Le président sortant de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo "est bien calé dans son fauteuil présidentiel" et ne partira pas car il ne veut pas "abandonner son peuple", a déclaré vendredi à Paris l'un de ses conseillers, Toussaint Alain, lors d’une conférence de presse. "Laurent Gbagbo est sur la terre de ses ancêtres, ce n'est pas aujourd'hui qu'il va s'en aller", a-t-il ajouté.
L’appel à la réconciliation, du "pipeau"
Le conseiller a aussi estimé que l'appel à la réconciliation nationale lancé jeudi par Alassane Ouattara est le discours d'"un imposteur". "Sa réconciliation, c'est du pipeau", a-t-il dit.
Alassane Ouattara, internationalement reconnu comme le président de Côte d'Ivoire, a appelé jeudi soir à la réconciliation de tous les Ivoiriens, dans une allocution solennelle à la nation, faute d'avoir obtenu la reddition de son rival Laurent Gbagbo. Il a également annoncé qu'"un blocus a été établi autour (du) périmètre" de la résidence présidentielle où Laurent Gbagbo "s'est retranché avec des armes lourdes et des mercenaires".
Alassane Ouattara tentait vendredi de faire face au défi majeur du rétablissement de la sécurité en Côte d'Ivoire, particulièrement à Abidjan. Dans l'ouest du pays désormais aux mains des forces fidèles à Ouattara, des enquêteurs de l'ONU ont découvert plus de 100 corps ces dernières 24 heures, a déclaré à Genève un porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'homme, précisant que ces meurtres semblaient avoir eu des mobiles "ethniques".
"Il y a eu une escalade ces deux dernières semaines", a relevé Rupert Colville, avertissant qu'il fallait être "prudent au moment d'assigner des responsabilités". Alassane Ouattara a promis que "la lumière sera faite sur tous les massacres" et que leurs auteurs "seront sanctionnés".
Abidjan en proie au chaos
A Abidjan, la situation était calme vendredi matin autour du palais présidentiel et près de la résidence présidentielle. "On entend seulement de temps en temps quelques rafales d'armes individuelles mais rien qui ressemble à des combats", a rapporté un habitant de Cocody (nord) où se trouve la résidence présidentielle.
Après l'impasse politique née de l'élection présidentielle du 28 novembre et l'enlisement militaire, Abidjan, livrée aux pillards, est confrontée à l'urgence humanitaire: le système de santé s'est effondré, l'eau et l'électricité sont souvent coupées et les réserves de nourriture s'amenuisent.
Alassane Ouattara a demandé aux responsables de ses forces "de prendre toutes les dispositions pour assurer le maintien de l'ordre et la sécurité des biens", ainsi que la liberté de mouvement dans le pays. Annonçant un prochain allègement du couvre-feu en vue de permettre un "retour progressif à la normalité", il a aussi appelé son peuple à l'unité afin de relancer la reconstruction du pays et à la "reprise de l'activité économique".
Levée des sanctions réclamée
"J'ai demandé que les sanctions de l'Union européenne sur le port d'Abidjan et San Pedro et sur certaines entités publiques du fait du régime illégitime de Laurent Gbagbo soient levées", a-t-il dit. L'Union européenne impose un embargo sur les deux ports pour faire pression sur Laurent Gbagbo. Celui de San Pedro (sud-ouest) est le premier port d'exportation de cacao au monde.
"Nous avons reçu une demande du président Ouattara visant à retirer certaines entités de la liste des sanctions" de l'UE, a indiqué vendredi à l'AFP le porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, Michael Mann. "Nous espérons être bientôt en mesure de commencer à assouplir les sanctions", a-t-il ajouté.
Selon une source diplomatique, les pays européens travaillent aussi à la levée de sanctions pesant sur des entreprises impliquées dans l'exportation de cacao. Une décision pourrait être prise mardi à l'occasion d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères à Luxembourg.
agences/bkel
"Une tragédie humanitaire"
Des milliers de civils continuent de fuir les violences en Côte d'Ivoire pour se réfugier dans les pays voisins, a indiqué vendredi le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR). Ils sont désormais plus de 150'000 à avoir quitté le pays, dont 135'000 au Liberia.
Dans la seule journée de mercredi, plus de 4500 Ivoiriens ont cherché un refuge dans le sud-est du Liberia. Deux réfugiés avec des blessures par balles ont été transférés dans un hôpital, a précisé un porte-parole du HCR, Adrian Edwards. Les réfugiés auxquels le personnel du HCR a pu parler sont épuisés et ont faim, a-t-il indiqué.
Ils sont arrivés au Liberia soit à pied, soit en canot à travers la rivière Cavally ou bien par la mer. Ils ont raconté avoir vu des cadavres lors de leur périple. Quelque 2000 Ivoiriens ont fui en outre les violences en cours à Abidjan pour se réfugier au Ghana ces derniers jours, ce qui porte à 7500 le nombre de réfugiés dans ce pays.
"C'est une tragédie humanitaire", a déclaré la porte-parole du Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU Elisabeth Byrs.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a demandé l'ouverture de corridors humanitaires pour avoir accès aux dizaines de milliers de déplacés dans l'ouest du pays.