Des milliers de manifestants ont défilé jeudi à Deraa, à 100 km au sud de Damas. Le chiffre de vingt mille participants rassemblés dans un des cimetières de la ville a été articulé par des témoins. Le cortège rendait hommage à des manifestants décédés la veille. "Le sang des martyrs ne sera pas versé en vain", ont-ils scandé.
La police secrète et la police spéciale, en uniforme noir, étaient plus visibles qu'au début des troubles, vendredi dernier. Les rues de Deraa étaient désertes jeudi et les écoles sont restées fermées.
D'après des témoins, plusieurs centaines de soldats armés de fusils automatiques AK-47 ont fait leur apparition, patrouillant sous la pluie dans les rues. Des dizaines étaient aussi en faction aux principaux carrefours pour empêcher les rassemblements publics.
Des dizaines de morts
Des dizaines de corps auraient été transférés vers un hôpital à la sortie de la ville, mais il était difficile de confirmer cette information. Selon un responsable de l'hôpital, les affrontements de mercredi auraient fait 37 tués. Selon des militants des droits humains, plus de 100 manifestants auraient perdu la vie mercredi.
Les forces de l'ordre avaient ouvert le feu mercredi sur des centaines de jeunes de la ville marchant au cri de "Liberté". "Les habitants sont hystériques, a confié un habitant. Ils ignorent si leurs fils sont morts ou vivants. Nul ne sait combien de personnes ont été tuées. Il pourrait y en avoir des dizaines", a-t-il aussi dit. Jeudi soir, des milliers de personnes étaient encore rassemblées à Deraa.
Bachar al-Assad lâche du lest
Le président Bachar al-Assad est sorti indirectement de sa réserve jeudi. Sa conseillère, Bousaïna Chaabane, a annoncé et promis que les revendications des protestataires seraient prises en compte. "Les revendications de la population de Deraa sont en cours d'examen. Elles sont justifiés", a-t-elle dit.
Entre autre réformes, une commission va examiner l'abrogation de la loi d'urgence et va mettre en place des mécanismes "efficaces" pour lutter contre la corruption, a-t-elle aussi déclaré. La conseillère a encore pris soin de préciser que le président n'avait pas donné l'ordre aux forces de l'ordre d'ouvrir le feu sur les manifestants à Deraa.
Nombreuses réactions internationales
Plus tard, la télévision d'Etat a annoncé que la Syrie avait relâché tous les militants arrêtés lors des "récents événements". La cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton avait réclamé cette mesure auparavant. Selon des militants des droits de l'Homme et des témoins, des dizaines de personnes ont été interpellées ces derniers jours.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a réclamé une "enquête transparente" sur les violences de mercredi. Paris, Londres et Berlin ont demandé à Damas d'engager des réformes politiques, de respecter le droit du peuple à manifester pacifiquement et la fin immédiate des violences.
agences/vkiss
Heurts entre militaires au Yémen
Des heurts entre militaires hostiles et fidèles au président Ali Abdallah Saleh se sont produits jeudi dans le sud-est du pays, dans la ville de Moukalla où des affrontements similaires avaient déjà eu lieu cette semaine.
Ils sont intervenus à la veille d'une grande manifestation contre le chef de l'Etat yéménite au pouvoir à Sanaa depuis 32 ans.
De son côté, la chaîne de télévision panarabe Al Djazira a fait état de nouveaux signes de délitement du régime. Ainsi dans le Nord du pays, où sévit une rébellion chiite, les gouverneurs des provinces Djouf et Saada, nommés par Saleh, auraient à leur tour tourné casaque.
Plusieurs généraux, dont certains appartiennent à la tribu du président, ont également joint leur voix aux manifestants réclamant le départ immédiat de Saleh depuis la tuerie qui a fait plus de 50 morts vendredi, lorsque des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur la foule des protestataires à Sanaa.
Parmi les transfuges de poids figurent, outre des ministres, chefs tribaux et diplomates importants, le général Ali Mohsen, considéré comme le second personnage du pays, auxquels les puissants services secrets seraient acquis.