile Island (niveau 5) et Tchernobyl (niveau 7). Un surclassement que ne confirme cependant pas encore l'Agence de sécurité nucléaire japonaise (ASN).
Deux brèches de huit mètres de large sont en outre apparues dans l'enceinte extérieure du bâtiment du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Fukushima à la suite d'une explosion survenue mardi, annonce toutefois l'ASN, qui redoute une contamination progressive de la zone. Deux techniciens sont aussi portés disparus, a annoncé mardi soir l'ASN, sans préciser leur identité.
Selon l'AFP, un nouvel incendie s'est déclaré mercredi (heure locale) au réacteur 4.
"Une apocalypse"
Le commissaire européen à l'Energie, Günther Oettinger, a parlé d'"apocalypse" et estimé que les autorités locales avaient pratiquement perdu le contrôle de la situation à Fukushima. "Pratiquement tout est hors de contrôle", a-t-il dit, ajoutant : "je n'exclus pas le pire dans les heures et les jours à venir".
Plus tôt dans la journée, des substances radioactives ont déjà été libérées directement dans l'atmosphère à la suite de l'incendie déclaré cette nuit dans ce même réacteur. "Les autorités japonaises ont informé que le bassin du combustible usé du réacteur nucléaire 4 de la centrale de Fukushima était en feu et que de la radioactivité était en train d'être libérée directement dans l'atmosphère", a précisé l'agence dans un communiqué.
Le niveau de radioactivité dans la salle de contrôle de ce réacteur est devenu trop élevé pour que les ingénieurs puissent y effectuer un travail normal, rapporte l'agence de presse Kyodo. Ils ne pourront injecter de l'eau que dans deux ou trois jours.
Les incidents dans le réacteur n°4 sont potentiellement plus dangereux que ceux déjà survenus sur les réacteurs n° 1, 2 et 3 de la centrale, située à 240 km au nord de Tokyo, car le bassin de combustible usagé n'est pas protégé par une double épaisseur de béton et d'acier comme le coeur d'un réacteur.
Tous les réacteurs atteints
Ces accidents (lire la chronologie en encadré) sont la conséquence des opérations d'urgence lancées après la panne des systèmes de refroidissement des réacteurs provoquée par le tsunami ayant suivi le séisme de magnitude 9, le plus fort jamais enregistré au Japon.
Depuis, la centrale, construite dans les années 1970, a été totalement mise à l'arrêt et Tepco injecte de l'eau de mer pour refroidir les réacteurs, un processus qui conduit à des rejets radioactifs. Ce qui n'a pas empêché une légère hausse de température d'être également mesurée dans les réacteurs 5 et 6, jusqu'alors épargnés.
Le Premier ministre japonais, Naoto Kan, a annoncé auparavant que le niveau de radiations avait "considérablement augmenté" à la centrale nucléaire de Fukushima. Même s'il a légèrement baissé depuis, il a appelé les personnes habitant dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale, endommagée par le séisme de vendredi, à rester calfeutrées chez elles. Cette mesure s'ajoute à l'évacuation, ordonnée samedi, des plus de 200'000 personnes résidant à proximité de cette centrale située au bord de la mer.
Panique à Tokyo
A Tokyo, les autorités ont déclaré que le niveau de radiation était mardi dix fois plus élevé que la normale, ce qui ne constitue pas un risque pour la santé. Les 35 millions d'habitants du grand Tokyo n'ont pas besoin de prendre des précautions particulières, a rassuré le gouvernement.
Mais les habitants de Tokyo se sont tout de même rués dans les magasins pour acheter des vivres et des produits de première nécessité, comme des bougies ou des sacs de couchage. La panique a également touché la Bourse de Tokyo, qui a perdu 10,55% à la clôture mardi, ainsi que les places européennes et américaines.
Des ambassades ont recommandé à leur personnel et à leurs ressortissants de quitter les zones touchées. La représentation suisse à Tokyo reste toutefois ouverte (lire ci-contre).
Danger pour la santé
"Contrairement à ce qui c'est passé jusqu'ici, il ne fait pas de doute que les niveaux atteints à Fukushima peuvent affecter la santé des êtres humains", a indiqué le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano. Des niveaux entre 30 et 400 millisieverts ont été relevés autour des réacteurs, a-t-il précisé. A partir d'une dose de 100 millisieverts reçue par le corps humain, les observations médicales font état d'une augmentation du nombre des cancers.
Le ministère japonais des Transports a par ailleurs instauré mardi une zone d'exclusion aérienne dans un rayon de 30 km au-dessus de la centrale.
