![Les bâtiments abritant les réacteurs 1, 3 et 4 sont ceux qui ont subi le plus de dégâts. [DigitalGlobe]](https://img.rts.ch/articles/2011/image/4q3kh9-27896093.image?w=1280&h=720 "Les bâtiments abritant les réacteurs 1, 3 et 4 sont ceux qui ont subi le plus de dégâts. [DigitalGlobe]")
Centrale nucléaire de Fukushima: les risques et mesures qui ont été prises
La centrale nucléaire de Fukushima compte six réacteurs. Trois étaient en fonction lors de la secousse et leur centre est entré en fusion à cause de l'arrêt du mécanisme de refroidissement. Un quatrième était à l'arrêt, mais une cuve remplie de combustibles s'est retrouvée à l'air libre, occasionnant des émanations radioactives. Aucun dégât n'a été constaté dans les deux derniers. Evaluation de l'état actuel de ces réacteurs, des mesures prises et des risques liés à chacun d'entre eux avec le professeur Hans Püttgen, responsable de l’Energy Center de l’EPFL.
RÉACTEUR 1
- Etat au moment du séisme: en activité.
- Puissance: 440 megawatts.
- Etat actuel: la fusion partielle d’environ 70% du coeur du réacteur a été confirmée. Le toit du bâtiment s’est effondré, mais l’enceinte de confinement est intacte, malgré une explosion. Celle-ci remonte à samedi quand l’opérateur Tepco a procédé à des rejets volontaires de vapeurs pour abaisser la pression dans le bâtiment du réacteur. Mais cette opération a provoqué une accumulation d'hydrogène qui a engendré l'explosion.
- Mesures prises actuellement: Tepco espère rétablir l'alimentation électrique, ce qui relancerait les pompes de refroidissement et accélérerait le processus. Cette mesure serait bénéfique pour tous les réacteurs de Fukushima, mais elle n'a pas pu être entreprise pour le moment. Pour l'heure, le réacteur 1 semble toutefois dans un état stationnaire, c'est-à-dire que la fusion partielle ne semble pas se poursuivre, grâce à un refroidissement suffisant et parce que ce réacteur est conçu pour dégager une puissance relativement faible (440 megawatts contre 760 ou 1100 pour les autres réacteurs).
- Risques majeurs: si l'enceinte de confinement venait à se rompre, pour une raison ou une autre, une grand quantité de vapeurs radioactives se répandrait dans l'atmosphère. En revanche, si on parvient à continuer à refroidir le réacteur, il y a bon espoir de stabiliser la situation dans ce réacteur et de parvenir à éviter les fuites.
RÉACTEUR 2
- Etat au moment du séisme: en activité.
- Puissance: 760 megawatts.
- Etat actuel: la fusion partielle d’environ 30% du cœur du réacteur a été confirmée. Mardi à l’aube, une explosion a touché la partie inférieure du bâtiment du réacteur et une piscine de rétention située à l'intérieur de l'enceinte de confinement a été endommagée. L’étendue des dégâts, notamment sur l’étanchéité de l’enceinte, reste incertaine, mais des rejets directs non-contrôlés dans l’atmosphère ont été constatés.
- Mesure prises actuellement: le refroidissement du réacteur au moyen de l'arrosage et l'examen du réacteur pour savoir si l'étanchéité est intacte.
- Risques majeurs: une augmentation de la fusion du réacteur et donc des émissions radioactives. Pour l'heure, on ignore l'état de cette fusion et on ignore si la proportion touchée augmente. Mais si on parvient à réduire la température de l'enveloppe extérieure, la température du réacteur lui-même se réduira d'elle-même. Dans le cas inverse, l'augmentation des vapeurs radioactives est inévitable.
RÉACTEUR 3
- Etat au moment du séisme: en activité.
- Puissance: 760 megawatts.
- Etat actuel: le coeur du réacteur a partiellement fondu après l’explosion de lundi. Comme pour le réacteur numéro 1, l'opérateur Tepco a procédé à des rejets volontaires de vapeurs et cette opération a provoqué une accumulation d'hydrogène puis une explosion. Le toit et certaines parois du bâtiment extérieur sont soufflés. L'enceinte de confinement a peut-être été endommagée. La piscine de stockage des combustibles serait par ailleurs quasiment vide.
- Mesures prises actuellement: l'armée concentre ses efforts sur ce réacteur et a commencé à larguer de l’eau par hélicoptère, d'une part pour refroidir le réacteur et d'autre part pour remplir la piscine de rétention des combustibles usés. Cinq camions spéciaux de l'armée ont commencé à arroser le réacteur 3 dans le même but. On ignore encore le résultat de ces interventions.
