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Libye: l'OTAN à nouveau accusée de bavure

Les rebelles accusent l'OTAN de laisser massacrer des civils à Misrata. [Maurizio Gambarini]
Les rebelles accusent l'OTAN de laisser massacrer des civils à Misrata. - [Maurizio Gambarini]
Une attaque aérienne que les rebelles attribuent à l'OTAN a tué au moins deux insurgés et un médecin jeudi près de Brega, dans l'est de la Libye. Cinq autres rebelles sont morts sous les frappes des forces kadhafistes à Misrata. Tandis que le risque d'enlisement se précise, l'ONG Libyan Human Rights Solidarity s’inquiète de la situation humanitaire critique.

Selon des sources hospitalières et des témoins joints par l'AFP, des avions de l'OTAN ont ouvert le feu sur des chars à l'est du site pétrolier de Brega (est). Bilan: deux rebelles et un médecin libyen tués, plus d'une vingtaine de blessés, selon des journalistes de l'AFP et sources médicales à Ajdabiya et à Benghazi, ville où des blessés ont été transportés.

L'OTAN a assuré qu'elle enquêtait sur ces nouvelles allégations de bavure. Au même endroit, des éclats d'obus sur une ambulance ont tué un infirmier et blessé deux autres, selon un médecin qui a assisté au raid. "La façon dont l'ambulance a été endommagée n'est pas claire, parce qu'au même moment les forces de Kadhafi tiraient des roquettes Grad sur les rebelles", a-t-il souligné.

Insurgés en colère

Les insurgés, déjà furieux contre l'Alliance atlantique qu'ils accusent de ne pas assez les aider, ont laissé éclater leur colère. "Au lieu d'attaquer Kadhafi, ils nous attaquent. Qu'est-ce qui ne va pas avec nos amis les Etats-Unis et le Royaume Uni", s'interroge Souleimane Rifadi, un volontaire à l'hôpital d'Ajdabiya, à 80 km à l'est de Brega.

C'est dans cette région de l'Est libyen que se situe depuis une semaine la ligne de front entre forces loyalistes et rebelles, qui avancent et reculent au gré des frappes aériennes. Dans l'après-midi, un vent de panique a saisi Ajdabiya, où des milliers de civils et rebelles ont pris la fuite vers le fief rebelle de Benghazi plus au nord.

A l'origine de ce mouvement, une rumeur d'attaque imminente de la ville par les forces de Kadhafi. Majbali Younis, administrateur de l'hôpital d'Ajdabiya, a cependant démenti une avancée des troupes loyalistes et assuré que des rebelles étaient toujours présents dans la ville.

Explosions à Tripoli

A l'autre extrémité du pays, des avions ont survolé jeudi Tripoli et des explosions ont été entendues dans la banlieue-est, selon des journalistes de l'AFP. La situation humanitaire à Misrata, troisième ville du pays, pilonnée sans relâche depuis un mois et demi par l'armée régulière, fait par ailleurs l'objet de toutes les attentions de la communauté internationale.

Emboîtant le pas à l'OTAN, qui a fait de Misrata sa "priorité numéro un", l'ONU a appelé à un arrêt des hostilités autour de la ville. Rebelles et humanitaires alertent depuis des semaines la communauté internationale sur le sort des quelque 300’000 habitants de cette ville à quelque 200 km à lest de Tripoli, dont plusieurs centaines ont été tués ou blessés par les combats selon eux.

L'ONG Libyan Human Rights Solidarity s’inquiète de la situation humanitaire critique. [Nasser Nasser]
L'ONG Libyan Human Rights Solidarity s’inquiète de la situation humanitaire critique. [Nasser Nasser]

Des affrontements entre rebelles et forces loyales se concentraient jeudi aux abords de la ville, selon un porte-parole des insurgés à Misrata ajoutant que les rebelles contrôlaient toujours le centre-ville. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé être parvenu à envoyer un bateau chargé d'aide, vivres, médicaments et médecins jusqu'à Misrata.

Aide financière

Alors que les rebelles reculent de plus en plus vers l'est devant l'avancée des forces kadhafistes, l'Europe et les Etats-Unis ont décidé de les aider notamment sur le plan financier, ont indiqué jeudi des sources impliquées dans des discussions avec eux.

Elles ont cependant souligné qu'aucune arme ne leur serait fournie, en application des résolutions de l'ONU imposant des sanctions contre la Libye et permettant l'usage de la force pour protéger les civils.

Sur le plan militaire, les alliés occidentaux sont en train d'établir un système de communication entre le commandement militaire des rebelles et l'Otan, ont indiqué ces sources s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Risque d’enlisement

Cependant, le risque d'un enlisement se précise en Libye, favorisé par les limites fixées à l'intervention de l'OTAN, la désorganisation persistante de rebelles mal armés et la résistance du régime de Kadhafi. A Washington, le général américain Carter Ham, commandant des forces américaines pour l'Afrique, a estimé qu'il était peu probable que les rebelles parviennent à lancer un assaut sur Tripoli pour renverser le colonel Kadhafi.

Le porte-parole de l'état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burckhard, a reconnu que la situation était "complexe". Les forces pro-Kadhafi ont "modifié leur mode d'action" en réponse aux frappes de la coalition internationale: pick-up remplaçant les blindés, "imbrication" dans la population civile.

Pour dénouer cette crise qui dure depuis plus de sept semaines, Paris a fait du départ de Kadhafi le préalable à toute solution politique, comme Washington la veille. De son côté, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a demandé au colonel Kadhafi de lever le siège des villes rebelles.

agences/bkel

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Situation humanitaire critique

La situation humanitaire est de plus en plus critique dans plusieurs villes de l'ouest de la Libye, a averti jeudi à Genève l'ONG Libyan Human Rights Solidarity (LHRS). L'essence, l'eau et la nourriture sont de plus en plus rares.

"A Misrata, il n'y a pas d'eau, pas d'électricité et de moins en moins de nourriture. Le système d'égoûts a été détruit et il y a des problèmes de contamination de l'eau", a déclaré le secrétaire général de LHRS, Said Khaled, en contact téléphonique quotidien avec des habitants de la ville assiégée.

La situation devient également chaque jour plus difficile à Tripoli, où il n'y a pratiquement plus d'essence. Les gens n'ont pas eu d'activité normale depuis près de six semaines, a-t-il souligné.

A Zentan et ses environs, zone montagneuse de 250'000 habitants sous le contrôle des insurgés, les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. La route du nord est coupée par les forces de Kadhafi. Un peu d'aide parvient par la route qui mène à la Tunisie, mais elle n'est pas suffisante. Deux puits ont été détruits par les forces loyales à Kadhafi.

Interrogé sur l'évolution du conflit, le responsable de l'ONG libyenne a affirmé que l'attitude des pays occidentaux est déterminante. "La zone d'exclusion aérienne et les bombardements aériens ne suffisent pas", a-t-il dit.

"Il faut en même temps fournir des armes aux insurgés pour qu'ils puissent se défendre. Actuellement, tout leur armement provient de l'armée de Kadhafi qu'ils sont arrivés à capturer. Les Occidentaux ont armé Kadhafi pendant des années. Ils sont responsables de ce qui se passe dans le pays", a affirmé Said Khaled.

Par ailleurs, quatre journalistes étrangers sont portés disparus sans l'est du pays depuis lundi, a annoncé jeudi l'ONG Reporters sans frontières (RSF).