Lundi, le gouvernement a affirmé exclure "la possibilité d'un Tchernobyl", en référence à l'accident, le pire de l'histoire du nucléaire civil, survenu en 1986 dans la centrale ukrainienne. Le Japon a cependant demandé l'aide de l'Agence internationale de l'énergie atomique et des Etats-Unis. La Commission européenne a demandé la convocation d'une réunion extraordinaire de l'AIEA la semaine prochaine à Vienne sur cet accident.
agences/vkiss/bkel
CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS A FUKUSHIMA
Vendredi à 14h46 heure locale (6H46 en Suisse), un séisme de magnitude 9,0 - le plus fort jamais enregistré au Japon - suivi par un tsunami avec des vagues de dix mètres de haut frappent le nord-est de l'archipel. Le séisme provoque l'arrêt automatique des réacteurs des centrales nucléaires situées dans les provinces proches de l'épicentre.
Malgré cette mesure, une explosion secoue samedi la centrale nucléaire de Fukushima et engendre l'effondrement du toit du bâtiment abritant le réacteur n°1. L'accident nucléaire est classé au niveau 4 (sur 7). Selon l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, "des rejets radioactifs très importants" se sont "produits simultanément à l'explosion" du bâtiment.
Deux nouvelles explosions se produisent lundi au niveau du réacteur n°3 de Fukushima, sans toutefois endommager directement le réacteur selon l'exploitant de la centrale, Tokyo Electric Power (Tepco). L'Agence japonaise de sûreté nucléaire japonaise exclut d'ailleurs un accident de type Tchernobyl dans cette centrale. Mais une panne du système de refroidissement du réacteur n°2 plus tard dans la journée provoque l'inquiétude de Tepco, qui n'exclut pas que le combustible soit un temps entré en fusion.
Deux explosions liées à la présence d'hydrogène touchent mardi les réacteurs n°2 et n°4. Jusque-là épargné, ce dernier est la proie d'un incendie, rapidement maîtrisé, mais qui crée des brèches dans l'enceinte extérieure. Une augmentation de la température est également annoncée dans les réacteurs n°5 et n°6, pourtant à l'arrêt au moment du séisme. Les six réacteurs de Fukushima ont donc subi des dommages. L'accident nucléaire est désormais classé au niveau 6 sur 7.
La radioactivité fait fuir les correspondants suisses
L'incertitude face aux accidents nucléaires au Japon n'est pas sans conséquence pour les médias suisses.
Le collaborateur du quotidien Le Temps Miguel Quintana a quitté Tokyo dans la nuit de lundi à mardi pour rejoindre Kyoto, 500 km plus à l'ouest. Le Temps compte malgré tout dépêcher un envoyé spécial à Osaka mardi soir.
La Radio Suisse Romande (RSR) compte trois envoyés spéciaux au Japon. Les journalistes Simon Matthey-Doret et Alain Arnaud, ainsi qu'un technicien, doivent assurer mercredi matin une émission en direct de l'archipel. Des avions sont déjà réservés pour les rapatrier peu après, selon Jean-Jacques Roth, directeur de l'actualité à la Radio Télévision Suisse (RTS). Alain Arnaud regagnera la Chine, son lieu d'affectation.
Georges Baumgartner, correspondant de la RSR et pigiste pour la Télévision Suisse Romande (TSR) au Japon, ne compte pas partir pour l'instant, d'après Jean-Jacques Roth. Celui-ci ajoute que la RTS informera Georges Baumgartner des dangers éventuels, mais qu'elle ne peut en aucun cas l'obliger à quitter Tokyo.
Outre-Sarine, la télévision publique alémanique Schweizer Fernsehen (SF) a recommandé à ses employés de quitter le Japon aussi vite que possible. Certains journalistes restent cependant pour l'heure sur place. C'est notamment le cas d'un employé de SF en vacances à Nagoya et d'un confrère en route pour Osaka. Un correspondant de la radio publique alémanique DRS tentait lui aussi de rejoindre Osaka, selon la porte-parole Manuela Kaech.
De même, un des correspondants du quotidien zurichois Tages-Anzeiger se dirigeait vers Osaka mardi, a annoncé Christoph Brunner, porte-parole de Tamedia.
L'ambassade suisse reste ouverte
L'ambassade suisse à Tokyo reste ouverte et son personnel demeure en place, malgré l'incertitude sur les conséquences des rejets radioactifs à la centrale de Fukushima, a indiqué mardi le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE).
"L'ambassade est en service 24 heures sur 24 avec un numéro d'appel urgent mis en place pour permettre aux ressortissants suisses de rester en contact", a souligné le porte-parole du DFAE, Pierre-Alain Eltschinger.
Environ 1890 ressortissants suisses sont enregistrés au Japon et le contact est actuellement engagé avec environ 1500 d'entre eux, a encore indiqué le DFAE. Les communications sont rendues difficiles en raison des destructions des lignes téléphoniques.