Selon le ministère de la Défense, deux hélicoptères des Forces d'autodéfense japonaises ont commencé leurs rotations à 9h48 (1h48 en Suisse), déversant environ 7'500 litres d'eau à chaque passage. Les équipages des hélicoptères se sont relayés, effectuant des missions de 40 minutes pour limiter leur exposition à la forte radioactivité, a précisé un porte-parole du ministère, Kazumi Toyama.
Les autorités japonaises ont annoncé plus tard dans la journée la suspension de ces opérations, afin d'évaluer leur efficacité. Au vu des images télévisées des premiers largages, l'eau semblait en majeure partie dispersée par le vent. Il s'agissait en particulier de refroidir le réacteur numéro trois et remplir la piscine de rétention des combustibles usés.
A défaut d'appoint d'eau, les barres de combustible risquent d'être "dénoyées", c'est-à-dire exposées directement. Dans ce cas, ces barres, à force de chauffer, pourraient fondre purement et simplement, ce qui entraînerait des rejets radioactifs bien supérieurs à ceux survenus jusqu'à présent (la situation réacteur par réacteur).
Tous les moyens sont mis en oeuvre
Les pics de radioactivité déjà atteints à la centrale représentent quelque 10'000 fois la radioactivité naturelle de l'environnement. Des responsables américains ont également pointé des risques élevés provenant du réacteur 4, où la piscine de rétention des combustibles usés serait totalement vide, d'après le président de l'Autorité de sûreté nucléaire américaine Gregory Jaczko.
Parallèlement à ces opérations par hélicoptère, des canons à eau de la police, habituellement utilisés pour des opérations de maintien de l'ordre, ont été mis en oeuvre, apparemment sans succès, pour tenter de remplir la piscine de stockage du réacteur 3.
Cette piscine, selon l'exploitant de la centrale, Tokyo Electric Power (Tepco), était quasiment vide. Des véhicules militaires spécialisés dans la lutte contre les incendies ont également été utilisés, permettant de répandre 30 tonnes d'eau selon des responsables de l'armée.
Stations de pompage toujours en panne
Les travaux continueront vendredi pour rétablir partiellement l'alimentation électrique de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima 1, selon l'Agence de sûreté nucléaire. Il s'agit de remettre en service les stations de pompage nécessaires pour remplir les piscines de refroidissement des barres de combustible.
Les équipes techniques de Tepco ont oeuvré une bonne partie de la journée de jeudi pour installer un dispositif électrique temporaire dans le but de relancer les pompes qui fournissent de l'eau au système de refroidissement des réacteurs et remplissent les piscines de stockage du combustible usé.
Cette opération n'a pu être achevée jeudi comme espéré initialement mais elle se poursuivra vendredi, a indiqué l'Agence de sûreté nucléaire citée par l'agence de presse Kyodo.
Aide internationale et "lueur d'espoir"
Le groupe nucléaire Areva et la compagnie d'électricité EDF ont affrété jeudi un avion transportant 100 tonnes d'acide borique (substance chimique permettant d'empêcher la réaction nucléaire) et du matériel de protection contre la radioactivité, a annoncé le gouvernement français.
"Le groupe nucléaire français Areva et EDF ont affrété ce jour un avion transportant près de 100 tonnes d'acide borique et du matériel de protection dont 10'000 combinaisons, 20'000 paires de gants et 3000 masques de protection", a indiqué le ministère des Affaires étrangères. L'avion partira vendredi.
Note positive, le Premier ministre François Fillon a évoqué jeudi soir une "lueur d'espoir" quant à la situation au Japon. "On a ce soir le sentiment que les quatre réacteurs sont à peu près stabilisés et n'émettent plus en tout cas de grande quantité de radiations", a souligné le chef du gouvernement sur France 2. "Il y a une lueur d'espoir. Mais il faut reconnaître que c'est dans une situation tellement critique qu'on ne peut pas encore aujourd'hui être optimiste".
Les Etats-Unis ont eux fourni 100 combinaisons de protection contre les émanations radioactives, a annoncé jeudi l'armée américaine. Au cours d'un appel au Premier ministre japonais Naoto Kan, le président Barack Obama a réaffirmé son soutien, proposant notamment d'envoyer plus d'experts nucléaires. Quelque 33 spécialistes avec près de 8 tonnes de matériel et neuf experts de l'Autorité américaine de régulation nucléaire se trouvent déjà au Japon, selon le Washington Post.
Repli conseillé par les ambassades
Devant la menace d'un accident nucléaire majeur, la plupart des ambassades ont recommandé à leurs ressortissants de s'éloigner de la zone pour se replier vers le sud, dans la région d'Osaka, ou bien de quitter le Japon. L'ambassade des Etats-Unis a fixé la zone de risque à 80 km autour de la centrale.
