Les Etats-Unis ont appelé vendredi soir les forces de la France et de l'ONU à agir pour mettre fin aux violences. Alors que le camp de Gbagbo affirmait avoir repoussé l'offensive des forces d'Alassane Ouattara, les tirs avaient baissé d'intensité dans l'après-midi.
Les appels à quitter le pouvoir lancés à Laurent Gbagbo se sont multipliés, de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) au secrétaire général de l'ONU, à la France et aux Etats-Unis. Mais un des porte-parole de Laurent Gbagbo a répété que ce dernier n'"abdiquerait pas".
Rafales de kalachnikov
Au Plateau, quartier du palais présidentiel, les rafales de kalachnikov et les tirs d'arme lourde s'étaient succédé à un rythme soutenu, dont certains d'une très forte intensité faisaient trembler les murs des immeubles, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les rues étaient désertes, les habitants restaient terrés chez eux.
Même intensité des combats dans le quartier chic de Cocody (nord), dans un large périmètre proche de la résidence présidentielle et de la télévision d'Etat RTI et près du camp militaire d'Agban, dans le quartier voisin d'Adjamé.
Alors que la ville avait été livrée à la violence et aux pillages, quelque 150 ressortissants français et 350 étrangers d'autres nationalités ont été accueillis depuis jeudi soir sur le camp de Port-Bouët de la force française Licorne à Abidjan, selon l'état-major des armées françaises à Paris. Par ailleurs, la France déconseille "formellement" les voyages en Côte d'Ivoire, où vivent 12'200 de ses ressortissants, dont 11'800 à Abidjan. Sur les 12'200, 7'300 ont la double nationalité.
Une Suédoise et un Français ont perdu la vie
Une Suédoise employée de l'ONU a été tuée par balle jeudi soir à Abidjan, selon le ministère suédois des Affaires étrangères. A Yamoussoukro, capitale politique, un professeur français a été tué par balles dans son hôtel dans la nuit de jeudi à vendredi, sans que l'on sache si sa mort est liée aux combats dans le pays, ont indiqué des sources françaises.
Les combats très intenses entre les militaires fidèles au président sortant et les Forces républicaines d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, ont débuté jeudi soir à Abidjan, la métropole ivoirienne constituant l'ultime objectif des forces pro-Ouattara.
Lundi, les Forces républicaines, qui contrôlaient le nord du pays depuis 2002, ont lancé une foudroyante offensive vers le Sud, pour mettre un terme à la crise née du scrutin présidentiel contesté du 28 novembre ayant fait, selon l'ONU, près de 500 morts, essentiellement des civils.
Sarkozy s'est entretenu avec Ouattara
Le président français Nicolas Sarkozy s'est pour sa part entretenu vendredi avec Alassane Ouattara, a annoncé l'Elysée à l'AFP. Il l'a également tenu "informé" de la réunion qu'il a présidée en fin d'après-midi avec le Premier ministre François Fillon et les ministres des Affaires étrangères Alain Juppé et de la Défense Gérard Longuet, a-t-on précisé de même source.
La France a appelé Laurent Gbagbo, président sortant de Côte d'Ivoire, à "se retirer immédiatement, à faire cesser les violences et à céder le pouvoir pacifiquement" à Alassane Ouattara, selon un communiqué de l'Elysée publié à l'issue de la réunion. La force française "Licorne" en Côte d'Ivoire a également été portée à 1'100 hommes, contre 900 auparavant.
Les Etats-Unis avaient d'ailleurs appelé vendredi "les forces de l'ONU et de la France" à agir afin de protéger les civils en Côte d'Ivoire, où Washington réclame aussi le départ immédiat de Laurent Gbagbo.
Laurent Gbagbo est à sa résidence
Au soir du cinquième jour de l'offensive, un porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo a affirmé que celui-ci était "à sa résidence (d'Abidjan) avec toute la famille réunie" et que "toute tentative de recherche de solution par la force est sans issue".
"Il a été élu par les Ivoiriens et l'autre par la communauté internationale", a-t-il poursuivi, en référence à Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, ne s'est pas exprimé publiquement depuis des semaines.
Les forces pro-Ouattara ont dit avoir pris au début des combats la télévision d'Etat, symbole du régime, le privant ainsi d'un moyen de communication essentiel. Le signal était interrompu depuis jeudi soir. Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé vendredi Laurent Gbagbo à céder le pouvoir à Alassane Ouattara et a enjoint les deux camps à faire preuve de retenue.
Une proposition de départ facilité
Le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU à Abidjan a offert à Gbagbo de "faciliter son départ si tel était son souhait". La Cédéao, la France, les Etats-Unis ont appelé le président sortant à quitter le pouvoir. Il "ne démissionnera" pas et "il n'en sortira pas vivant", a assuré un de ses amis les plus proches, l'ancien responsable socialiste français Guy Labertit.
"Il faut que Laurent Gbagbo se rende pour éviter un bain de sang. On espère qu'il le fera, sinon on viendra le chercher là où il est. S'il démissionne, c'est bien, sinon il sera traduit devant la justice internationale", avait averti jeudi soir Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara. Mais le camp Ouattara n'est pas exempt de critiques: l'ONU craint de "graves violations des droits de l'homme" commises par les forces pro-Ouattara, en particulier dans l'ouest du pays.
afp/jzim
La Suisse adopte les sanctions de l'ONU
"La Suisse demande le départ immédiat de Laurent Gbagbo", conformément à la résolution adoptée mercredi soir par le Conseil de sécurité de l'ONU à New York, a indiqué vendredi Adrian Sollberger, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Berne se range aussi derrière les nouvelles sanctions onusiennes à l'encontre du président ivoirien sortant.
Des gels d'avoirs ont notamment été décidé mercredi soir par l'ONU contre Laurent Gbagbo. Des restrictions de déplacement font aussi partie de ces sanctions. Les services de Micheline Calmy-Rey rappellent que la Suisse a déjà bloqué dès le 19 janvier dernier les avoirs du président déchu de la Côte d'Ivoire et de son entourage. Le Conseil fédéral avait décidé ce gel immédiat afin d'éviter tout risque de détournement des fonds publics.
150 Suisses invités à quitter le pays
A la suite de la dégradation de la situation sécuritaire, l'ambassade helvétique à Abidjan a transmis une nouvelle fois le 25 mars dernier un message à la communauté suisse "recommandant instamment à tous les ressortissants suisses de quitter temporairement la Côte d'Ivoire" et d'informer l'ambassade du départ.
L'ambassade a connaissance de 148 ressortissants suisses actuellement en Côte d'Ivoire. Avant le début de la crise, ils étaient plus de 200, souligne le DFAE. Parmi ces 148 personnes, 32 sont engagées au sein de l'ONUCI, du CICR et de l'ambassade de Suisse. La grande majorité réside dans la capitale Abidjan. A cela s'ajoutent vraisemblablement des Suisses de passage. C'est la raison pour laquelle le DFAE recommande à ces personnes de prendre contact immédiatement avec l'ambassade de Suisse à Abidjan.