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Libye: les rebelles ont conquis Ajdabiya et Brega

Des rebelles libyens portant des roquettes à l'entrée de la ville d'Ajdabiya. [Anja Niedringhaus]
Des rebelles libyens portant des roquettes à l'entrée de la ville d'Ajdabiya. - [Anja Niedringhaus]
Les rebelles ont repris samedi les villes stratégiques d'Ajdabiya et Brega dans l'est de la Libye, leurs premières victoires majeures depuis le début de l'intervention militaire internationale contre les forces du régime de Mouammar Kadhafi il y a une semaine.

Forts du soutien militaire aérien international contre les pro-Kadhafi, les insurgés ont pris coup sur coup le contrôle du verrou stratégique d'Ajdabiya, à 160 km au sud de Benghazi, fief de l'opposition, puis de la ville pétrolière de Brega, à 80 km plus à l'ouest, selon des journalistes sur place.

Les forces du colonel Kadhafi, confronté depuis le 15 février à une insurrection sans précédent qu'il a tenté de réprimer dans le sang, ont déserté leurs positions à la faveur de l'obscurité, laissant les rebelles célébrer leur reconquête d'Ajdabiyah en tirant en l'air et en klaxonnant.

"Les affrontements étaient incessants vendredi, puis tout s'est arrêté vers 23h30. Et à minuit, les hommes de Kadhafi sont partis", a déclaré un habitant, Omar Bachi. "Les rebelles sont entrés dans la ville peu après. Il était temps, nous n'avions plus que du riz à manger depuis plusieurs jours".

Les forces de Kadhafi en déroute

Les combats ont fait, selon la rébellion, neuf morts et neuf blessés, alors qu'à l'extérieur de la ville, les corps d'au moins 21 combattants pro-Kadhafi ont été ramassés, selon une source médicale. D'autres corps, certains carbonisés ou disloqués par les bombardements, gisaient encore dans le désert.

"Ajdabiya est à 100% sous le contrôle de nos forces et nous pourchassons les forces de Kadhafi sur la route de Brega", a déclaré samedi matin un porte-parole des insurgés à Benghazi, Chamsiddin Abdoulmolah.

En fin d'après-midi, les rebelles ont affirmé avoir repris Brega, selon une journaliste voyageant avec eux. "Nous sommes dans le centre de Brega. Les forces de Kadhafi ont battu en retraite et seraient désormais à al-Bicher (à 30 km plus à l'ouest) et nous avançons vers cette zone", a déclaré l'un des combattants rebelles, Abdelsalam al-Maadani.

Des armes pour les insurgés?

Jusqu'alors désorganisés et peu efficaces, les insurgés ont profité de l'appui aérien de la coalition pour reprendre l'offensive. Les raids ont "préparé le champ de bataille", et des officiers et soldats expérimentés ayant rejoint la rébellion ont joué un rôle majeur, a expliqué Chamsiddin Abdoulmolah.Ces militaires ont coordonné leurs attaques avec la coalition, entrant en action entre les tirs aériens.

Interrogé sur un article du Washington Post affirmant que la coalition envisageait d'envoyer des armes aux insurgés, un de leurs porte-parole, Ahmed Khalifa, a dit qu'aucune livraison n'avait eu lieu pour le moment mais que ces armes seraient les bienvenues.

La France, pour sa part, s'est prononcée pour entraîner et armer les insurgés, selon le Washington Post. L'Egypte, de son côté, fournirait des armes aux rebelles libyens pour combattre les forces du colonel Kadhafi, malgré l'embargo sur les armes décrété le 26 février par les Nations unies, avait affirmé vendredi le Wall Street Journal.

Une réussite, selon Obama

En attendant, la coalition n'a pas relâché sa pression. Elle a lancé des raids vendredi soir et dans la nuit sur la ville de Zliten (ouest) et la région d'Al-Watia (ouest). Elle a aussi bombardé un site militaire à Tajoura, dans la banlieue est de Tripoli, une zone visée de manière quotidienne.

Le président américain Barack Obama s'est félicité de l'évolution de la situation, déclarant que la mission internationale en Libye était "ciblée et en train de réussir". "Une catastrophe humanitaire a été évitée et les vies d'innombrables civils innocents, hommes, femmes et enfants, ont été sauvées".

Selon un responsable du ministère libyen de la Santé, les raids de la coalition ont fait au moins 114 morts et 445 blessés de dimanche à mercredi, essentiellement à Tripoli et dans sa banlieue.

Kadhafi prêt au dialogue

Malgré ses déclarations au ton combatif, le régime Kadhafi s'est dit prêt à accepter un plan africain prévoyant la cessation des combats et un dialogue en vue d'une "transition" démocratique. Mais en même temps, ses forces tentent toujours de reprendre la ville de Misrata, bastion des rebelles dans l'ouest, en poursuivant leur pilonnage, selon un témoin.

L'Union africaine (UA) veut de son côté rencontrer rapidement les représentants de la rébellion libyenne afin de discuter de sa "feuille de route" pour mettre fin à la crise en Libye, indique samedi un communiqué de l'organisation continentale.

Depuis Benghazi, les rebelles ont demandé à la communauté internationale de venir à l'aide de Misrata. Et les rebelles ont rejeté l'initiative africaine. "La seule façon de résoudre ce conflit est que Kadhafi et ses fils soient déférés devant la justice pour crimes contre l'humanité", a déclaré Ahmed Khalifa. Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, maintient une attitude de défi et refuse de s'en aller.

L'OTAN aux commandes

Militaire, l'intervention de la coalition internationale se veut aussi politique, alors que le chef du Conseil national de transition regroupant l'opposition a réaffirmé ne pas vouloir de "forces étrangères" sur le sol libyen.

A l'approche d'une première réunion du groupe de contact mardi à Londres, le président français Nicolas Sarkozy a annoncé "une initiative franco-britannique" en vue d'une solution politique. L'Italie a annoncé qu'elle aussi présenterait un plan au cours de ce sommet.

Sur la conduite des opérations, les pays de l'Otan ont convenu de prendre dans l'immédiat le relais de la coalition pour la zone d'exclusion aérienne, mais pas pour les frappes au sol. Des négociations doivent se poursuivre dimanche, pour que l'Otan prenne bientôt toutes les opérations en main.

L'ambassadeur de Russie auprès de l'Otan, Dmitri Rogozine, dont le pays critique l'intervention internationale, a déclaré qu'une intervention terrestre équivaudrait à une occupation.

afp/sbo

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