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Combats et défection: la crise s'accentue au Yémen

Des manifestants se recueillent à Sanaa autour des corps des protestataires ant-gouvernement tué vendredi à Sanaa. [Yahya Arhab]
Des manifestants se recueillent à Sanaa autour des corps des protestataires anti-gouvernement tué vendredi à Sanaa. - [Yahya Arhab]
Lundi, des dizaines d'officiers de l'armée yéménite ont annoncé qu'ils rejoignaient le mouvement de contestation, ce qui a engendré un déploiement de chars à Sanaa. Une vingtaine de personnes sont mortes dimanche dans le nord du Yémen au cours de combats entre les rebelles chiites et les unités militaires fidèles au président Saleh.

Une foule de protestataires bravaient toujours dans le centre de la capitale yéménite une interdiction de manifester pour exiger le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans et de plus en plus isolé à la tête de l'unique république de la péninsule arabique.

Devant ces manifestants qui campent depuis un mois sur la place de l'Université, des dizaines d'officiers de tous rangs, ainsi que des soldats, se sont succédés à la tribune pour annoncer leur soutien à la contestation.

Auparavant, l'un des principaux chef de l'armée, le général Ali Mohsen al-Ahmar, commandant de la première division blindée, avait fait une courte déclaration à la télévision Al-Jazira pour annoncer son ralliement. Le général, issu de la plus influente tribu du pays, a accusé le chef de l'Etat de "réprimer les manifestants pacifiques" et de "pousser le pays vers la guerre civile".

Déploiement de chars

Lundi, des chars se sont déployés en force à Sanaa, notamment autour du palais présidentiel, du siège du parti au pouvoir le Congrès populaire général (CPG), du ministère de la Défense et de la Banque centrale. Il n'était pas immédiatement clair si ces chars étaient sous les ordres de commandants restés fidèles au pouvoir ou d'officiers qui ont rallié la contestation.

A Aden, dans le sud du pays, un autre général, Nasser Ali Chouaïbi, a lui aussi apporté son soutien à la contestation, en même temps que 60 officiers de la province de l'Hadramout et de 50 officiers du ministère de l'Intérieur. Et le gouverneur de la deuxième ville du pays, Ahmad Qaatabi, a présenté sa démission, "pour protester contre ce qui se produit dans le pays".

Ces défections interviennent alors que le cheikh al-Ahmar a demandé au président Saleh "d'éviter l'effusion de sang et d'opter pour une sortie honorable". Sa défection s'ajoute à celles de responsables du régime qui se sont multipliées ces jours-ci, contraignant le président Saleh à limoger dimanche soir le gouvernement, après la démission de trois ministres. Selon l'agence officielle Saba, M. Saleh a demandé à son cabinet "d'expédier les affaires courantes jusqu'à la mise en place d'un nouveau gouvernement".

Ban Ki-Moon condamne

La contestation a pris de l'ampleur après la mort de 52 personnes tuées lors d'une attaque vendredi contre des manifestants à Sanaa. Cette tuerie attribuée à des partisans du régime a marqué la journée la plus sanglante depuis le début fin janvier de la contestation.

Ce massacre a été condamné lundi par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en visite au Caire. "Le gouvernement yéménite a l'obligation de protéger les civils", a déclaré M. Ban. "Il n'y a pas d'alternative à un dialogue global portant sur des réformes politiques, sociales et économiques, pour traiter la crise politique".

Au moins 20 morts dans le nord

Dans le nord du pays, des rebelles chiites ont pris le contrôle d'une installation militaire dimanche lors de combats contre des combattants pro-gouvernementaux qui ont fait au moins vingt morts, ont indiqué lundi des sources militaires et tribales.

Les rebelles appartiennent à la branche zaïdite du chiisme, et combattent le pouvoir central de Sanaa depuis 2004. Cette rébellion a fait des milliers morts et plus de 250'000 déplacés, et elle inquiète l'Arabie saoudite qui est intervenue en août 2009 pour soutenir l'armée de Sanaa.

afp/vkiss

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Dans les autres pays arabes

Des milliers de personnes ont défilé lundi à Deraa, dans le sud de la Syrie, après l'enterrement au cimetière de la Mosquée Al-Omari d'un manifestant tué la veille. "Révolution, révolution", "Dieu, la Syrie, la liberté et c'est tout", scandaient les manifestants, a indiqué un habitant de Deraa selon qui des éléments armés sont postés aux entrées de la vieille ville.

"Le royaume de Bahreïn a mis en échec un complot étranger qui était fomenté depuis au moins vingt ou trente ans", a annoncé lundi le roi Hamad ben Issa Al Khalifa, dans des propos rapportés par l'agence officielle. Il n'a pas précisé quels pays étaient impliqués dans ce complot, mais Manama et les responsables saoudiens ont dénoncé l'influence de l'Iran derrière les troubles récents à Bahreïn, qui ont fait craindre pour la stabilité du régime.

Les Etats-Unis, qui maintiennent à Bahreïn le commandement de leur Ve flotte chargée de la protection des routes pétrolières du Golfe, ont appelé les autorités à la retenue, mais se sont abstenus de toute autre pression. Alors que Washington est intervenu militairement en Libye, la diplomatie américaine a souligné qu'aucun parallèle ne pouvait être dressé avec Bahreïn. Les autorités bahreïnies ont expulsé un diplomate iranien, accusé d'avoir fait entrer des armes à Bahreïn, et Téhéran a riposté en chassant un diplomate bahreïni.

L'opposition islamiste en Jordanie a appelé lundi le roi Abdallah II à suivre l'exemple du roi du Maroc dans son programme de réformes, estimant qu'il n'avait pas besoin d'une commission de dialogue.

Au Maroc, justement, la presse saluait dans son ensemble lundi le caractère pacifique et ordonné des manifestations de dimanche contre les injustices sociales et la corruption, certains y voyant le signe d'une "nouvelle conscience sociale et politique" au Maroc.