Je regrette" ces morts, que "nous considérons comme des martyrs de la démocratie", a déclaré aux journalistes le chef de l'Etat, dont les manifestants exigeaient le départ.
Il a annoncé la création d'une commission d'enquête sur les circonstances de la mort de "victimes dans toutes les villes" yéménites. Ali Abdallah Saleh a en outre annoncé que le conseil de la défense nationale, qu'il préside, avait "proclamé l'état d'urgence dans le pays". Le chef de l'Etat n'a pas précisé les dispositions de l'état d'urgence et notamment s'il incluait l'interdiction des rassemblements.
Tirs depuis les toits
Selon des témoins, des partisans du régime yéménite ont ouvert le feu sur des milliers de manifestants depuis les toits des habitations proches de la place de l'Université, où se tient depuis le 21 février un sit-in contre le régime. Il s'agit de la journée la plus sanglante depuis le début de la contestation fin janvier contre le président Saleh.
L'opposition yéménite a accusé le régime d'avoir commis "un massacre". "Cette tuerie ne va pas contribuer à maintenir Ali Abdallah Saleh au pouvoir", a affirmé, dans une déclaration à la chaîne al-Arabiya, le porte-parole de l'opposition parlementaire. La plupart des morts et des blessés sont touchés par balles à la tête, au cou et à la poitrine, a affirmé un médecin.
"Vendredi de l'avertissement"
Les manifestants scandaient "le peuple veut la chute du régime" et un grand nombre d'entre eux brandissaient des cartons jaunes, à l'initiative d'un groupe de jeunes qui avait appelé cette journée "vendredi de l'avertissement" lancé au président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Les tirs ont commencé lorsque les manifestants ont voulu démanteler une barricade érigée par les partisans du régime pour bloquer l'une des rues menant à la Place de l'Université. La police a lancé des grenades lacrymogènes sur les manifestants et a également tiré à balles réelles.
ET AILLEURS DANS LE MONDE ARABE
BAHREIN:
une large foule exigeant des réformes s'est rassemblée près de la capitale Manama, en dépit d'une interdiction de manifester. Les funérailles d'une victime de la
répression ont aussi réuni des centaines de personnes. Ces démonstrations sont intervenues au lendemain d'un appel de l'opposition dominée à poursuivre la contestation de la dynastie sunnite des Al-Khalifa, au pouvoir depuis plus de 200 ans. Dans le proche village de Diraz, des milliers de manifestants chiites scandant des slogans anti-gouvernementaux se sont aussi mobilisés après la prière du vendredi. Les autorités bahreïnies ont décrété cette semaine l'état d'urgence, qui interdit notamment les rassemblements, après des semaines de contestation dans ce petit royaume. Les heurts ont fait 8 morts cette semaine. Par ailleurs, les autorités bahreïnies ont annoncé vendredi avoir détruit le monument qui se trouve sur la place de la Perle à Manama, épicentre de la contestation.
JORDANIE: un millier de Jordaniens ont manifesté dans le centre d'Amman après la prière pour réclamer des réformes constitutionnelles et la dissolution du Parlement. "Nous voulons une loi électorale équitable. Ensemble nous pouvons parvenir au changement économique et politique. C'est une nécessité nationale", pouvait-on lire sur une des banderoles déployées aux côtés des drapeaux jordaniens et d'un grand portrait du roi Abdallah II.
SYRIE: quatre manifestants ont été tués et des centaines d'autres blessés vendredi par les forces de l'ordre en Syrie, où plusieurs villes ont connu des manifestations contre le pouvoir sans précédent depuis l'arrivée du président Bachar al-Assad en 2000.
EGYPTE: près de 500 personnes se sont rassemblées sur la place Tahrir dans le centre du Caire pour dire "non" aux amendements à la Constitution sur lesquels les Egyptiens se prononcent samedi lors d'un référendum. "A bas la Constitution", "le peuple veut une nouvelle Constitution", scandaient les manifestants dans ce haut lieu de la contestation qui a renversé le président Hosni Moubarak, acculé à la démission le 11 février. Les appels à voter "non" se sont multipliés ces derniers jours, notamment de la part des candidats déclarés à la présidence Amr Moussa et Mohamed ElBaradei.
ARABIE SAOUDITE: le roi Abdallah a annoncé un plan de subventions sociales massives, incluant des aides aux chômeurs et aux secteurs de l'habitat et de la santé, la création de 60'000 emplois dans le domaine de la Défense et l'allocation de fonds pour la construction d'unités de logement. Le souverain du premier exportateur pétrolier, dont le pays est jusqu'à présent à l'abri de la contestation sociale qui secoue le monde arabe, a également décidé la création d'un comité de lutte contre la corruption. Le roi a en outre assuré dans un discours télévisé que les forces de sécurité étaient prêtes à faire face à "tous ceux qui envisageraient de porter atteinte" au royaume.
IRAK: des milliers de partisans du chef radical chiite irakien Moqtada Sadr ont manifesté pour soutenir l'opposition chiite bahreïnie et mettre en garde les gouvernements arabes aidant la répression menée par la monarchie sunnite dans l'archipel du Golfe.
IRAN: des milliers de personnes ont manifesté à Téhéran après la prière du vendredi à l'appel du pouvoir pour soutenir les mouvements de révolte à Bahreïn, en Libye et au Yémen.
ALGERIE: loin de désarmer, la contestation en Algérie s'étend avec des grèves, des sit-in parfois violents et deux manifestations prévues samedi et dimanche à Alger, maintenant la pression de la rue pour un changement de régime.
agences/boi/jzim
La communauté internationale inquiète de l'escalade de la violence au Yémen
Le président américain Barack Obama a demandé vendredi à son homologue yéménite Ali Abdallah Saleh d'autoriser le déroulement de manifestations pacifiques. "Je condamne fermement les violences qui se sont produites aujourd'hui au Yémen", a déclaré le pensionnaire de la Maison Blanche.
La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, s'est elle déclarée "consternée" par les tirs. Elle a réitéré sa condamnation "sans réserve" de la violence à l'encontre des manifestants et plaidé pour le respect "des droits de l'Homme et des libertés fondamentales".
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a également "sévèrement condamné" l'utilisation de munitions réelles par des partisans du régime yéménite. Enfin le CICR a lancé un nouvel appel aux autorités "à respecter en tout temps la vie et la dignité humaines", a déclaré Jean-Nicolas Marti, chef de la délégation du CICR au Yémen.