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Abidjan: l'ONU attaque les bastions de Gbagbo

Les forces de l'ONU appuyées par la France ont attaqué le camp militaire d'Akouédo tenu par les partisans de L.Gbagbo [AFP - STR]
Les forces de l'ONU appuyées par la France ont attaqué le camp militaire d'Akouédo tenu par les partisans de L.Gbagbo - [AFP - STR]
Les forces de l'ONU et de la France ont frappé lundi à Abidjan les derniers bastions du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, dont son palais et sa résidence. Ces attaques interviennent le jour où les combattants d'Alassane Ouattara ont engagé une offensive pour en finir avec son régime.

Plus de quatre mois après le début d'une crise post-électorale qui a dégénéré en quasi-guerre civile, les Nations unies et l'ex-puissance coloniale française ont ciblé quatre sites qu'avaient échoué à prendre ces derniers jours les forces d'Alassane Ouattara, président reconnu par la communauté internationale.

Les "Forces impartiales" - mission onusienne (Onuci) et force française Licorne - "ont tiré sur les camps militaires d'Agban et d'Akouédo ainsi que le palais et la résidence présidentielle", a déclaré le porte-parole de l'Onuci, Hamadoun Touré.

Pour neutraliser les armes lourdes

"Nous avons lancé l'opération destinée à protéger les populations en mettant hors d'état de nuire les armes lourdes utilisées par les forces spéciales de Laurent Gbagbo contre les populations et contre les Casques bleus de l'ONU", a-t-il précisé.

Quatre hélicoptères de Licorne ont tiré sur le camp de gendarmerie d'Agban, bastion des forces pro-Gbagbo dans le nord de la capitale économique, a constaté un journaliste de l'AFP. Des témoins ont aussi rapporté des tirs sur le camp d'Akouédo (nord-est) par des hélicoptères de l'ONU.

La présidence française a confirmé que les troupes de l'Onuci ont engagé lundi des actions auxquelles participent les forces françaises, en application de la résolution 1975 du Conseil de sécurité de l'ONU, pour "neutraliser les armes lourdes utilisées contre les populations civiles".

Les frappes résultent d'une demande "urgente" du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon au président Nicolas Sarkozy, selon des responsables des Nations unies.

Des "actes illégaux"

Toussaint Alain, conseiller de M. Gbagbo en Europe, a condamné à Paris des "actes illégaux", "des actes de guerre". "La finalité de cette action, c'est l'assassinat du président Gbagbo", a-t-il déclaré à l'AFP.

Ces frappes sont intervenues le jour où les forces pro-Ouattara ont dit être passées à l'offensive dans Abidjan, livrée au chaos depuis les combats qui ont suivi leur entrée jeudi soir dans la ville, après leur conquête du reste du pays en quatre jours.

Les forces loyales au président Ouattara ont lancé l'offensive à Abidjan. [Emmanuel Braun]
Les forces loyales au président Ouattara ont lancé l'offensive à Abidjan. [Emmanuel Braun]

Dans la capitale économique, théâtre depuis jeudi soir de combats et de pillages, la France a entamé le "regroupement" de ses ressortissants en trois points de la ville, notamment le camp de Licorne à Port-Bouët. Plus de 1650 ressortissants étrangers, dont environ la moitié de nationalité française, y avaient déjà trouvé refuge dimanche. 167 d'entre eux sont partis dimanche pour Lomé ou Dakar, et 250 lundi.

Le Quai d'Orsay évalue à 12'200 le nombre de Français actuellement en Côte d'Ivoire, dont 11'800 à Abidjan. Quelque 7300 ont la double nationalité. La France a envoyé lundi 150 soldats supplémentaires pour protéger les expatriés à Abidjan, portant l'effectif de la force Licorne à environ 1650 hommes.

Quelques heures avant les frappes, plusieurs personnes, dont deux Français, ont été enlevées lundi par des "hommes en armes" à l'hôtel Novotel - situé dans un quartier contrôlé par le camp Gbagbo-, a indiqué le ministère français des Affaires étrangères. Le nombre de personnes kidnappées serait de 4 ou 5, a-t-on précisé de source diplomatique. Les Français enlevés sont le directeur de l'hôtel et un chef d'entreprise, selon une source sécuritaire.

Appel de l'Union européenne

La Commission européenne a appelé les deux rivaux ivoiriens à "protéger les civils" et à tout faire pour éviter de faire basculer "davantage" leur pays dans la guerre civile, après le massacre de plusieurs centaines de personnes dans l'Ouest.

Selon l'ONU et plusieurs organisations internationales, la prise mardi 29 mars par les combattants d'Alassane Ouattara de Duékoué, important carrefour de l'Ouest, s'est accompagnée de massacres à grande échelle, les bilans allant de 330 tués à un millier de "morts ou disparus".

Selon l'ONU, "la plupart" des 330 morts de Duékoué ont été victimes de combattants de M. Ouattara, les autres essentiellement de miliciens et mercenaires libériens pro-Gbagbo. Le camp Ouattara a vivement contesté ces "allégations", affirmant que tous les tués étaient des "miliciens". Ses Forces républicaines ont annoncé avoir "compté" 152 corps à Duékoué et non des centaines.

Les avocats de M. Ouattara ont dénoncé lundi une "exploitation politique" et souligné l'importance de "la preuve" de crimes. Ils avaient adressé le 9 mars un "mémorandum" à la Cour pénale internationale (CPI) accusant Laurent Gbagbo et ses services de sécurité de "crimes contre l'humanité".

Plus de 60 Suisses à Abidjan

Interrogé par l'ATS, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a indiqué que "plusieurs Suisses" se trouvent dans ce camp. "La Suisse est intégrée au dispositif de crise français", a précisé lundi le DFAE. Quant à une éventuelle évacuation des citoyens suisses, le DFAE a indiqué "préparer des plans pour tous les scénarios possibles, y compris la possibilité d'un rapatriement".

La représentation a connaissance de 132 ressortissants suisses en Côte d'ivoire (dont 62 à Abidjan), contre plus de 200 avant le début de la crise. Parmi ces chiffres, quelque 37 Suisses travaillent pour l'ONU, le CICR ou l'ambassade suisse.

agences/lan

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