- Risques majeurs: à défaut d'appoint d'eau, les barres de combustible risquent d'être "dénoyées", c'est-à-dire exposées directement. Dans ce cas, ces barres, à force de chauffer, pourraient fondre purement et simplement, ce qui entraînerait des rejets radioactifs bien supérieurs à ceux survenus jusqu'à présent. Si l'enceinte de confinement est effectivement aussi rompue, les émanations seront encore plus importantes.
RÉACTEUR 4
- Etat au moment du séisme: à l’arrêt.
- Puissance: 760 megawatts.
- Etat actuel: après une explosion et un incendie au niveau de la piscine d’entreposage, l’ossature du bâtiment est fortement endommagée et une partie du combustible usé n’est plus recouverte. Un deuxième incendie s'est déclaré mercredi à l'aube avant de s'éteindre de lui-même. La piscine de rétention des combustibles usés serait totalement vide. Il n'y a en revanche aucune fusion en cours.
- Mesures prises actuellement: les autorités essayent de remettre le combustible sous l'eau pour empêcher des rejets radioactifs dans l'atmosphère et arrêter tout danger.
- Risques majeurs: contrairement aux réacteurs 1,2 et 3, le réacteur 4 était à l'arrêt au moment du drame et il n'a donc pas posé de problème direct en matière de sécurité, puisque les réactions étaient interrompues. En revanche, la piscine située à côté représente un risque majeur et immédiat et il faut impérativement la remplir d'eau. Si on y parvient, le danger sera écarté dans le réacteur 4.
RÉACTEURS 5 ET 6
- Etat au moment du séisme: à l’arrêt.
- Puissance: 760 megawatts pour le réacteur 5 et 1100 pour le réacteur 6.
- Etat actuel: une légère hausse de température a été mesurée mardi dans ces deux réacteurs éloignés géographiquement des réacteurs 1 à 4 et en maintenance au moment du séisme.
- Mesures prises actuellement: surveillance du site et de la température, mais les autorités se concentrent sur les quatre autres réacteurs.
- Risques majeurs: aucun risque important à court terme. Le réacteur 6 est le plus puissant de tous et le fait qu'il n'ait pas été touché dans l'immédiat est important.
AUTRES CENTRALES DU JAPON
- Pas de problèmes majeurs concernant les réacteurs des autres centrales touchées par le séisme.
Frédéric Boillat
Publié
Lexique du nucléaire
BORE: l'eau borée est un liquide de refroidissement à base de bore, qui sert à ralentir les neutrons et donc à arrêter les réactions nucléaires.
CONTAMINATION: lorsque des particules radioactives ont été inhalées ou ingérées, elles peuvent irradier l'organisme de l'intérieur pendant quelques semaines (iode 131), deux ans (césium 137) ou davantage.
DOSE EFFICACE: exprimée en sievert (Sv), elle tient compte du risque sanitaire en fonction de la nature du rayonnement et des organes concernés. Ovaires et testicules sont par exemple jugés 20 fois plus sensibles que la peau. A ne pas confondre avec le "débit de dose", exprimée en mSv par heure, qui représente la dose de rayonnements par unité de temps.
EAU BOUILLANTE: le réacteur de Fukushima est un réacteur à eau bouillante. L'eau est chauffée par la fission des atomes d'uranium. Elle se transforme en vapeur qui active un générateur produisant de l'électricité.
ENCEINTE DE CONFINEMENT: dans une centrale, les produits radioactifs sont isolés par une série de barrières physiques, sur le modèle des poupées russes: l'enceinte de confinement entoure les bâtiments et constitue la troisième barrière, après les gaines des éléments combustibles et le circuit primaire du réacteur.
FISSION: la fission nucléaire est la réaction atomique qui produit la chaleur nécessaire au fonctionnement d'une centrale.
FUSION: la fusion désigne, lors d'un accident grave dans une centrale, le moment ou le combustible se met à fondre parce qu'il n'est plus assez refroidi.
IRRADIATION EXTERNE: lorsque le rayonnement pénètre dans le corps, son énergie peut abîmer l'ADN de cellules. A fortes doses, les effets sont immédiats sur l'organisme humain. A partir de 1 sievert (1000 mSv), les rayons commencent à détruire la moelle osseuse, où se forment les cellules sanguines. A 2 ou 3 sieverts, nausées et vomissements apparaissent. A 5 sieverts, 50% des patients irradiés décèdent dans les semaines qui suivent.
PISCINES DE STOCKAGE OU DE REFROIDISSEMENT: ce sont des cuves d'environ 1000 m3 d'eau où les barres de combustible usé, très chaud et toujours très fortement radioactif, sont entreposées après avoir été extraites du réacteur. Elles y demeurent plusieurs années avant de pouvoir être manipulées. Sur les réacteurs de Fukushima, comme dans de nombreuses autres centrales dans le monde, ces piscines ne sont pas situées dans l'enceinte de confinement.