Les autorités nippones n'ont pour l'instant établi un périmètre de sécurité que de 30 km et le gouvernement a affirmé mercredi que les radiations au-delà de la zone d'exclusion des 20 km "ne posent pas de danger immédiat pour la santé".
La Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et l'Australie ont également conseillé à leurs ressortissants de quitter le nord et la région de Tokyo. La France, comme la Belgique et la Russie vont envoyer des avions supplémentaires afin d'évacuer les familles souhaitant quitter le pays. Washington a autorisé les familles de son personnel d'ambassade à quitter l'archipel.
Mauvaises conditions pour aider les sinistrés
Les conditions hivernales dans la région touchée par le tsunami au Japon freinent les secours à un demi-million de rescapés, a indiqué jeudi le Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU. Les difficultés de communication et le manque d'essence entravent aussi les opérations.
L'aide humanitaire aux 500'000 personnes évacuées a sensiblement augmenté, une semaine après la catastrophe, mais les conditions de vie des rescapés se sont détériorées avec l'offensive de l'hiver, a indiqué le bureau dans un rapport de situation publié à Genève.
Environ 23'000 personnes sont encore isolées sur la côte, balayée dans les régions de Mekawa et Miyagi par une vague non pas de sept mètres de haut, comme annoncé, mais de 15 mètres de haut, selon les dernières informations. De grandes quantités d'aide sont disponibles, mais la difficulté principale est de la transporter aux 430'000 personnes déplacées, ont indiqué les Nations Unies.
Etat de santé précaire en raison du froid
L'état de santé des personnes évacuées est un sujet de préoccupation croissant: 14 personnes âgées sont mortes dans la préfecture de Fukushima. Beaucoup de déplacés sont tombés malades, ont des diarrhées ou des refroidissements, en raison du manque de chauffage, de médicaments et d'eau potable. Le secteur privé a été mis à contribution pour fournir des repas dont la quantité s'est accrue: 37 entreprises japonaises ont offert 2,4 millions de repas et 300'000 litres d'eau, ont précisé les Nations Unies.
Encore 1,6 million de ménages n'ont pas d'eau courante. Le nombre d'équipes internationales de sauvetage déployées sur le terrain a baissé, après le départ de quatre équipes (dont celle de la Suisse): 637 spécialistes au sein de 14 équipes restent actifs pour la recherche d'éventuels rescapés. Toutes les équipes travaillent au-delà d'une distance de 80 kilomètres des centrales nucléaires accidentées de Fukushima.
Le bilan officiel du séisme et du tsunami s'établissait jeudi à 5178 morts et 8606 disparus. Mais dans la seule ville d'Ishinomaki, le nombre de disparus s'élèverait à 10'000, selon un responsable local.
agences/cht/jzim
Le Japon était averti selon Wikileaks
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a averti le Japon il y a deux ans qu'un séisme important pouvait poser "un problème sérieux" à ses centrales nucléaires, selon des câbles américains obtenus par le site WikiLeaks et auxquels le quotidien britannique Telegraph a eu accès.
Un câble diplomatique américain révèle qu'un expert de l'AEIA s'était inquiété de ce que les réacteurs japonais n'étaient conçus que pour résister à des séismes d'une magnitude de 7 degrés.
Selon ce document, le responsable de l'AIEA avait indiqué lors d'une réunion du Groupe sur la sûreté et la sécurité nucléaires du G8 à Tokyo, en 2008, que les critères de sécurité du Japon étaient obsolètes. "Il a expliqué que les normes concernant la sécurité nucléaire n'avaient été révisées que trois fois en 35 ans et que l'AIEA les réexamine maintenant", indiquait le câble à l'époque.
"Le responsable a également noté que des séismes récents avaient dans certains cas été au delà des limites prévues pour certaines centrales nucléaires et qu'il s'agit d'un problème sérieux qui est maintenant en train de conditionner les travaux de sécurité sismique", ajoutait le document.
Le gouvernement a répondu en construisant un centre de réponses aux urgences sur le site de Fukushima, mais la centrale était toujours conçue pour ne résister qu'à des séismes de magnitude 7.
Pas de risque alimentaire
Il n'y a pas de risque immédiat pour la santé au niveau de l'alimentation à la suite de l'accident nucléaire au Japon, a affirmé jeudi l'Organisation mondiale de la santé.
"Sur le plan intérieur, les préoccupations au niveau de l'alimentation sont limitées à la nourriture en provenance de la zone touchée autour de la centrale nucléaire de Fukushima",
L'organisation rappelle en outre que la radioactivité ne peut pas contaminer de la nourriture qui est déjà emballée. A plus long terme, par contre, il faudra éviter de consommer des produits en provenance des zones contaminées.